Affaires francophones : un bon choix et une ombre
[ANALYSE]
TORONTO – L’ère Doug Ford est maintenant officiellement commencée. L’assermentation du nouveau gouvernement un brin grandiloquente, vendredi dernier, n’a pas réservé de grosses surprises. Du côté des Affaires francophones, c’est Caroline Mulroney qui succède à Marie-France Lalonde.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
On ne va pas se plaindre. Le choix de la fille aînée de l’ex-premier ministre du Canada, Brian Mulroney, représentait la meilleure option possible pour les Franco-Ontariens.
L’ancienne porte-parole aux Affaires francophones pour le parti, Gila Martow, avait fait savoir très tôt que ce portefeuille ne l’intéressait pas. Le choix d’Amanda Simard, novice en politique provinciale et emmurée dans le silence à l’endroit des médias, était devenu quant à lui moins pertinent.
Nommée par ailleurs procureure générale de l’Ontario, Caroline Mulroney sera l’un des poids lourds du gouvernement Ford. Autant de bonnes raisons de penser qu’elle aura l’oreille du nouveau premier ministre. Avocate de formation, bilingue, avenante, la nouvelle ministre déléguée aux Affaires francophones a tout pour plaire…
Un retour en arrière
C’est justement ce titre de ministre déléguée aux Affaires francophones qui titille. Et c’est bien l’ombre au tableau. Le ministère redevient un Office des Affaires francophones, comme au temps de sa plus longue occupante, Madeleine Meilleur. Nous sommes donc de retour avant juillet 2017, date à laquelle l’autonomie de ce ministère avait pourtant été confirmée.
Sur le plan symbolique, le recul est donc assez grand. Reste à voir l’impact pour le budget de l’Office. L’indépendance du ministère équivaut à plus de ressources, affirme l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). Il est vrai que le budget des Affaires francophones avait grimpé de 70 % au cours de la dernière année… sans que l’on puisse attribuer ou non cette hausse à cette brève d’indépendance.
Mais deux autres cas d’autonomie obtenus – le Commissariat aux services en français en 2013, puis le Ministère des Affaires des personnes âgées en 2017 – démontrent que les fonds ont augmenté en flèche à partir de ces moments.
Faut-il d’emblée jeter la pierre au gouvernement Ford? En vérité, le flou demeure quant à ce retour en arrière. L’hypothèse que la transition d’un Office à un ministère n’avait pas été achevée au moment du départ des libéraux a été soulevée par certains. Après tout, même après l’autonomie annoncée, Marie-France Lalonde ne s’était jamais consacrée uniquement à cette seule fonction, continuant d’exercer aussi son rôle de ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Une petite ambiguïté.
Les progressistes-conservateurs l’assurent tout de même : l’Office des Affaires francophones disposera bien du même nombre d’employés qu’auparavant. Difficile de préjuger des intentions du nouveau gouvernement en la matière.
Pas facile de succéder à Lalonde
Malgré toutes ses qualités, Mme Mulroney chausse de gros souliers. En plus d’un bilan non négligeable aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde a pu compter pendant deux ans sur une équipe francophone connaissante des dossiers. Dans son fief d’Orléans, l’ex-ministre était au contact d’une population francophone et revendicative. Une proximité dont ne disposera pas Mme Mulroney à York-Simcoe.
La nouvelle ministre possède aujourd’hui les clés pour rapprocher les progressistes-conservateurs des francophones. Et rassurer sur ce curieux retour en arrière dès le premier jour.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 3 juillet.