Climat encore tendu sur la question de l’avortement

Crédit image: Maxime Delaquis

TORONTO – Le projet de loi voulant créer une zone de protection autour des cliniques d’avortement pourra être débattu en accéléré alors que les trois partis s’entendent pour le faire en moins de deux semaines. Malgré cette entente, le climat reste tendu dans les couloirs de la législature ontarienne.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

Une motion a été adoptée le lundi 16 octobre à cet effet. Le procureur général de l’Ontario, Yasir Naqvi, estime qu’en plus d’accélérer le processus législatif, la motion votée permettra d’allouer du temps en comité, ce qui n’était pas le cas avec la motion de la députée du Parti progressiste-conservateur (Parti PC), Lisa MacLeod, déposée la semaine dernière et qui avait été rejeté par le gouvernement.

Le projet de loi pourrait être adopté dans un échéancier accéléré d’une semaine, estime également le ministre Naqvi.

« Il ne faut pas oublier que ce type de projet de loi peut être contesté jusqu’en Cour Suprême sur des bases constitutionnelles, alors il est important que nous fassions toutes les étapes pour nous assurer de la solidité de la loi », a noté M. Naqvi.

Lisa MacLeod a pour sa part dénoncé à nouveau la politisation de cet enjeu

« J’ai parlé à plusieurs personnes dans ma circonscription à Ottawa et elles étaient toutes furieuses de la manoeuvre politique du gouvernement », s’est-elle exclamée en point de presse.

Mme MacLeod espère que d’ici la fin du mois, « les Ontariennes seront plus en sécurité lorsqu’elle entre dans une clinique d’avortement ou passer à proximité d’une de ces cliniques ».

La chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, Andrea Horwath, a pour sa part dénoncé la politisation du dossier par les libéraux et les progressistes-conservateurs.

Mme Horwath s’est montrée en faveur d’accélérer le processus législatif sur ce projet de loi et espère que ces zones d’exclusion seront mises en place le plus rapidement possible.

Patrick Brown défend sa position

Depuis le dépôt de ce projet de loi, le chef du Parti PC de l’Ontario, Patrick Brown, est la cible des attaques sur ses valeurs sociales. Selon lui, cela est fait dans le seul et unique but de détourner le regard sur le bilan du gouvernement.

« Je le dis sans équivoque et sans détour, je supporte le droit des femmes à choisir et je supporte le droit des couples de même sexe », a-t-il aussi martelé.

Mme MacLeod, aussi la cible des critiques, a défendu sa position sur les questions sociales.

« Que ce soit Justin Trudeau qui parle de féminisme ou que ce soit Kathleen Wynne et Yasir Naqvi qui jouent à un jeu sur la question de l’avortement, cela fait que les femmes dans notre parti ne se sentent plus femmes à part entière. On se fait attaquer pour avoir des valeurs conservatrices. J’ai toujours été clair que j’allais dénoncé ces conneries et c’est exactement ce que je fais aujourd’hui », a-t-elle lancé.

Le mercredi 4 octobre, le gouvernement a déposé un projet de loi pour « assurer l’accès sécuritaire aux services d’interruption volontaire de grossesse ». S’il est adopté, des zones d’accès aux cliniques seront créées dans un rayon de 50 mètres du bâtiment où sont prodigués les soins.

Une position inconfortable pour Patrick Brown, selon une politologue

Laure Paquette, politologue à l’Université de Lakehead, estime que l’objectif de la première ministre Kathleen Wynne avec ce type de projet de loi est de courtiser un certain type d’électoral de gauche bien précis.  Selon elle, ce débat met le chef du Parti PC dans une situation particulièrement inconfortable.

« Ça met Patrick Brown entre le fer et l’enclume et en fin de compte, je ne crois pas que c’était exclu du calcul du Parti libéral de l’Ontario », note-t-elle.

« M. Brown est dans la position la plus difficile des chefs de parti puisque les conservateurs au niveau des mœurs lui ont accordé la victoire au leadership et maintenant, il ne peut pas obtenir une victoire au niveau provincial avec seulement leur soutien » – Laure Paquette

Mme Paquette ajoute que plusieurs questions du genre pourront lui nuire avant le scrutin de 2018, et elle croit que les libéraux ne manqueront pas de le souligner.

Pour la politologue, la défense du projet de loi du ministre Naqvi par Lisa MacLeod démontre bien la profonde division au sein du Parti PC.