Ces films qui ont marqué l’histoire du cinéma franco-ontarien
C’est demain soir qu’Hollywood remettra ses précieux Oscars. Au-delà des strass et paillettes de cette 92e édition, ONFR+ vous plonge dans l’histoire du cinéma franco-ontarien. Rencontre avec le cinéaste Jean Marc Larivière pour connaître les films qui ont marqué l’histoire du cinéma francophone dans la province.
Cano, note sur une expérience collective, de Jacques Ménard (1979)
Voix grave et posée, Jean Marc Larivière est hésitant lorsqu’on lui demande de choisir cinq films de référence pour le cinéma franco-ontarien. Il en citera un total de dix. Mais l’un d’eux s’impose comme une évidence : Cano, note sur une expérience collective.
« On sait que le groupe muscial Cano a été l’une des locomotives de la musique franco-ontarienne. André Paiement, l’un des fondateurs, était une force vive dans le Nord de l’Ontario. Son départ, suite à un suicide, a déclenché une onde de choc. C’est un très beau film documentaire que Jacques Ménard a réussi! »
Ce film s’inscrit aussi dans un contexte particulier. En 1974, l’Office national du film (ONF) ouvre un studio à Toronto. L’équivalent d’une impulsion décisive pour le cinéma franco-ontarien. Mais les fictions produites dans un premier temps ne sont pas rentables.
« Les films de fiction étaient très onéreux, alors que le documentaire, on s’en tire plus facilement. Un film bouffait tout le budget d’une année de ce studio de l’ONF installé à Toronto. Une nouvelle stratégie s’est alors mise en place avec une production beaucoup plus centrée sur le documentaire. »
L’Éclipse, de Léon Laflamme (1987)
Les choses changent sensiblement dans les années 80. L’Éclispe, film retraçant le destin de Gisèle, une infirmière au Centre de santé Élizabeth-Bruyère, symbolise ces mutations.
« Le studio de Toronto avait été repris en main par son deuxième producteur Paul Lapointe », explique M Larivière. « Il avait lui-même réalisé un film documentaire, avait travaillé avec les jeunes réalisateurs, et il connaissait bien la soif de ces réalisateurs pour la fiction. »
Conséquence : le cinéma franco-ontarien se transforme, avec une nouvelle espèce hybride, à mi-chemin entre le réel et l’imaginaire. « La méthode Lapointe, c’était de provoquer les réactions d’un personnage, qui se mettait alors en scène! »
Un exemple illustré dans L’Éclipse. « Le film parle de cette infirmière qui doit soigner des gens à laquelle elle finit par s’attacher mais qui meurent. Elle doit vivre des deuils successifs. C’est un très beau film dont la facture est poétique. »
Enfer et contre tous, d’Andrée Cazabon (1999)
Enfer et contre tous, c’est avant tout l’histoire d’une jeunesse désœuvrée qui n’a d’autre refuge que la rue. Toujours dans l’esprit du documentaire, Andrée Cazabon suit pendant plusieurs mois le parcours de deux de ces jeunes, Cathy et Laurent.
« C’est vu de la perspective des parents. Andrée Cazabon avait elle-même fugué. Elle avait des problèmes de dépendance à la drogue. 20 ans après, le film n’a rien perdu de son actualité! »
Sorti aussi en 1999, un autre long métrage documentaire franco-ontarien retient l’attention de M. Larivière : L’Écureuil noir de Fadel Saleh. Un film qui place l’intrigue sous le regard direct de l’écrivain Daniel Poliquin. « Fadel parsème le film de mises en scène et d’extraits des romans de Daniel. Cela fait un film dont la facture est très dynamique. »
Sentence vie, de Marie Cadieux (2003)
Le film nous plonge directement dans l’univers de la prison et de l’hôpital psychiatrique où est ballottée Diane Charron, avec qui la réalisatrice Marie Cadieux s’est liée d’amitié.
Un long métrage documentaire pour lequel M. Larivière ne tarit pas d’éloges. « Sa sentence devait être de six ans. Presque 20 ans plus tard, elle était encore en taule. C’était quelqu’un qui était brisée, fêlée, elle avait besoin d’aide psychiatrique. Le film est une illustration sublime de tout ce qui ne va pas avec la manière de traiter les femmes en prison. »
De cette décennie 2000, le cinéaste avait aussi coché Le Méchant trip d’Ilan Saragosti. « C’est l’histoire de deux jeunes qui partent dans l’Ouest canadien et aboutissent à Vancouver. On les suit sur presque une année. Ça définit les yeux sur la réalité des itinérants. »
La Sacrée, de Dominic Desjardins (2011)
M. Larivière est formel. Ce film occupe une place importante dans l’histoire du cinéma francophone. D’une parce que c’est seulement le deuxième long métrage de fiction franco-ontarien, mais aussi car il s’agit d’une comédie.
« Dieu sait que réussir une comédie, c’est difficile. Ce film a marqué en fait le début de la professionnalisation du cinéma franco-ontarien. C’est un bon film. Dominic Desjardins avait déjà réalisé deux ans auparavant Le divan du monde qui était un film solide. »
Le réalisateur n’avait pas lésiné sur le casting : Roch Castonguay, monument du cinéma franco-ontarien, mais aussi Marc Marans, Louison Danis, Geneviève Bilodeau, et même la participation du chanteur Damien Robitaille.
Le documentaire n’est est pas moins absent de la décennie 2010. En témoigne pour M. Larivière Sur la corde raide de Claude Guilmain en 2018 lequel revient sur les raisons du refus canadien d’intervenir en Irak en 2003 aux côtés des États-Unis.