CEPEO : des parents d’élèves veulent une enquête du ministère de l’Éducation
OTTAWA – Des parents de l’École secondaire publique Omer-Deslauriers, à Ottawa, ont entrepris deux actions en justice : l’une portant sur le choix de l’établissement de diriger un nombre important d’élèves vers un programme de mathématiques qui ne peut leur donner accès aux études postsecondaires que l’on désigne sous le nom « d’échelon locale », l’autre sur la falsification de bulletins scolaires. Cette école fait partie du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO).
Un parent de cette école, M. Youcef Fouzar, dit que c’est lors de l’année scolaire 2019-2020 qu’un fort contingent d’élèves a été assigné à l’échelon local en mathématiques.
« L’école a mis entre 26 et 28 élèves dans l’échelon local », affirme M. Fouzar.
« Il y a deux niveaux, théorique et appliqué. Ces deux programmes peuvent converger vers une étude postsecondaire, à l’université ou au collège. Et puis il y a ce qu’on appelle échelon local. C’est réservé aux élèves en grande difficulté d’apprentissage. Ce programme ne va pas aboutir à l’université, à moins que les élèves en douzième année reviennent en arrière en neuvième année pour récupérer les cours qu’ils n’ont pas eu », résume M. Fouzar.
Le nombre élevé d’élèves qui se sont retrouvés dans le programme d’échelon local a aussi eu pour effet de gonfler le score de l’école au niveau provincial dans le domaine des mathématiques, puisque les élèves qui suivent ce programme, ne font pas les examens du ministère.
« Ce grand nombre dans ce programme était unique à notre école. Ces mêmes élèves ne passent pas le test provincial de mathématiques (TPM) du ministère. Par conséquent, le score de l’école était l’un des plus élevés de la province », constate M. Fouzar.
Allégations de falsification de bulletins scolaires et de racisme
L’autre poursuite porte sur la falsification de bulletins scolaires.
Un autre parent de l’école, Mourad Mazigh, dit que sa fille a eu trois professeurs de mathématiques entre septembre et décembre 2020. Une enseignante a commencé l’année mais, par la suite, deux classes ont été fusionnées et un autre enseignant a pris la relève, mais il est tombé malade. Un enseignant suppléant lui a succédé, mais M. Mazigh dit, que selon les recherches qu’il a faites, ce professeur n’avait pas les compétences pour enseigner les mathématiques.
Détenteur d’un doctorat en mathématiques, M. Mazigh a été en mesure de suivre les progrès de sa fille dans son apprentissage. Inquiet des progrès de son enfant, il a pris contact avec l’école à la mi-décembre.
« C’est à ce moment-là que j’ai avisé l’école, parce que j’ai remarqué que ma fille avait des problèmes en termes d’apprentissage en mathématiques (…). J’ai demandé des preuves d’apprentissage et des preuves d’évaluation », déclare M. Mazigh.
Il poursuit en disant que « suite à des courriels, la directrice aurait avoué que finalement il n’y a pas de preuve d’apprentissage, mais qu’ils (les élèves) ont étudié ». M. Mazigh conteste cette affirmation.
« Ils ont fini par émettre un bulletin et, dans le bulletin, ils n’avaient pas le choix. Ils ont fini par mettre une note incomplète. Pire encore, dans les commentaires, je vois qu’ils parlent de thèmes qui n’ont jamais été étudiés », s’indigne M. Mazigh. Et selon lui, la note « i » (incomplet) inscrite dans le bulletin confirme qu’une partie de la matière n’a pas été enseignée.
« Ce « i » là, va la poursuivre toute sa vie », s’indigne M. Mazigh
À cause de la composition ethnique de l’école, des allégations de racisme ont été soulevées en lien avec les faits allégués.
L’avocat retenu par les parents qui ont entrepris les actions en justice, Me Yavar Hameed, explique les raisons de ces allégations.
« Le lien avec le racisme, c’est que l’École secondaire publique Omer-Deslauriers a un certain pourcentage d’élèves qui sont de provenances diverses : Musulmans, Noirs, etc., au-delà de 90 %. Cette école-là n’est pas la priorité pour le conseil », constate le juriste.
« Des actions et des gestes du conseil et de l’école vont à l’encontre des politiques du CEPEO et les politiques de la province qui disent qu’il y a une obligation de donner une éducation équitable et pareille pour tous les élèves et de façon transparente », poursuit-il.
Il défendra donc cet aspect de la poursuite en se basant sur des statistiques qui montreraient des disparités importantes entre l’École secondaire publique Omer-Deslauriers et d’autres établissements comparables.
Vers une enquête du ministère?
Le CEPEO, dont fait partie cette école, n’a pas souhaité commenter ces deux actions en justice. « Nous sommes au fait de la situation. Par respect pour le processus judiciaire, nous n’émettrons aucun autre commentaire », a fait savoir la direction des communications du CEPEO.
Les parents se sont tournés vers les tribunaux, mais à terme, ce qu’ils veulent, c’est une intervention du ministère.
« Le but de notre démarche, c’est de voir le ministère de l’Éducation ouvrir une enquête publique sur le CEPEO et ses pratiques », insiste M. Fouzar.
Il ajoute que le bureau du ministre de l’Éducation a été approché par l’entremise du député conservateur d’Ottawa-Ouest-Nepean Jeremy Roberts.
« Le bureau du ministre nous a envoyé une note par le biais de notre député provincial disant que ‘‘vu la complexité de ce dossier, on a besoin de plus de temps’’ », relate M. Fouzar.
La plainte initiale a été envoyée au ministre de l’Éducation le 28 février dernier et les parents se disent déçus de ne pas avoir reçu de réponse avant la fin des classes.