A lot of people here speak French? Un avantage!

La manifestation à Ottawa, le 1er décembre 2018. Archives ONFR+

[ANALYSE]

Si la firme de consultants en immigration MDC Canada cherchait une visibilité médiatique, elle n’aurait pas pu s’y prendre autrement. En publiant sur ses médias sociaux pendant trois semaines que les francophones du Canada sont considérés comme un désavantage dans leur propre pays, l’entreprise basée à Vancouver s’est attirée ce jeudi les foudres de bon nombre, y compris du gouvernement fédéral.

Écrite entièrement en anglais, la publication initiale « The Pros and Cons of Living in Canada » met en valeur le système universitaire et éducatif, la poutine, et le multiculturalisme. En revanche, MDC Canada pointe parmi les désavantages le froid, le coût élevé, mais aussi… l’idée que « beaucoup de personnes ici parlent français ».

Le directeur général de la firme, David Allon, a présenté immédiatement ses excuses. Mais force est d’admettre que les prétextes du « rédacteur en chef hospitalisé au moment des faits », ainsi que la référence à son enfance passée à Montréal ont ajouté au malaise.

Si ce genre de publication n’est pas la première, et ne sera pas la dernière de disgracieuse de la part du Canada anglais à l’égard des francophones, elle demeure l’étincelle de trop dans un climat de « Quebec bashing » accentué, au regard de nombreux observateurs.

Si les incompréhensions éternelles entre le Québec et les autres provinces se sont ravivées par la prise de pouvoir de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018, la publication survient dans une semaine déjà marquée par les nouvelles provocations publiques du professeur de l’Université d’Ottawa, Amir Attaran, accusant cette fois le Québec surnommé « l’Alabama du Nord » de « lynchage médical » envers les Autochtones.

Du côté des francophones en contexte minoritaire, la publication coïncide avec une semaine de revendications intensifiées. En Ontario, l’Université Laurentienne lutte pour sa survie, les Franco-Manitobains sont au front pour la défense de leur hôtel de ville historique à Saint-Boniface, tandis que le problème de la traduction de documents techniques vient de ressortir à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick.

Alors que les francophones célèbrent ce samedi la Journée internationale de la Francophonie, on aurait pu espérer mieux.

L’enjeu véritable de l’immigration francophone

Manifestant un déni de l’immigration francophone au Canada, MDC Canada parait ignorer un fait majeur : les nouveaux arrivants de langue française sont en hausse dans les provinces à l’extérieur du Québec.

Pour preuve, l’immigration francophone représente désormais plus de 4 % de l’ensemble des nouvelles résidences permanentes accordées en Ontario, tandis que le même chiffre pointe à 3,6 % pour les provinces « en contexte minoritaire ».

Deux lectures sont ici possibles, l’une optimiste, l’autre plus sombre. Pour la première, il faut se féliciter de cette augmentation, laquelle pourrait rapidement donner de précieuses munitions contre l’assimilation. Pour les partisans de la seconde, la cible du gouvernement fédéral (4,4 %) reste très faible pour un pays dont le français est la langue officielle. Sans compter que beaucoup d’immigrants francophones choisissent en réalité de vivre en anglais…

Le temps de célébrer

En cette Journée internationale de la Francophonie, il est néanmoins le temps de célébrer. Le français est la 5e langue la plus parlée au monde. Dynamisé par la démographie africaine, le nombre de locuteurs dans le monde pourrait même doubler en 2050.

En dépit du fait français grignoté depuis quatre siècles au Canada, les francophones restent environ huit millions de Cape Spear à Victoria, n’en déplaise à MDC Canada. Yes, a lot of people here speak French. Avec fierté.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 20 mars.