Cinéfranco Jeunesse troque la salle de ciné pour la salle de classe
TORONTO – Hasard total du calendrier, la réouverture des salles de classe de Toronto, Peel et York, ce mardi, coïncide avec le lancement du volet Jeunesse du festival international du film francophone Cinéfranco. À l’affiche, 12 films à découvrir jusqu’au 3 mars, à l’école ou à distance, et donc accessibles à tous les élèves de la province. Mais les écoles accorderont-elle une place au septième art en ces temps d’éducation troublés?
Rien n’aura épargné les organisateurs du festival, ces deux dernières années. Après le faste de l’édition 2019 et ses quelque 9 000 spectateurs, Cinéfranco Jeunesse, qui a souffert de la grève des enseignants en 2020, n’attirant que 2 000 cinéphiles, amorce son édition 2021 avec une certaine appréhension.
Avec la possibilité de visionnage en classe ou à distance, soit avec l’enseignant en mode d’écran partagé, soit en famille, les organisateurs ont donné toutes ses chances à la sélection de films 2021 de toucher le plus public le plus large possible, au-delà de la métropole torontoise. Des écoles du Nord ontarien ont même acheté des billets pour assister à ce festival qui diffuse d’ordinaire ses œuvres dans un cinéma torontois.
Mais sa directrice générale et artistique, Marcelle Lean, reste prudente car, du côté du Grand Toronto, les spectateurs ne semblent pas aussi fidèles qu’ils l’avaient été auparavant, au regard des premières inscriptions.
« Le fait que le retour en classe le 16 février corresponde au début du festival n’est pas un « timing heureux », en déduit-elle, car « les élèves ont peut-être trop de cours à rattraper et je perçois une forme de fatigue chez les enseignants. Seront-ils prêts a vouloir explorer d’autres dimensions que le curriculum qu’ils ont à faire? »
Sa crainte est d’autant plus fondée que les élèves ont désormais accès à des centaines d’offres d’activité en ligne (théâtre, peinture, etc.) qui entrent en concurrence avec la sienne. « Avant, nous étions originaux dans la mesure où c’était une sortie : on allait voir le cinéma à l’extérieur de la classe. Il y avait une dimension réelle et pratique. »
Une programmation qui aborde le racisme, la famille, l’immigration
Dans ce contexte inédit, Cinéfranco Jeunesse garde néanmoins toute sa pertinence pédagogique. À travers 12 longs métrages récents et éclectiques, de la comédie au film d’animation, le festival aborde le racisme, la famille, l’immigration, l’itinérance, l’enquête policière, la famille, le conte philosophique…
À l’affiche, de grosses vedettes : Catherine Frot dans Sous les étoiles de Paris, Clovis Cornillac dans La relève, Pierre Rochefort dans Ma famille et le loup, ou encore Omar Sy dans Le prince oublié et Yao, une comédie dramatique qui explore le retour aux racines sénégalaises.
Malgré des prix en baisse de 50 % et des dossiers pédagogiques qui enrichissent ces films en fonction de l’âge et du curriculum, les organisateurs ne sont pas parvenus à séduire les conseils scolaires et à signer avec eux des partenariats. Il leur faut donc conquérir le cœur de chaque école, élève, parent et enseignant.
Une vingtaine d’écoles ont confirmé leur participation, loin des 125 établissements du cru 2019.
Quelques surprises et le projet Ciné Fierté
« On a donc décidé d’ouvrir ce festival au grand public », raconte Mme Lean. « Si les parents veulent des idées de discussions, c’est avec grand plaisir qu’on leur envoie nos dossiers pédagogiques. Ils peuvent aussi consulter des dossiers descriptifs disponibles en ligne. »
Elle prépare aussi quelques surprises avec, entre autres, trois autres films, dont on ne connaît pas encore le titre, qui seront proposés entre le 14 et le 21 mars.
Une tournée scolaire virtuelle pourrait également voir le jour à la demande des enseignants intéressés. Concrètement, il s’agirait d’une rencontre de 30 minutes pour prolonger la discussion avec les organisateurs, soit durant le festival, soit plus tard, au moment où se conclura le concours de la meilleure critique, en avril.
Pour compléter cette programmation, trois projections aborderont le thème LGBTQ+. Il s’agit du projet Ciné Fierté qui mêle longs métrages francophones internationaux et courts métrages franco-ontariens. Le prochain, Woubi Chéri, un documentaire ivoirien de 1998, sera diffusé le 18 février, en attendant Allez vous faire foutre, le dernier court métrage de Julie Lassonde.