Céleste Lévis, la renaissance par la musique
[LA RENCONTRE D’ONFR+]
TIMMINS – Hasard du calendrier, Céleste Lévis fête ses 25 ans… ce samedi 25 janvier. Déjà, pourrait-on dire. Car depuis sa révélation au concours Ontario POP en 2013, l’artiste de Timmins a fait du chemin. Des projecteurs de l’émission La Voix, aux lancements de deux albums, elle revient sur ses dernières années, et son rapport à la musique. Bien plus qu’une passion, un exutoire.
« Première question très simple Céleste Lévis, comment se déroule ce début d’année?
L’année 2020 commence bien. On reprend nos habitudes. On continue la tournée du second album Donne-moi le temps, avec mes trois musiciens, Cory Lalonde, Marc-André Labelle et Marc-Antoine Joly. On vient de tourner au Québec. Nous avons commencé plus tard cette tournée. Le public est plus restreint en Ontario. Des fois, c’est beaucoup plus difficile pour recommencer le style de tournée. Les gens n’étaient peut-être pas prêts.
Comment on peut expliquer que la tournée de ce second album, sorti à l’automne 2018, ait pris plus de temps?
Avec mon premier album de 2015, j’avais gagné un prix pour faire la tournée. On avait eu deux supers années de tournées en 2016 et 2017, puis le deuxième album, on aurait dit que c’était trop tôt pour commencer le cycle de spectacles.
Comment décririez-vous ce second album?
Déjà, je l’ai produit moi-même. J’ai réalisé l’importance d’être entourée des gens qui me connaissent musicalement et personnellement. On a eu la chance de travailler ensemble avec mon équipe sur des choses personnelles. C’est un album dont je suis très fière!
Et musicalement donc, en quoi est-ce différent?
Pour le premier, j’avais des chansons à moi, mais aussi des collaborations avec d’autres artistes. On était plus dans le folk-country. Mais le country, c’était moins moi. Mon style, c’est plutôt folk-indie-pop. Ce second album Donne-moi le temps me ressemble beaucoup plus, mais le premier album, je le considère comme une étape.
Au début de votre carrière, on parlait beaucoup de votre voix grave et puissante comme votre principal atout. Pensez-vous que c’est toujours le cas?
J’ai travaillé ma technique vocale, mais je n’ai jamais pris de cours de chant. J’ai essayé d’améliorer ma voix en écoutant les autres artistes, et en le faisant moi-même. Avec le temps, j’ai dû travailler ma voix pour ne pas être 100 %. J’ai donc été plus dans la douceur pour certaines chansons.
Après votre révélation au concours Ontario POP en 2013, auriez-vous imaginé ce parcours?
Non, et faire une carrière musicale n’était alors pas dans mes plans. Je commençais à étudier les mathématiques à l’université. J’ai abandonné ces études plus tard d’ailleurs. Ontario POP m’a ouvert les yeux sur la musique, et m’a montré que je pouvais en faire quand je voulais. Mais c’est surtout ma participation au concours La Voix en 2015 qui m’a montré que je pouvais vivre avec la musique.
Depuis le concours La Voix, est-ce que vous vivez de la musique?
Je fais beaucoup d’ateliers d’écriture de chansons dans les écoles, à tous les jours. Ça m’inspire beaucoup, et me laisse la chance de partir en tournée quand je veux.
Est-ce que vous sentez un changement, depuis 2013, dans votre façon d’être?
C’est plus la confiance qui a changé. Je sais maintenant où je vais, où je veux travailler. Ça a été une montagne russe d’émotions à travers les années, mais j’ai eu tellement de soutiens après La Voix. J’avais besoin d’un moment de pause.
Pourquoi, au juste, une pause?
J’ai réalisé que je devais bien faire les choses pour la sortie de mon second album, d’où le titre Donne-moi le temps. L’image qu’on avait de moi, c’était la fille qui sortait de La Voix. Je voulais montrer que j’étais sérieuse et que je voulais continuer. On voit beaucoup d’artistes qui vont faire les compétitions, qui ont beaucoup d’attention, mais qui après laissent tomber. Ce n’était pas mon cas!
Justement en revenant à La Voix, vous y avez connu Éric Lapointe, qui était alors votre mentor, puis plus tard, vous avez rencontré le chanteur français Francis Cabrel avec qui vous avez fait des tournées. Êtes-vous encore en contact avec ces chanteurs?
Avec Éric, ça s’est fini assez rapidement, quand j’ai lancé mon album. Avec Francis Cabrel, ça continue, nous avons développé une amitié. C’est lui qui m’a invitée aux ateliers d’écriture en France. Avec Éric, on n’a pas eu autant de temps ensemble du fait de l’émission, mais je me souviens qu’il était très sincère dans ses propos, et il croyait vraiment en moi. Francis Cabrel, mes musiciens et moi avons passé plus de temps avec lui, il nous donnait des tips pour l’industrie!
Aujourd’hui, que représente pour vous cette identité franco-ontarienne?
Elle est toujours très importante. Même à l’extérieur de la province, je parle toujours de l’Ontario!
Vous vivez maintenant à Ottawa, mais est-ce que vous retournez régulièrement à Timmins?
Absolument! En fait, je suis vraiment très chanceuse, car j’ai toute ma famille là-bas! J’ai la chance de sentir la communauté francophone derrière moi! C’est un fort sentiment d’appartenance.
Timmins, c’est environ 10 000 francophones. Pourtant, et peut-être les médias ont une part de responsabilité, on parle moins de Timmins que d’autres communautés francophones. Pourquoi?
Je comprends pas tant. Hearst et Kapuskasing sont très francophones, avec peu d’anglais. Ce sont les deux villes qui dominent la francophonie du Nord de l’Ontario. Pendant deux ans, il y a eu le Festival Stars and Thunder, mais l’édition 2019 a été annulée!
Je trouve ça tellement important d’amener les artistes à Timmins. Le lancement de mon dernier album, j’avais décidé de le faire à Timmins. Cela faisait très longtemps qu’à Timmins, nous n’avions pas eu de lancement officiel!
Justement en parlant de la francophonie, comment avez-vous vécu la crise linguistique de l’automne 2018?
J’ai essayé d’en parler le plus possible, et on a besoin de continuer à en parler, pas créer un beau moment et le laisser aller! Je réalise comment les artistes sont affectés par les coupes du gouvernement Ford, au niveau des contrats. Pour les programmes d’artistes en résidence, avec les conseils scolaires, on était environ 30 avant, on est passé seulement à deux avec le gouvernement Ford!
Dans un climat politique plus compliqué comme celui que l’on a vu, comment les artistes peuvent aider?
En rassemblant, car la musique est universelle! Les artistes peuvent l’utiliser pour faire la différence.
Quel est le défi pour un artiste d’être visible en 2020?
Les réseaux sociaux sont très importants. C’est cela qui domine, même pour les ventes de disque. C’est très important! Pour les demandes de subventions, on nous demande souvent combien d’albums on a vendus, si on a bien fini tel album, alors que paradoxalement, aujourd’hui, c’est le streaming qui domine!
Est-ce que la musique, c’est aujourd’hui votre vie? La question peut paraître banale, mais rappelons que c’est lors de l’adolescence, après le diagnostic d’une maladie, la malformation d’Arnold-Chiari, que vous avez appris la musique.
Je dirais que oui, même si je n’ai commencé la musique qu’à 13 ans, alors que certains musiciens ont commencé à 4 ou 5 ans. J’ai tout fait pour me rattraper que ce soit dans la chanson ou les concours. Tout s’est passé très rapidement!
Est-ce que la pratique du sport vous est encore limitée aujourd’hui?
Oui, j’essaye mais c’est difficile du fait de la fatigue, car j’ai un trou dans le cerveau. Quand j’étais adolescente, la chirurgie que j’ai eue visait à enlever un morceau du crâne qui descendait dans la colonne. Plusieurs symptômes sont présents avec le temps.
Quels sont ces symptômes?
J’ai des maux de têtes en permanence, parfois la fatigue, quand je me réveille. Je ne sais pas trop comment vont être mes journées. J’essaye vraiment de trouver les choses qui m’aident. Dès fois ça fonctionne, des fois ça ne fonctionne pas. Depuis quelque temps, je vois un chiropraticien.
La musique est donc une sorte d’exutoire pour vous?
Absolument! J’écris beaucoup sur les sujets même cachés dans les chansons. Tout arrive pour une raison (Émue).
Quels vont être les projets pour vous et vos musiciens en 2020?
Cette année, on a une subvention de création, mais ça sera pour un projet plus intime, avec la sortie d’un troisième album pour Noël, mais on n’a pas encore de concept. On a réalisé qu’il fallait plus des projets, des mini EP ou des vidéos, si l’on veut exister. C’est ce que mes musiciens et moi allons faire! »
LES DATES-CLÉS DE CÉLESTE LÉVIS
1995 : Naissance à Timmins
2013 : Remporte six des huit prix au concours Ontario POP tenu à Ottawa
2015 : Participation à La Voix, et sortie de son premier album Céleste
2017 : Obtient cinq nominations au Gala Trille Or
2018 : Sortie de son deuxième album Donne-moi le temps
Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.