La bureaucratie fédérale : un fardeau pour les organismes francophones
Les organismes, les conseils scolaires et les établissements postsecondaires paient pour des retards et la complexité bureaucratique fédérale, affirme le commissaire aux langues officielles dans un rapport. Ce dernier souligne que, dans le cadre de plusieurs ententes avec les ministères, les organisations francophones reçoivent l’argent en retard. Il recommande des changements.
C’est ce qu’affirme Raymond Théberge dans son rapport sur le Plan d’action sur les langues officielles. Ce plan sur cinq ans vient à échéance en 2023. La ministre Ginette Petitpas Taylor doit annoncer d’ici quelques jours le début des consultations en vue de ce plan qui entrera en vigueur le 1er avril 2023. Ce plan établit les grandes lignes du gouvernement sur une demi-décennie en matière de langues officielles et de communautés linguistiques en milieu minoritaire.
M. Théberge formule 17 initiatives et 14 recommandations au gouvernement pour son prochain plan.
Raymond Théberge note que le secteur de l’éducation est frappé par les retards des différents ministères fédéraux. Le commissaire explique que les conseils scolaires sont souvent dans le noir à savoir quel montant il leur est possible d’obtenir.
« Ces retards entraînent des difficultés dans la gestion des ressources humaines et nuisent à la capacité des organismes de mettre en œuvre leurs initiatives », écrit-il dans son document.
Il constate aussi la difficulté des plus petits organismes francophones avec ce qu’il appelle le fardeau administratif.
« Bien que les procédures de demande de financement et de reddition de compte soient claires, elles sont aussi lourdes et requièrent beaucoup de temps qui pourrait plutôt être consacré au développement des programmes et des services », peut-on lire.
« C’est extrêmement important pour la mise en œuvre de leur programmation que les fonds soient versés en temps et lieu » – Raymond Théberge
Il recommande au gouvernement d’alléger le processus. « À l’avenir, il faut trouver de meilleures façons aux organismes d’utiliser leurs ressources autrement qu’administratives. Très souvent, ils n’ont pas les ressources nécessaires pour répondre aux demandes administratives », dit-il en entrevue.
Il évoque la mise en place d’un financement pluriannuel pour les communautés francophones. Selon ce dernier, les démarches pour obtenir un financement sont « lourdes et requièrent beaucoup de temps qui pourrait plutôt être consacré au développement des programmes et des services ».
« Ça prend des mécanismes pour alléger ces lourdeurs-là », avance Liane Roy de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). « Ça perd beaucoup de temps et ça crée beaucoup d’incertitude, car si tu n’as pas ta confirmation de financement, il y a des organismes qui doivent fermer, surtout les plus petits. C’est pour ça que c’est important », ajoute la présidente des représentants de 21 associations et organismes francophones.
Le commissaire note que des programmes annoncés ne sont souvent pas prêts à être déployés. « C’est important de toujours s’assurer qu’on déploie aussi rapidement les ressources proposées dans le programme. Tout délai nuit aux organismes. On a toutefois constaté qu’il y a eu un effort durant la pandémie supplémentaire pour assurer le financement aux organismes. »
M. Théberge fait notamment référence au fédéral qui avait annoncé une enveloppe de 121 millions de dollars pour les établissements postsecondaires, mais dont certains établissements ont tardé ou tardent à recevoir l’argent.
« Quand on n’a pas envoyé les fonds avant la fin de l’année fiscale, c’est un retard qui a un impact sur les organismes et les institutions en éducation. C’est extrêmement important pour la mise en œuvre de leur programmation que les fonds soient versés en temps et lieu. »
Le commissaire souligne toutefois les initiatives posées dans le plan d’action de 2018 à 2023. « Force est de constater que la majorité des initiatives faisant l’objet de notre vigie progressent bien. »
Garderies : le commissaire « inquiet »
L’ancien recteur de l’Université de Moncton salue les plus récentes initiatives contenues dans les ententes entre le fédéral et les provinces en petite enfance. Toutefois, il se dit inquiet du fait que les francophones n’ont pas de place assurée dans les accords.
« Je pense que lorsqu’on a ce genre d’ententes entre le fédéral et les provinces et que ça touche les communautés, on devrait spécifier dans les ententes ce qui est destiné aux communautés. Si ce n’est pas dans l’entente, on peut toujours se questionner à savoir si on va vraiment se soucier des besoins des communautés. »
Justement, il recommande à Mme Petitpas Taylor d’augmenter la collaboration avec les différentes communautés. « Il faut consulter autant d’intervenants que possible pour mieux cerner leurs besoins. »
La ministre des Langues officielles souligne avoir pris connaisance du rapport. Ce document a été présenté à la suite d’une centaine de consultations dans les trois dernières années avec des organisations francophones et anglophones du pays.
D’autres recommandations
- Élargir la gamme de services d’accueil spécialisés en français où elle existe déjà;
- Augmenter le nombre de communautés qui offrent des services comme ceux qui ont été mis sur place grâce à l’initiative des communautés francophones accueillantes;
- Consulter les médias et les radios communautaires en situation minoritaire pour trouver des moyens de pallier la perte de revenus occasionnée.