Société

Accès des Autochtones à l’Université d’Ottawa : un pas concret vers l’équité

L’exonération des droits de scolarité s’inscrit dans les plans d’autochtonisation de l’Université. Photo : Université d'Ottawa

Souvent freinés par le coût des études, de jeunes Autochtones voient une barrière tomber. L’Université d’Ottawa exonérera les membres de la Nation algonquine de droits de scolarité, une mesure porteuse d’espoir pour des étudiants comme Maïcha Mathias.

À l’Université d’Ottawa, environ 1000 étudiants s’identifient comme Autochtones, sur un total de près de 49 000. Une proportion modeste, que l’institution espère voir augmenter grâce à une mesure qui sera effective dès l’automne 2025 : l’exonération complète des frais de scolarité pour les membres de la Nation algonquine Anishinàbeg.

Pour Norm Odjick, membre autochtone du Bureau des gouverneurs de l’Université, cette initiative est porteuse d’espoir.

« Cela va offrir aux jeunes — anglophones comme francophones — une chance réelle d’accéder aux études supérieures », affirme-t-il. Il cite une phrase de son cousin qui résume l’enjeu : « L’éducation, c’est la clé du succès. »

L’exonération, selon lui, pourrait avoir des effets concrets à long terme. « Cette mesure va renforcer nos communautés, leur permettre d’avoir plus de membres éduqués, plus de capacités, de meilleurs emplois », est-il convaincu.

Un soulagement pour les étudiants 

Maïcha Mathias, 19 ans, est étudiante en science de la santé avec une mineure en psychologie. Originaire de Winneway (Nation Long Point), une communauté située à plus de sept heures de route d’Ottawa, elle voit dans cette annonce bien plus qu’un simple allègement financier.

Maïcha Mathias envisage désormais un deuxième diplôme. Gracieuseté

« C’est une inclusion dans la société d’aujourd’hui », affirme celle qui a dû s’éloigner de sa « petite  communauté » pour s’installer dans une grande ville, « un nouveau monde » pour elle.

Chaque année, ses études coûtent environ 8000 dollars, soit quelque 32 000 dollars pour un baccalauréat de quatre ans. Un lourd fardeau financier pour beaucoup de jeunes des Premières Nations, malgré le soutien communautaire.

« Dans ma communauté, il y a un certain budget pour nous aider, mais ça ne couvre pas tout, surtout pas le logement ou les frais du quotidien », explique Maïcha.

Et les règles sont parfois rigides : « Si je change de programme, on me met en priorité plus basse. Ce n’est pas toujours souple. »

Maïcha insiste sur les inégalités persistantes dans l’accès au financement. « Ce soutien ne suffit pas toujours. Il y a encore des jeunes qui sont refusés parce qu’il n’y a pas assez de fonds dans leur communauté. »

C’est pourquoi elle souligne l’importance de la mesure annoncée par l’Université d’Ottawa.

« Beaucoup hésitent à cause du coût. Mais si c’est gratuit, peut-être qu’ils vont venir à l’université, y rester, ou même revenir ensuite dans la communauté pour aider et transmettre. Ça crée un cercle vertueux », soutient-elle.

D’ailleurs, Maïcha envisage désormais un deuxième diplôme. « J’aime tellement l’école que je pense déjà à un deuxième bac », confie-t-elle.

Des progrès, mais encore du chemin à faire

Darren Sutherland, responsable de l’engagement communautaire au Bureau des affaires autochtones, est lui-même Cri et autochtone urbain. Il connaît bien les obstacles auxquels font face les étudiants autochtones.

Selon Darren Sutherland, il y a des jeunes qui sont les premiers de leur famille à entrer à l’université. Gracieuseté

« Chaque étudiant a son propre parcours, ses défis. Mais ce que je vois ici, c’est de l’excellence. Il y a des jeunes qui sont les premiers de leur famille à entrer à l’université », souligne-t-il.

Il raconte son propre parcours. Rejeté à sa première demande de financement auprès de sa communauté, il a dû travailler pour payer ses études. « Ça a affecté mes résultats. Mais une fois que j’ai reçu le soutien financier, tout a changé. »

Ainsi, pour lui, l’exonération pourrait épargner à d’autres cette précarité.

Depuis le début de ses études universitaires en linguistique en 2012, Darren Sutherland a observé les transformations sur le campus.

« À l’époque, le centre de ressources autochtones n’était qu’une petite salle. Aujourd’hui, c’est un bâtiment de trois étages, avec plus de personnel, plus de services », se réjouit-il.

Mais les besoins sont toujours là. « Les étudiants demandent plus d’espace, plus de soutien, plus de représentation dans les facultés. C’est légitime. On avance, un pas à la fois », fait remarquer Darren Sutherland.

L’Université d’Ottawa a d’ailleurs prolongé jusqu’en 2030 son plan d’action autochtone lancé en 2020.  « Le plan est en cours de renouvellement. L’université a déjà embauché de nouveaux professeurs et une personne pour intégrer les contenus autochtones dans les cours », précise Norm Odjick.

L’exonération s’adresse à tous les membres de la communauté algonquine – dont le territoire s’étend principalement à l’ouest du Québec et en Ontario – qui étudient déjà à l’Université ou qui s’y inscrivent.

Norm Odjick appelle l’Université Carleton à exonérer de droits de scolarité les membres de la Nation algonquine Anishinàbeg. Photo : Université d’Ottawa

Il s’agit pour Maïcha Mathias, Darren Sutherland et Norm Odjick d’une étape significative dans une démarche de réconciliation, ainsi qu’une reconnaissance que l’université est sur un territoire non cédé. 

Ils espèrent aussi que d’autres établissements s’en inspirent. « À Montréal, certaines universités ont facilité l’accès pour les Mohawks. J’espère que l’Université Carleton, ici à Ottawa, fera quelque chose de similaire », conclut Darren Sutherland.