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Un pionnier de la médecine en français dans le Nord reconnu à Nipissing Ouest

Le Dr Jean Anawati devant la plaque de reconnaissance. Gracieuseté de Jean Anawati

NIPISSING OUEST – Le Centre de santé communautaire de Nipissing Ouest a rendu hommage au docteur Jean Anawati, à qui l’on doit plusieurs avancées en matière de médecine en français dans la région.

Plus de 150 membres de la communauté se sont réunis le 23 juin dernier pour souligner les 15 ans du Centre de santé communautaire de Nipissing Ouest (CSCNO).

L’événement a permis d’inaugurer une nouvelle salle de réunion baptisée « Dr Jean Anawati », en hommage à ce médecin de famille qui exerce dans la région depuis plus de 40 ans. Ce nouvel espace a pour vocation de favoriser la connexion, le leadership et le développement au sein du Centre et de la communauté locale.

« Je ne m’y attendais pas du tout. Quand on œuvre pour la communauté, on ne le fait pas pour espérer une reconnaissance. J’étais donc agréablement surpris », a confié le docteur à ONFR.

La salle de réunion dédiée au docteur Jean Anawati au (CSCNO) énumère toutes ses contributions. Gracieuseté du docteur Jean Anawati

Ce dernier a aussi accepté de revenir au conseil d’administration de l’organisme, après un mandat de six ans, à titre de directeur, après une demande du président, l’ex-conseiller municipal Dan Roveda et du conseiller municipal Roland Larabie, entre autres.

« Il est évident que le Dr Anawati a consacré sa vie à la communauté, non seulement en tant que médecin, mais aussi en s’impliquant dans de nombreuses causes sociales. Il a joué un rôle déterminant dans la création de plusieurs initiatives, dont le Centre de santé communautaire », précise M. Roveda qui souhaitait lui accorder cette reconnaissance de son vivant.

Création de l’EMNO

Lorsque le Dr Jean Anawati s’est installé à Sturgeon Falls dans les années 1970, après avoir terminé son résidanat à Montréal, la région manquait cruellement de médecins. Avec ses collègues, il endossait de multiples rôles : accouchements, gestion des urgences, visites hospitalières, et soins complets auprès de la population.

Mais ce qui avait particulièrement marqué l’octogénaire était le peu d’intérêt des jeunes locaux pour les carrières en santé : « J’ai demandé aux conseillers d’orientation dans des écoles pourquoi personne ne considérait la médecine. Ils m’ont répondu :  »Ici, on devient mécanicien, agriculteur ou bûcheron », j’ai rétorqué :  »Tout le monde n’est pas fait pour être bûcheron » »

À cette époque, les étudiants du Nord qui voulaient étudier la médecine devaient souvent quitter la région pour le sud de l’Ontario, avec peu de chances d’y revenir après leur formation.

C’est à l’invitation d’un confrère que M. Anawati s’est joint aux premières démarches menant à la fondation de l’École de médecine du Nord de l’Ontario (EMNO). Un des deux seuls francophones du groupe, celui-ci s’est rapidement fait le porte-voix de la communauté franco-ontarienne, insistant sur l’importance d’intégrer un volet bilingue à la formation en médecine familiale.

En 2021, le Dr Anawati recevait une plaque de l’Hôpital général de Nipissing Ouest en reconnaissance de ses nombreuses années de service en tant que coroner. Source : Hôpital général de Nipissing Ouest

« Au départ, on envisageait que l’EMNO soit simplement une faculté rattachée à l’Université Laurentienne et à la Lakehead University mais l’autonomie est toujours restée notre objectif : gérer des programmes sur mesure pour le Nord, par des gens du Nord », se souvient-il.

Ce dernier s’était alors impliqué sur un comité consultatif, à la Northeastern Ontario Medical Education Corporation (NOMEC), formé pour établir un programme de médecine familiale dans le Nord-Est de la province, sous l’égide de l’Université d’Ottawa.

Engagement pour la francophonie

M. Anawati avait ensuite assumé le rôle de coordonnateur du programme de résidence en médecine familiale, puis celui de coordonnateur francophone pour la région nord-est au début des années 2000.

Selon lui, la formation de médecins francophones était primordiale pour répondre aux besoins spécifiques de la région : « La meilleure façon de servir les Franco-Ontariens est de former des Franco-Ontariens. Nous avons fait des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire. »

« Si vous êtes francophone, faites votre formation dans une communauté francophone »
— Jean Anawati

Le docteur de Sturgeon Falls juge qu’il est nécessaire de faciliter la formation des francophones dans des communautés où le français est parlé.

« Par exemple, les étudiants de première et de deuxième année ont l’occasion de passer du temps dans des communautés francophones, qu’ils soient eux-mêmes francophones, francophiles ou non. Ce type d’immersion, qui permet une meilleure compréhension des réalités locales, est déjà en place et devrait, selon moi, devenir une composante permanente du programme. »

Selon M. Anawati, les données d’inscriptions à l’EMNO ne reflète pas encore pleinement la réalité démographique du Nord.

Le docteur Jean Anawati entouré des membres de sa famille, travaillant tous dans le milieu de la santé. Gracieuseté du docteur Jean Anawati

« Les francophones représentent 5 % de la population ontarienne, ils forment environ 25 % des résidents du Nord-Est de la province. Dans les autres universités ontariennes, seuls 5 % des étudiants sont francophones alors qu’à l’EMNO, ce chiffre est autour de 15 %, seulement. On devrait viser à refléter ce 25 % dans nos admissions », estime-t-il.

Et d’ajouter : « Si vous êtes francophone, faites votre formation dans une communauté francophone. Si vous êtes Autochtone, faites de même dans une communauté autochtone. C’est ce dont nous avons besoin : des gens enracinés dans ces communautés qui deviennent médecins et reviennent les servir. »

Besoin de relève

Le Dr Jean Anawati avait été invité à partager ses espoirs et sa vision pour les deux prochaines décennies, à l’occasion du 20e anniversaire de l’Université de l’EMNO en mai dernier.

Selon lui, l’un des principaux problèmes aujourd’hui est que les médecins sont submergés par les tâches administratives et doivent parfois travailler seuls, ce qui mène à un épuisement professionnel.

Après avoir immigré au Canada depuis l’Égypte et fait des études à London, le docteur Jean Anawati a ouvert son premier cabinet de médecine familiale à Sturgeon Falls en 1977. Gracieuseté de l’EMNO

« Il est temps qu’une nouvelle génération prenne le relais. J’ai fait ma part pendant longtemps, et même si j’ai encore de nombreuses idées pour l’avenir, c’est cette nouvelle génération de médecins qui doit faire évoluer la pratique », estime celui qui a pris sa retraite depuis quelques années.

Et de finir : « Nous devons augmenter le nombre d’étudiants et de résidents, en particulier de médecins de famille francophones, et assurer une intégration complète des étudiants francophones dans la communauté. »

En hommage à son épouse Jocelyne, décédée six mois plus tôt, le Dr Jean Anawati a bonifié en février 2025 une bourse qu’il avait instaurée près de vingt ans auparavant. Créée en 2006, cette aide financière destinée aux futurs médecins totalise désormais plus de 100 000 $.

Cette bourse est attribuée à des étudiants en médecine à temps plein à l’Université de l’EMNO qui ont des liens avec Nipissing Ouest et la communauté franco-ontarienne.