Climat : « Le Canada doit faire un effort » – Dominique Souris
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Dominique Souris est la co-fondatrice et directrice générale à Youth Climate Lab, une organisation mondiale à but non lucratif visant à l’accompagnement des projets de jeunes luttant contre les changements climatiques.
LE CONTEXTE :
La conférence internationale sur les changements climatiques (COP26) se déroule jusqu’au 12 novembre à Glasgow, en Écosse. Elle réunit les pays signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et plusieurs militants environnementaux en vue de discuter des mesures à prendre pour réduire les effets du réchauffement planétaire.
L’ENJEU :
Signataire de l’accord de Paris en 2015, le Canada, comme la majeure partie des pays du G20, s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, on observe peu de progrès sur le plan international et le Canada figure parmi les derniers de la classe avec une augmentation de sa production de gaz à effet de serre de 730 mégatonnes en 2019 contre 728 en 2018. Le secrétaire général de l’ONU a exhorté ces homologues à agir maintenant pour « sauver l’humanité ».
« Quelles étaient vos attentes lorsque vous vous rendiez à la COP26 ?
Personnellement, j’ai des attentes très limitées vis-à-vis de la conférence. Je m’attends à ce que l’on reconnaisse que nous sommes très loin de nos buts et que l’on mette en place des mesures concrètes pour atteindre l’objectif d’une limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius.
Il faut reconnaître le manque de financements et d’actions à l’égard des enjeux climatiques qui persistent. Il faudrait aussi reconnaître que la vraie action et le vrai leadership ne se trouvent pas à la table des négociations, mais sur le terrain. Les jeunes et les communautés locales sont les moteurs de ce changement.
Pensez-vous que ce sommet sera encore un moyen de faire de belles promesses sans action concrète?
Je pense que les paroles sont importantes, mais cela fait trop longtemps qu’on nous parle de changement sans que les actions suivent. Certains pays semblent avoir fait des progrès. C’est le cas de l’Écosse qui a commencé un fonds pour assurer le suivi des pertes et des dégâts liés aux changements climatiques. Le pays a fait preuve de leadership en étant le premier pays à mettre en place une telle mesure. Le reste des membres semblent passifs face à la situation.
Je pense que tous les militants qui sont ici et le reste des acteurs environnementaux qui suivent le sommet à distance sont fatigués des paroles et ils recherchent des actions.
Que devraient faire les États pour atteindre les objectifs fixés?
Je ne le répèterai jamais assez, il faut suivre la parole avec l’action. Le Canada avait annoncé en juin 2021 que l’on doublerait le financement international pour le climat à 5,3 milliards sur cinq ans. Le premier ministre a par ailleurs accepté la demande du président désigné de la COP de collaborer avec l’Allemagne pour produire un plan de mise en œuvre précis concernant l’engagement de mobiliser 100 milliards de dollars pour l’action climatique. Tout ceci est très bien en théorie, mais on attend les actions.
Le Canada est le seul pays du G7 à n’avoir pas réussi à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. N’est-ce pas contradictoire au vu des promesses faites?
C’est embarrassant. On ne peut pas s’appeler des modèles dans la lutte contre le réchauffement climatique si on n’est pas en mesure de réduire nos émissions. Il est vrai que c’est très complexe d’implanter des mesures environnementales dans le contexte canadien à cause de l’autonomie des provinces, mais nous devons faire un effort.
La Chine, le Brésil et la Russie, qui sont de très grands pollueurs, sont aux abonnés absents à Glasgow. Pensez-vous que cela aura un impact sur la stratégie mise en place pour la protection de l’environnement?
Il y aura certainement un impact. Évidemment, c’est très malheureux qu’ils ne soient pas ici, mais les pays industrialisés ont beaucoup à faire pour démontrer leur engagement. Ils ont une responsabilité historique face aux dégâts de l’industrialisation et même si la Chine, la Russie et le Brésil ne sont pas présents, cela ne devrait pas être une raison pour ne pas passer à l’action pour sauver notre environnement. »