À Sudbury, l’école Saint-Louis-de-Gonzague, symbole de la résistance au Règlement 17, désignée comme patrimoniale

L'ancienne École Saint-Louis-de-Gonzague. Source: Google Street View

SUDBURY – L’école sudburoise Saint-Louis-de-Gonzague, un des symboles de la résistance contre le Règlement 17, a été désignée comme site patrimonial par la Ville de Sudbury, mardi. Ainsi, la majorité du vieux bâtiment de cette ancienne école élémentaire qui aura accueilli de nombreux Sudburois, comme le célèbre animateur Alex Trebek, pourra ainsi être préservée en l’état.

Le conseil municipal de Sudbury a officiellement donné son approbation, hier, à la préservation du 162 rue Mackenzie, construit en 1912. Selon l’historien amateur Marc Despatie, cette école représente un exemple du combat des francophones il y a plus d’un siècle.

« Elle a été construite en plein dans l’époque où l’on était au Règlement 17. Le français était interdit comme langue d’éducation, mais voilà que le conseil municipal de Sudbury donnait son approbation à la construction d’une école française à Sudbury. Déjà là, c’était un lieu de résistance. Le fait d’avoir entamé la construction alors qu’il y avait une loi qui interdisait le français, et que malgré cette loi, on a investi des sommes assez importantes pour avoir des infrastructures permanentes, c’est un symbole très important de la résistance », croit celui qui a aussi travaillé dans cette école au début des années 1990.

Pourquoi le bâtiment a-t-il réussi à survivre malgré les législations de l’époque?

« Pas loin de là, il y avait un couvent. Des religieux et des religieuses sont venus enseigner et ils ont encouragé et motivé les parents à continuer à envoyer leurs enfants à l’école en français. Le fait qu’une masse critique de jeunes francophones a été encouragée à continuer à étudier et parler en français hors de la salle de classe a contribué à la résistance au Règlement 17 et à maintenir le français comme langue d’enseignement », avance Marc Despatie.

L’ancienne école n’a pas juste une valeur culturelle, mais aussi architecturale, soutient Izabel Amaral, professeure à l’École d’architecture McEwen de l’Université Laurentienne.

« L’édifice a une ornementation dans sa façade qui est atypique à Sudbury. C’est un des rares édifices faits avec un style art déco. On voit des chevrons dans la façade et en raison de ces éléments-là, il a une importance historique au niveau de la ville. On n’en trouve pas d’autres à Sudbury. Il y en avait par le passé, mais ils ont été démolis », lance celle qui a présenté le projet de désignation à la ville, avec des membres du quartier de Uptown.

Le fait d’avoir préservé cet immeuble est une victoire pour la communauté francophone du Grand Sudbury, croit Marc Despatie.

« Ça aurait été une perte pour ce quartier. Les générations futures n’auraient pas connu l’importance de ce lieu-là. On gagne une permanence de ça. Les gens dans le futur vont passer devant et se demander pourquoi il y a de nouveaux édifices derrière, mais qu’on a maintenu l’ancienne école là. Ça va permettre d’avoir un dialogue sur l’importance de ce bâtiment-là pour la communauté francophone. »

Une désignation pour protéger

Izabel Amaral s’est dite « très contente que le projet soit accepté ».

« En tant que professeure d’architecture, c’est gratifiant de voir qu’on s’occupe des bâtiments historiques considérés comme étant importants pour la préservation de la mémoire de la ville. (…) J’espère que ce bâtiment va changer la culture de préservation de la ville de Sudbury. C’était la première fois en 30 ans qu’on avait un bâtiment désigné comme patrimonial et la première fois avec un propriétaire privé. Auparavant, ça appartenait à la ville », précise fièrement la professeure.

Cette désignation avait surtout pour but d’éviter que ce morceau d’histoire soit détruit un jour.

« On était concerné que l’édifice soit démoli. Sur ce terrain, il y avait deux autres édifices, un orphelinat et une école qui ont été démolis, alors on était inquiet. C’est une école qui est très importante pour les francophones de la région, mais aussi dans la province. Il y a une belle histoire rattachée à ce bâtiment et c’est important pour notre histoire de le garder », affirme Courtney St-Jean, présidente du Réseau d’action communautaire (RAC) de la Haute-Ville de Sudbury.

Aujourd’hui, l’édifice privé est rendu un cinéma, mais Izabel Amaral assure que le propriétaire collabore pour protéger certaines parties de l’ancien établissement scolaire.

« La façade extérieure, les éléments ornementaux de cette façade comme la corniche », donne en exemple la professeure. « Il y a aussi les entrées séparées entre garçons et filles qui témoignent de la façon d’enseigner dans le passé où garçons et filles étaient séparés. »

Une école et un quartier à saveur francophone

Pour l’historien Marc Despatie, ce n’est pas seulement l’édifice, mais aussi le quartier dans lequel est située l’école qui rend cette désignation importante.

« L’emplacement de cette école est à proximité de toutes les institutions. Ce n’est pas loin de l’Hôpital Saint-Joseph et de la paroisse Sainte-Anne-Des-Pins. Au niveau élémentaire à Sudbury, c’était l’une des plus grandes écoles qui était là depuis plus de 100 ans. Donc, on est vraiment devant un lieu de prédilection où les francophones occupaient le terrain. »

Mme St-Jean pense que ça démontre aussi une étroite collaboration historique entre francophones et anglophones à l’époque.

« Ça démontre que dans notre communauté, anglophones et francophones sont venus ensemble pour dire non à un règlement injuste et je pense que notre ville peut en être fière. C’est encore plus important dans une époque où ce genre d’injustices existent encore. »