Atteinte d’une grave maladie, une Franco-Ontarienne se voit refuser un médicament « miracle » 

Chanelle Lafèche (à gauche) et sa mère Céline Lafèche.

CORNWALL – Chanelle Laflèche a 25 ans. Depuis plusieurs années, la jeune Franco-Ontarienne souffre d’une maladie mortelle, la fibrose kystique (mucoviscidose). Pourtant, il existe un médicament qui pourrait lui sauver la vie : le Trikafta. Approuvé par Santé Canada, ce médicament est seulement remboursé pour les malades porteurs du gène delta-F508. Chanelle Laflèche est fibrokystique, mais porte en elle un autre type de gène. Ses jours sont comptés et le Trikafta pourrait bien l’aider. 

Le gène delta-F508 se retrouve chez 4 300 personnes affectées par la fibrose kystique au Canada, ce qui représente 87 % des personnes atteintes dans le pays. Cette jeune Franco-Ontarienne fait partie d’un groupe plus rare, d’un peu plus de 200 personnes. 

Le docteur Paul Eckford, directeur en chef des activités scientifiques chez Fibrose kystique Canada, pense qu’elle devrait bénéficier du Trikafta.

Chanelle Laflèche a cette mutation différente (G85E) qui n’est pas prise en compte par Santé Canada. La famille de la jeune femme doit faire face à des frais impossibles à couvrir, payer plus de 300 000 $ chaque année pour espérer sauver la vie de leur enfant. 

Chanelle Laflèche risque de voir la capacité de son poumon réduite, si elle n’accède pas au Trikafta bientôt. En dessous de 20 %, elle devra intégrer une liste pour recevoir une greffe. Crédit image : Postmedia/ Ashley Fraser.

La famille Laflèche ne peut pas débourser une telle somme. Pourtant, le Trikafta pourrait apaiser Chanelle qui souffre depuis si longtemps. À l’âge de sept ans, elle a découvert qu’elle vivait avec la mucoviscidose, une maladie pour laquelle il n’existe aucun traitement curatif. Entre ses 18 et 19 ans, son état de santé s’est particulièrement aggravé. 

La fibrose kystique touche progressivement tous les organes, l’appareil digestif et les poumons en particulier. En janvier dernier, elle a subi l’ablation d’un poumon, sévèrement endommagé par la maladie. Malheureusement, le poumon restant ne fonctionne qu’à 27 %. 

Selon le docteur Paul Eckford, qui connaît bien Chanelle et sa famille, si la capacité fonctionnelle de son poumon chute en dessous du 20 %, il faudra penser à une transplantation.

« Imaginez si vous n’aviez que 20 % de la capacité normale de vos poumons. Tout ce que vous feriez serait difficile, comme monter un escalier par exemple », affirme le docteur. 

« C’est incroyablement difficile et très éprouvant pour le corps. Et nous pensons qu’en l’absence d’une intervention comme Trikafta, sa fonction pulmonaire continuera de baisser. »

Le docteur Paul Eckford, directeur en chef des activités scientifiques chez Fibrose kystique Canada. Crédit image : Fibrose kystique Canada

L’urgence est bien là, puisque ses organes se dégradent rapidement. Son cœur est hypertrophié et bat deux fois plus vite que la normale. De plus, une cirrhose du foie et des vomissements quotidiens s’ajoutent désormais à la liste de ses problèmes de santé. 

« Plus tôt elle a accès au médicament, mieux c’est, et nous espérons pouvoir constater une amélioration de sa santé », estime le docteur.

Refus du gouvernement provincial 

Le Trikafta est récent sur le marché canadien. Pour l’instant, Santé Canada a approuvé le financement provincial de ce médicament pour tous les patients de plus de six ans, porteurs du gène dominant, le delta F-508. Pour les autres, le montant à débourser pour une année de traitement s’élève à plus de 325 000 dollars par an. 

Aux États-Unis, les essais cliniques ont confirmé que ce médicament était bénéfique pour près de 177 gènes différents, dont celui de Chanelle. De nombreuses personnes atteintes par la mucoviscidose y sont ainsi prises en charge même en l’absence du gène dominant. 

La Franco-Ontarienne doit payer 325 000 dollars de sa poche pour accéder au Trikafta, puisque le gouvernement de l’Ontario ne lui a pas approuvé le financement. Source : Facebook/ Chanelle Laflèche

Pour sa mère Céline Laflèche, cette situation est absurde. La famille n’a pas les moyens de payer le traitement : « Le Canada fait une nouvelle étude clinique alors que les États-Unis ont déjà d’excellents résultats et depuis longtemps », affirme-t-elle.

« Chanelle attend que les essais cliniques au Canada soient terminés alors que nous en avons besoin maintenant. » 

Utiliser une seule fois
Céline Laflèche et sa fille Chanelle. La famille a ouvert un GoFundMe pour acheter un an de traitement médical, jusqu’à ce que l’essai clinique sur le Trikafta soit terminé. Crédit image : Postmedia/ Ashley Fraser.

En entrevue avec ONFR+, Céline Laflèche explique que le Trikafta a fait ses preuves dans plusieurs pays et que si Chanelle avait pu en profiter, sa vie aujourd’hui se serait nettement améliorée. 

« Vous vous rendez-compte que le Canada approuve ce médicament pour un seul et unique gène, alors que des centaines d’autres personnes pourraient en bénéficier. »

La province de l’Ontario, qui finance ce traitement pour les fibrokystiques porteurs du gène delta F-508, offre en parallèle un Programme d’accès exceptionnel (PAE) autorisant le financement de certains médicaments, dont le Trikafta. Le médecin de Chanelle a fait une demande au début du mois de juin qui a été refusée. 

La raison invoquée, explique Céline Laflèche, « est qu’elle est trop malade ».

Le docteur Eckford pense que c’est une tragédie. « Il y a un médicament que nous croyons capable d’aider quelqu’un et on ne peut pas y avoir accès, simplement à cause de la bureaucratie, simplement à cause des procédures et des règles », s’agace le médecin.

« Ces procédures devraient être conçues pour aider des personnes dans la situation de Chanelle, mais c’est tout le contraire. »

Financer le Trikafta et tenir bon jusqu’à la fin de l’essai clinique

Alors que Trikafta est approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis pour une utilisation chez les patients porteurs de la mutation G85E, au Canada, un essai clinique est actuellement en cours. 

Dans une missive envoyée au ministère de la Santé en juin dernier, le médecin explique : « Cet essai devrait être achevé cette année, mais la patiente ne peut pas attendre que les résultats soient publiés et que le processus d’approbation soit terminé, étant donné la fonction pulmonaire restante. »

À présent, la seule solution pour Céline Laflèche est de trouver un financement pour acheter le médicament qui donnera du répit à son enfant : « Même si l’essai clinique se termine dans l’année, ma bataille maintenant est de trouver un peu plus de 300 000 dollars. »

C’est pourquoi la sœur de Chanelle, Amanda Dufour, a organisé une cagnotte sur la plateforme de financement participatif GoFundMe. La famille a déjà reçu près de 20 000 dollars de dons depuis l’ouverture du compte le 3 juillet dernier. 

« Je sais que ma fille n’est pas plus importante que les autres. Je n’ai pas cette attitude », a déclaré Mme Laflèche. « Mais il faut faire quelque chose car Chanelle n’a pas de temps devant elle. »