À Sudbury, Casselman ou Rockland, des banques alimentaires sollicitées
Qu’on ne s’y trompe pas, le Centre d’Aide Rockland est plus opérationnel que jamais. Derrière les murs du bâtiment en brique de la rue Chamberland, quatre ou cinq bénévoles s’activent pour préparer les cartons de nourriture. Avec la crise de la COVID-19, les demandes ont grimpé en flèche.
« Dès la première semaine qui a suivi le début de la crise, nous avons eu entre 60 et 80 demandes », explique le président de la banque alimentaire de Clarence-Rockland, André Perras. « Depuis que tout a commencé, je ne serai pas surpris si les demandes supplémentaires ont augmenté de 35 à 45 %. »
Conséquence de la crise économique déclenchée par l’épidémie de coronavirus : beaucoup de Canadiens ont perdu leur emploi et n’arrivent plus à joindre les deux bouts.
Mais l’organisme qui dessert les résidents de Clarence-Rockland, mais aussi Clarence Creek, Hammond, et Saint-Pascal-Baylon, a pu compter sur l’élan de générosité des résidents de l’Est ontarien.
« On est gâté, et les gens sont très généreux. On a reçu des dons spontanément. Pour mars, nous avons reçu 20 000 $ de dons monétaires. Cela compense avec la fermeture de la friperie située dans le Centre d’Aide qui permet d’habitude de générer de 5 000 à 10 000 $ par mois. »
À quelques dizaines de kilomètres plus loin à Casselman, le constat est sensiblement le même. « Depuis le début de la crise, nous avons 35 % de demandes en plus », résume la présidente de la banque alimentaire C.C.S., Diane Perreault.
Là encore, l’élan de solidarité dans la population s’est fait naturellement.
« On n’a pas besoin d’être à la sortie des supermarchés. Les dons monétaires nous arrivent par la poste, et pour les dons alimentaires, ce sont des gens qui viennent directement à la banque. »
Signe de l’intérêt central joué par la banque alimentaire, l’association doit répondre à des demandes bien au-delà de son territoire.
« Nous desservons Casselman, St-Albert et Crysler, mais avec la crise, des résidents d’autres villages nous demandent de l’aide. »
Ouverte en principe en fin de matinée les mardis, et les mercredis soir, la banque alimentaire de C.S.C. a dû allonger ses horaires de fonctionnement.
« Nous avons une vingtaine de bénévoles, mais je n’en veux pas d’autres », prévient Mme Perreault. « En raison de la propagation du virus, je ne veux pas prendre de risques. »
Une différence dès lors avec la banque alimentaire de Clarence-Rockland, où il a fallu se résoudre à aller chercher de nouvelles paires de bras.
« Beaucoup de nos bénévoles habituels ont plus de 70 ans et sont donc plus vulnérables à la COVID-19. Des bénévoles se sont ajoutés pour assurer la distribution, grâce à l’aide en partie de deux conseillers municipaux qui ont formé des équipes », souligne M. Perras.
Faire plus avec moins de ressources, l’exemple de Sudbury
L’Est ontarien n’est pas la seule région à faire face à une hausse des demandes. Dans le Nord de la province, d’autres associations francophones sont sur le pied de guerre.
À la banque alimentaire du Grand Sudbury, la pandémie a tout bouleversé, selon son directeur général.
« Il n’y a simplement plus de normal », avoue Dan Xilon. « Maintenant, on vit au jour le jour. Nos activités s’adaptent sans cesse à la nouvelle réalité ainsi qu’aux directives établies par le bureau de santé publique et la ville. »
Il y a de plus en plus de clients, affirme-t-il, et ils doivent être servis un à la fois afin de respecter les normes de distanciation.
« C’est un processus qui prend beaucoup de temps », raconte le directeur général. « Mais jusqu’à présent, on parvient à desservir tout le monde. Nous tenons bon grâce à une incroyable équipe de bénévoles en première ligne. »
Mais cette équipe a aussi dû être réduite, explique-t-il.
« Même si nous avons beaucoup de personnes prêtes à se porter volontaires, nous ne pouvons pas avoir plus de quatre ou cinq bénévoles à la fois dans un bâtiment. Il faut en faire plus avec moins de ressources. »
Afin d’éviter les risques de transmission, la banque sudburoise n’accepte plus de dons d’aliments. Toutefois, grâce à une campagne de sociofinancement prolifique, la banque alimentaire a reçu un nombre record de dons pour ce temps de l’année.
« Jusqu’à présent, nous tenons le coup et nous gardons une longueur d’avance. Nous espérons qu’en tant que société, nous parviendrons à aplatir la courbe et que nous en sortirons mieux que jamais. »
À Moonbeam, peu de changement
Dans la petite municipalité de Moonbeam, les choses n’ont pas autant changé.
« Jusqu’à présent, on n’a pas vu de hausse de la demande », raconte la présidente de la banque alimentaire, Chantal Deschamps. « Nous avons toujours le même nombre d’utilisateurs qu’avant la crise. »
Selon Mme Deschamps, même si bien des résidents de la région se retrouvent soudainement sans emploi, l’aide gouvernementale leur permet de joindre les deux bouts sans avoir recours à la banque alimentaire.
Toutefois, les consignes de distanciation sociale forcent tout de même l’organisme à augmenter ses heures d’opération.
« Habituellement, on est ouvert une journée par mois, de 13h à 14h », explique Mme Deschamps. « Mais maintenant, j’ai dû rejoindre tous nos réguliers pour leur donner des rendez-vous. On commence à 10h30, le matin, et on finit à 16h30. Entre chaque client, on se donne quelques minutes pour tout désinfecter. »
La banque alimentaire doit aussi faire face à différents défis, particulièrement en matière d’approvisionnement.
« Ce qui est le plus difficile pour nous, c’est d’acheter l’épicerie », explique Mme Deschamps. « Les épiceries de la région limitent les achats de certains produits à un ou deux par client. J’ai tenté de commander chez Walmart, mais ils ne veulent pas. L’Indépendant ne nous laisse pas acheter en gros non plus. »
De plus, la banque alimentaire ne peut plus compter sur plusieurs de ses partenaires de la région qui vivent aussi des temps durs.
« Tous les mois, on donne du pain qu’on obtenait gratuitement de La Boulangerie. Mais maintenant, ils font leur pain sur commande donc ils n’en ont plus d’extra à nous offrir. »
L’organisme s’est tourné vers Épicerie Coop de Moonbeam, mais doit donc négocier avec des prix plus élevés.
Heureusement, il profite aussi d’aides additionnelles de la Caisse populaire, de la municipalité de Moonbeam et du gouvernement pour combler le manque.
« Somme toute, les choses vont bien » résume-t-elle. « Je ne peux pas me plaindre. »
Article écrit avec la collaboration de Didier Pilon