Les célébrations de la Aïd très attendues pour des musulmans nord-ontariens

SUDBURY – La fête religieuse la plus importante de l’Islam aura lieu demain pour les croyants partout dans le monde. Il s’agit de la première fois que les musulmans pourront se réunir pour cette célébration depuis le début de la pandémie. Un véritable soulagement pour les musulmans du Nord de la province qui ont hâte de pouvoir se rassembler et sentir le sentiment de communauté dans un contexte où ils sont minoritaires.

Qu’est-ce donc que cette célébration? Communément appelé L’Aïd-el-Adha (fête du sacrifice) ou encore Aïd-el-Kébir (grande fête), cette fête sacrée de la deuxième plus grande religion du monde commémore le sacrifice du prophète Ibrahim (ou Abraham).

Celui-ci avait reçu de Dieu de prouver sa foi en sacrifiant son fils qui fut sauvé in extremis par l’Archange Jibril (ou Gabriel) qui l’a remplacé par un mouton. Un épisode religieux qui est également évoqué dans l’Ancien Testament sous une autre forme.

« On est vraiment contents parce que ça fait deux ans que tout le monde est bloqué chez soi et prie seul, là on va enfin pouvoir se rassembler », se réjouit Abdelbassit Hamat, musulman vivant à Sudbury depuis 2015.

Comme le veut la tradition, il se rendra dans une mosquée pour la prière de l’Aïd et a acheté des vêtements neufs pour ses enfants. Gâteaux et boissons sucrées seront également partagés sur place.

Le fonctionnaire et père de famille se réjouit compte bénéficier de la salle de prière offerte par l’Université Laurentienne dont les étudiants internationaux constituent une grande part de la clientèle : « Ils nous ont permis d’avoir une grande salle pour le ramadan et là aussi c’est le cas alors c’est vraiment gentil de leur part. »

Gouled Hassan, coordonnateur de projet pour le contact interculturel francophone de Sudbury compte retrouver de la famille à Toronto.

« C’est la première fois qu’on se réunira depuis la pandémie et on a bien hâte de fêter ça avec de nouvelles façons. »

« La fête du Mouton »

Une coutume du cette fête consiste à acheter un mouton et le sacrifier soi-même ce que propose notamment du Centre Islamique de Timmins.

Moustapha Kori M’bami, co-fondateur et membre du comité du Centre, dit avoir prévu un événement censé rassembler une dizaine de famille de la ville autour d’un parc ou dans une grande maison pour manger et passer la journée ensemble.

Il explique que chaque famille a acheté et va égorger son propre mouton auprès dans une ferme située à une trentaine de kilomètres de la ville avec qui l’association a une bonne entente depuis de nombreuses années.

Étant la ville la plus proche où se trouve une organisation musulmane, plusieurs familles supplémentaires viendront de Kapuskasing, New Liskeard ou encore d’Iroquois Falls qui viendront profiter de l’événement.

Abdelbassit Hamat n’a, de son côté, pas pu trouver de mouton à Sudbury en raison du fait que les moutons disponibles avaient moins de 6 mois, et sont donc trop petits pour le sacrifice.

Il a donc envoyé de l’argent dans son pays d’origine afin que sa famille puisse sacrifier le mouton pour lui.

Un isolement double

Être musulman dans le Nord peut parfois être difficile à vivre au quotidien, dans un environnement où ils sont largement minoritaires.

L’Ontario est la province où se trouvent le plus grand nombre de musulmans du Canada, concentrant près de 590 000 croyants soit 61 % du nombre total, mais seulement 5 % sont installés hors des grands centres urbains tels que Toronto selon les derniers chiffres disponibles de Statistique Canada issu du recensement de 2011.

Et dans le Nord, ce sont majoritairement des musulmans issus de l’immigration, que ce soit des travailleurs ou des étudiants internationaux ayant choisi de s’installer dans la région comme les Franco-Ontariens d’origine Tchadienne Moustapha Kori M’Bami et Abdelbassit Hamat.

Ces occasions de rassemblement créent un sentiment de communauté fort dans un moment où la distance avec le pays d’origine est encore plus douloureuse.

Sept associations musulmanes existent dans le Nord et trois d’entre elles sont à Sudbury ce qui rend l’isolement plus difficile pour les personnes des régions plus au nord de la province.

Une communauté moins importante que dans les villes du sud, mais plus soudée selon Gouled Hassan qui a émigré de Djibouti avec ses parents à l’âge de 15 ans.

Moustapha Kori M’bami avec son fils à gauche et Gouled Hassan à droite. Montage ONFR+.

Une certaine ouverture

« Je suis Africain, noir, musulman et je vis dans le Nord donc c’est vraiment compliqué pour moi », lâche avec humour Moustapha Kori M’Bami qui est installé à Timmins depuis 2009 et où il travaille dans le secteur minier.

Il ajoute que des manifestations de geste ou paroles à caractère haineux surviennent à Timmins.

Il explique ne pas se taire et vouloir protéger ses enfants dans de tels cas : « Il y a toujours cette catégorie de personnes qui ne veut pas voir d’immigrants avec leurs propres idées. »

Il reconnaît tout de même que ce n’est pas le cas de tout le monde et avoir reçu des lettres de soutien après l’attentat de la Mosquée de Québec de 2017 de la part d’inconnus qui se souciaient de savoir si les musulmans de la ville étaient en sécurité.

Selon Gouled Hassan, la diversité est quelque chose de nouveau dans le Nord. « Ça crée une certaine peur chez des personnes qui ne savent pas comment réagir à cette nouvelle communauté qui est là pour rester donc il y a une nouvelle éducation à faire », lance-t-il.

Une communauté dont la contribution est de plus en plus recherchée dans les institutions telles que l’Université de Sudbury qui a annoncé mercredi dernier M. Gouled comme un nouveau membre de son Conseil de Gouvernance dans la lignée de sa mission de promouvoir la diversité et l’inclusion.