Budget provincial : des réponses aux francophones à côté de la plaque?

La procureure générale et ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney. Crédit image: Jackson Ho

[ANALYSE]

TORONTO – On l’attendait, on le redoutait surtout. Le budget provincial, dévoilé jeudi de la semaine dernière, n’aura pas été dans la lignée du catastrophique énoncé économique du 15 novembre dernier. Cette fois, pas de surprises fracassantes comme la fin de l’autonomie du Commissariat aux services en français et l’arrêt du projet de l’Université de l’Ontario français.

C’est le premier enseignement du document de 382 pages : les francophones sont épargnés par des coupures ciblées. La fronde du Canada français à la suite du « Jeudi noir » semble avoir porté ses fruits. Reste qu’on peut difficilement lever les mains devant un budget où les mentions à la francophonie se comptent sur les doigts d’une main.

Mais ce n’est qu’une demi-surprise. À l’exception du document très électoraliste des libéraux à quelques semaines du scrutin provincial l’an dernier, les budgets se suivent et se ressemblent pour les francophones. C’est tout aussi vrai à l’échelle fédérale.

Autre fait saillant : les francophones comme les autres groupes de revendication sont en réalité intégrés dans la nouvelle idéologie provinciale sous l’impulsion de Doug Ford. Ce changement de paradigme se résume à un conservatisme fiscal affirmé et l’image d’une province résolument Open for business.

En témoigne le changement de l’éternelle devise « Yours to Discover » (Tant à découvrir) sur les plaques d’immatriculation par « A Place to Grow » (En plein essor, en français). Des plaques d’ailleurs dont le bleu n’est pas sans rappeler le Parti progressiste-conservateur.

Renouvellement du PAFO, mais nouvelle vision

Dans ces conditions, le renouvellement du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO) épouse cette nouvelle vision. Si la somme d’un million de dollars est bel et bien maintenue, celle-ci aura dorénavant une composante économique. Les entreprises, et pas seulement les organismes, pourront désormais poser leurs candidatures pour obtenir les subventions.

Ce redémarrage du PAFO, et l’assurance qu’une partie des millions de dollars en appui aux services communautaires de santé mentale et de lutte contre les dépendances iront aux francophones, sont les seules bonnes nouvelles de ce budget pour les Franco-Ontariens.

Car pour le reste, le fameux conservatisme fiscal a pour conséquences des coupures dans les ministères de second plan. Le ministère des Affaires francophones voit ainsi sa subvention annuelle passer de 6 millions de dollars à 5,8 millions.

Des ministères amputés

Le flot de réjouissances consécutives à l’augmentation de l’enveloppe des deux ministères « mastodonte » – l’Éducation et la Santé soit l’équivalent d’environ 70 % des dépenses provinciales -, cache de réels dégâts. La somme de quasiment 1 milliard de dollars réservée au ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs, chute de 36 %. Ce n’est rien à côté de celui des Affaires autochtones dont le montant annuel est réduit de 49 %.

Ce sont justement ces coupures drastiques au sein des ministères sur lesquelles s’appuient Doug Ford et son équipe pour justifier un déficit ramené à 10,3 milliards de dollars pour 2019-2020. Les documents budgétaires bien souvent avares de détails, il faudra somme toute attendre les prochaines semaines pour connaître l’étendu de ces coups de hache.

Face à un gouvernement qui promet toujours des « efficiences administratives », les francophones devront garder l’œil ouvert. Renforcer l’image de l’Ontario comme « ouvert aux affaires » ne peut être que bénéfique pour les 622 000 Franco-Ontariens. Encore faut-il que le gouvernement lui-même comprenne l’importance de cette plus-value linguistique.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 15 avril.