Aucun regret pour Gilles Bisson après 32 ans en politique

N'ayant pas réussi à conquérir un 9e mandat dans Timmins, Gilles Bisson quitte la politique. Archives ONFR+
N'ayant pas réussi à conquérir un 9e mandat dans Timmins, Gilles Bisson quitte la politique. Archives ONFR+

TIMMINS – Une semaine après une soirée électorale pleine de rebondissements, la défaite du député sortant Gilles Bisson fait toujours autant réagir. Aprèst 32 ans à Queen’s Park, il tire sa révérence en quittant la politique. Celui qui vient de vider son bureau de Toronto ne part pas les mains vides, il emporte avec lui le fruit d’un travail acharné pour les Franco-Ontariens de Timmins et du Nord de la province. Retour sur l’œuvre d’un géant de la politique ontarienne.

« Je suis le néodémocrate provincial qui a servi le plus longtemps », indique le député sortant en entrevue avec ONFR+. Le ton est donné et le niveau difficile à dépasser.

Gilles Bisson est né à Timmins où il a grandi, et commencé sa carrière d’électricien dans les mines avant de se faire une entrée inattendue, mais en force, en politique en 1989.

Oeuvrant alors pour le syndicat de son entreprise, il réalise qu’il a besoin de faire plus pour faire changer les choses : « Je faisais beaucoup d’ouvrage pour ceux qui étaient malades, qui avaient un cancer en travaillant dans les mines et j’ai réalisé que si on voulait faire des changements ça prenait des changements de lois donc c’est là que j’ai décidé de me présenter. »

« Je m’attendais pas à être élu la première fois », confie-t-il avant d’ajouter que son adversaire de l’époque, le député progressiste-conservateur Alan Pope, était donné largement favori jusqu’à ce qu’il décide de ne plus se présenter aux élections.

À titre de leader parlementaire de l’opposition officielle, de 2018 à 2021, Gilles Bisson était proche de la cheffe du NPD, Andrea Horwath. Archives ONFR+

C’est le 6 septembre 1990 qu’il sera élu après s’être présenté sous les couleurs du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Son entrée en politique ne se fait pas de n’importe quelle manière, alors qu’il est élu au sein du premier et seul gouvernement néodémocrate de l’histoire de l’Ontario.

Il sera alors nommé par le premier ministre Rob Rae en tant qu’adjoint parlementaire du ministre au Développement du Nord et des Mines et également du ministre des Affaires francophones.

En 1993, c’est un autre mandat qui lui est confié pour l’accord de libre-échange nord-américain au sein du comité du cabinet.

Sauver les industries du Nord à tout prix

Pour l’homme de 65 ans, travailler dans ce gouvernement néo-démocrate aura permis d’accomplir des projets qui n’auraient pas été possibles avec un autre parti : « On a eu par exemple la chance de relancer l’usine de pâtes et papiers de Kimberly-Clark à Kapuskasing qui allait fermer, puis on a pu négocier avec les employés et les investisseurs et sauver ces moulins qui existent encore aujourd’hui », lance-t-il non sans fierté.

Parmi les autres réalisations menées au sein du gouvernement, il évoque la création de deux collèges francophones : le Collège Boréal et le Collège des Grands Lacs qui sera supprimé par le gouvernement suivant – dirigé par le progressiste-conservateur Mike Harris – puis réintégré au Collège Boréal.

Le député néo-démocrate, Gilles Bisson, en conférence de presse à l’Assemblée législative de l’Ontario. Archives ONFR+

Mais le député de Timmins aura par la suite servi uniquement au sein de l’opposition, et là encore il a pu participer à l’avancement de gros dossiers pour la communauté francophone comme lors de la crise de l’Hôpital Montfort.

« J’ai eu la chance de travailler sur le dossier SOS Montfort quand le gouvernement progressiste-conservateur voulait fermer notre seul hôpital francophone », rappelle également M. Bisson. « J’ai fait partie du groupe qui a tout fait pour ne pas le fermer. »

Timmins avant tout

Dans son comté aussi le député aura contribué à la création de véritables institutions pour la communauté. Les expansions au collège Northern, la construction du campus du Collège Boréal à Timmins et de l’Université de Hearst en font partie, mais la liste est encore longue.

À cela s’ajoutent la mise sur pied du centre de santé communautaire de Kapuskasing et de celui de Timmins qui aura été le fruit de 25 années de travail.

Ce dont il est le plus fier de son long parcours est d’avoir pu aider directement les habitants de son comté. Écouter et agir ensemble, voilà ce qui l’a motivé au quotidien. « J’entends toujours le monde m’arrêter dans la rue et me dire : « Gilles, tu m’as aidé il y a deux ans, c’est ça qui est important pour moi » ».

Une communauté au sein de laquelle il ne s’est jamais senti malaimé : « Les gens ici ont toujours été super fins avec moi, même après ma défaite. »

« Ça a été une grosse surprise, on ne s’attendait pas à perdre » – Gilles Bisson

L’onde de choc a beau être passée, il n’en demeure pas moins que la défaite continue de susciter des questions, surtout que Gilles Bisson était donné gagnant dans les sondages.

« Ça a été une grosse surprise, on ne s’attendait pas à perdre », reconnait-il avant d’ajouter qu’il pensait recueillir 40 % des suffrages mais pas descendre aussi bas que 29,5 % contre un score massif de 69,9 % en faveur du vainqueur George Pirie.

Comment expliquer la défaite?

Celui qui a subi un infarctus peu avant le début de la campagne concède qu’il s’agit possiblement d’une des raisons qui aura joué dans sa campagne. Il explique notamment qu’il ne pouvait plus cogner aux portes dès la deuxième semaine de la campagne.

Selon lui, les progressistes-conservateurs ont fait beaucoup d’efforts, dans ces élections, pour séduire le Nord dans une campagne menée contre lui, juge-t-il : « La différence c’est que les idées conservatrices se sont bien vendues dans le Nord, alors qu’avant c’était pas le cas. »

Gilles Bisson, ici devant Queen’s Park, le 14 juillet 2019 pour marquer la Fête nationale de la France, a défendu le rayonnement de la langue française à maintes reprises. Archives ONFR+

Il remet aussi le blâme sur le redécoupage de sa circonscription. Le politicien a, en effet, représenté plusieurs zones de la carte électorale dont il aura vécu trois découpages.

D’abord député de Cochrane-Sud, il a par la suite représenté la circonscription de Timmins-Baie James jusqu’à ce que celle-ci soit scindée en deux avant les élections de 2018.

« Avant, si tu gagnais dans une partie du comté, tu perdais dans l’autre, donc t’étais toujours capable de gagner ton comté », résume-t-il.

Une défaite, mais pas un échec

S’il avait été élu pour un 9e mandat, le député aurait voulu continuer de travailler sur des dossiers locaux importants pour sa circonscription comme la crise des opioïdes, la pénurie de travailleurs dans le domaine de la santé, ou encore la question du transport interurbain dans le Nord.

« On aurait pu faire une grande différence », affirme-t-il en ajoutant que s’il s’était présenté c’est parce qu’il pensait justement que le NPD avait de grandes chances de former le gouvernement.

Malgré tout, le député n’est pas amer de la défaite et reconnaissant de la réaction des citoyens. « J’ai eu des gens qui m’ont dit ‘’Gilles, on t’aime bien, on n’a jamais eu quelqu’un qui a fait autant pour nous, mais on a besoin de changement’’, puis j’accepte ce changement », admet-il sans détour.

S’il compte continuer à offrir ses perspectives sur la politique en tant que citoyen, Gilles Bisson nous confie avec assurance ne plus vouloir travailler pour un autre employeur et profiter de sa retraite. Assurant n’avoir aucune rancœur ni regret, il termine : « Je ne voulais pas perdre, mais je l’accepte, puis je vais prendre ma retraite. »

Voyages et repos dans son chalet au lac, entouré de ses petits-enfants : voilà ce qui attend le doyen de Queen’s Park.

Le député du Nord a subi un infarctus qui a écourté son porte-à-porte durant la campagne électorale. Archives ONFR+