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À Sudbury, ces jeunes de partout au Canada viennent pour apprendre le français

Les jeunes de 13 à 15 ans suivent des ateliers de sensibilisation en plus de suivre des cours de français. Photo: Inès Rebei/ONFR

SUDBURY – Depuis maintenant trois semaines, une cinquantaine d’adolescents âgés de 13 à 15 ans de partout au pays participent au programme Explore au Collège Boréal de Sudbury. ONFR est allé à la rencontre des participants de ce camp d’été unique, qui allie cours de français le matin et activités ludiques l’après-midi pour encourager la pratique orale et la motivation à parler en français.

« Le but ce n’est pas seulement de leur enseigner le français, c’est surtout de les motiver à parler français », résume Renée Hallée, gestionnaire de la formation continue au Collège Boréal.

Le programme Explore est une initiative fédérale d’immersion linguistique qui permet aux Canadiens de perfectionner leur français ou anglais tout en découvrant différentes régions du pays, notamment par le biais de camps d’immersion estivaux offerts dans différentes provinces, dont celui du Collège Boréal à Sudbury.

Celui-ci s’adresse à des jeunes de tous niveaux, du débutant à des élèves déjà avancés. « Nous avons actuellement deux groupes intermédiaires et un groupe de débutants », explique Karine, enseignante au programme et forte de vingt ans d’expérience.

Après avoir mangé, les jeunes peuvent aller déposer leurs affaires dans la résidence du campus où ils demeurent pendant leur séjour. Photo : Inès Rebei/ONFR

Après un test d’évaluation en début de session, les jeunes sont regroupés par niveau pour que les cours soient adaptés et efficaces. 

« On reforme les groupes pour qu’ils soient homogènes, sinon les élèves risquent de ne pas progresser ou de perdre leur motivation », ajoute-t-elle, précisant que cette organisation assure un enseignement personnalisé où chaque jeune peut progresser à son rythme.

Immersion active et le plaisir

Le matin, les élèves assistent à des cours intensifs de français axés sur la grammaire, la conjugaison et le vocabulaire.  L’après-midi, place aux activités qui favorisent l’usage pratique du français dans des contextes variés : ateliers, jeux, sorties et moments de détente. 

Renée Hallée insiste sur la nature flexible et conviviale du camp : « Ce n’est pas rigide. Les jeunes participent à des activités organisées, mais s’ils ne veulent pas, on respecte leur choix. Nos moniteurs sont là pour assurer la sécurité et encourager la participation, sans jamais forcer personne. »

Les moniteurs jouent un rôle central dans le succès du programme. « Ils doivent s’assurer que le groupe reste homogène, qu’il n’y ait pas d’accident, et surtout motiver les jeunes à parler français », explique Mme Hallée, ajoutant que pour certains jeunes, cela représente un défi, mais l’encadrement bienveillant les aide à persévérer.

Brayden Bertrand fera sa rentrée en septembre prochain au Collège Boréal. Photo : Inès Rebei/ONFR

Brayden Bertrand, jeune moniteur de 18 ans, est particulièrement fier de son rôle. « Je promeus le français auprès des élèves qui parlent surtout anglais. Je leur apprends des mots, je les encourage à s’exprimer en français et je surveille les activités », dit-il avec enthousiasme.

Il constate de réels progrès chez les jeunes. « Au début, plusieurs ne parlaient que très peu français. À la fin, ils s’expriment beaucoup plus. C’est encourageant de voir leur évolution. »

Brayden Bertrand souligne aussi l’importance de créer des liens personnels : « Je connais déjà presque tous leurs noms, ça m’aide à mieux les guider dans les activités et à instaurer un climat de confiance. »

Approfondir ses connaissances

Parmi les participants, plusieurs viennent de loin pour profiter de cette immersion, souvent sous l’impulsion de leurs parents.

« C’est différent de l’école, on apprend en s’amusant, et le paysage est très joli, ça change de chez moi »
— Monique

Ryhanna, 14 ans, d’Edmonton en Alberta, est en classe intermédiaire. « J’ai fait de l’immersion française depuis la maternelle. Ici, on revoit surtout des notions déjà apprises à l’école, mais c’est intéressant de les approfondir », explique-t-elle.

Celle dont le père est francophone avoue toutefois ne pas beaucoup parler français en dehors des cours, mais apprécie l’expérience, bien qu’elle souhaiterait avoir plus de temps pour visiter la ville.

Comme plusieurs jeunes à qui ONFR a parlé, la jeune adolescente confie que Sudbury n’était pas son premier choix, s’étant inscrite tard au programme et ayant été placée dans cette ville faute de disponibilités ailleurs.

Karaoké, séances de films, sport : l’emploi du temps des jeunes est optimisé au maximum durant ces trois semaines de cours intensifs en français. Photo : Inès Rebei/ONFR

Monique, une débutante de 14 ans, originaire du Sud de l’Ontario, apprécie le côté ludique du camp. « C’est différent de l’école, on apprend en s’amusant, et le paysage est très joli, ça change de chez moi, c’est agréable », confie-t-elle.

Elle voit l’apprentissage du français comme un atout : « Ça ouvre plus d’opportunités pour le futur et permet de communiquer avec différentes personnes. »

Comme à la maison

Hayden, 15 ans, vient de Burnaby en Colombie-Britannique et suit aussi le niveau intermédiaire. « La première semaine, on a revu des notions que je connaissais déjà, mais la deuxième semaine, j’ai appris des temps verbaux que je n’avais jamais vus. C’est vraiment enrichissant », raconte-t-il.

Le jeune homme explique avoir choisi de faire le programme à Sudbury en partie parce qu’il savait qu’il aurait davantage de chances d’être accepté dans une région moins densément peuplée, mais aussi pour se sentir un peu comme chez lui.

« Sudbury, c’est une petite ville, et en Colombie-Britannique, on est toujours entourés de montagnes, de lacs, de rivières, de beaucoup de nature, et il y a aussi beaucoup de nature ici, donc ça me rappelle un peu la maison. »

« L’objectif, c’est que les jeunes repartent avec une meilleure maîtrise du français, mais aussi avec des souvenirs positifs qui les encourageront à continuer à pratiquer »
— Renée Hallée

Il souligne aussi l’importance des nouvelles amitiés qu’il a faites au camp et qu’il compte entretenir plus tard via les réseaux sociaux.

De son côté, Xavier, 14 ans, du Nunavut, a une histoire particulière avec la langue de Molière. Ayant parlé français à l’âge de deux ans, il l’a perdu après un déménagement dans le Nord canadien, où l’anglais et l’inuktitut dominent.

« Quand j’étais petit, je parlais français, mais après avoir déménagé dans le Nord, j’ai perdu un peu la langue. Mes grands-parents vivent près de Sudbury, alors je suis venu ici pour les retrouver aussi. »

Une première expérience en enseignement

Ibrahima Seck, professeur de français originaire du Sénégal, partage sa première expérience au programme. « J’ai un groupe intermédiaire très enthousiaste, avec des jeunes qui ont vraiment envie d’apprendre. Je m’adapte à leurs besoins, tout en suivant le programme national. » 

Économiste de formation et aujourd’hui technicien agricole à Noëlville, il a déjà animé des activités éducatives dans son pays natal, mais c’est au Canada qu’il a commencé à enseigner à un groupe intermédiaire.

Ibrahima Seck apprécie retrouver le plaisir d’enseigner qu’il avait délaissé après son arrivée au Canada en 2022. Photo : Inès Rebei/ONFR

« Pour construire mes cours, je m’appuie sur un support fourni, mais je reste libre de l’adapter selon les besoins des élèves. Le programme n’est pas spécifiquement conçu pour Sudbury, mais s’adresse plutôt à l’ensemble du Canada. Il couvre donc plusieurs aspects, comme la conjugaison, la grammaire, l’orthographe, ainsi que des leçons portant sur les différentes provinces. »

L’homme de 37 ans souligne aussi l’importance d’avoir une bonne maîtrise du français pour enseigner dans ce contexte, et se dit très satisfait des progrès observés chez ses élèves.

Pour Renée Hallée, la réussite du programme repose aussi sur une organisation rigoureuse. « Je gère l’équipe, l’embauche des professeurs et moniteurs, et je veille à la qualité et à la sécurité du camp 24 heures sur 24. On a toujours une personne responsable disponible, même en cas d’urgence. »

« L’objectif, c’est que les jeunes repartent avec une meilleure maîtrise du français, mais aussi avec des souvenirs positifs qui les encourageront à continuer à pratiquer », conclut la Franco-Ontarienne.

Alors que la session actuelle se poursuit jusqu’à ce vendredi, les organisateurs espèrent voir ces jeunes devenir, grâce à Explore, de véritables ambassadeurs de la francophonie canadienne.