Le Commissariat aux langues officielles n’est pas en crise, dit Théberge
Le Commissariat aux langues officielles (CLO) n’est pas en crise selon son commissaire Raymond Théberge. Un rapport d’enquêteurs principaux du bureau utilise pourtant ce terme pour décrire la situation, évoquant des agents surchargés et au bout du rouleau mentalement.
En mêlée de presse, quelques instants après le sommet des consultations pancanadiennes sur le Plan d’action à Ottawa, Raymond Théberge a commenté pour la première fois la situation en entrevue. Questionné à savoir si son bureau était en crise, il a répondu non.
« On est en train d’adresser les questions qui ont été soulevées. Il faut s’entendre, c’est un rapport de 2020-21. On travaille là-dessus et on va faire en sorte d’appuyer nos enquêteurs surtout dans le contexte du nombre extraordinaire de plaintes que l’on reçoit présentement. »
Huit enquêteurs soutiennent dans un rapport de novembre 2021 qu’il y a « une crise qui n’a pas encore été officiellement reconnue » par la haute gestion de l’organisme fédéral. Les plaintes ont triplé, mais les normes et processus n’ont pas changé, écrivent-ils. Ils se disent surchargés et soulignent que « la capacité du Commissariat à servir efficacement le public a été sérieusement compromise ».
« L’effondrement du moral et les problèmes liés à la santé mentale n’ont cessé d’augmenter, ce qui a déjà entraîné d’importants départs de personnel. Il faut noter que les départs exacerbent la crise pour ceux qui restent », peut-on lire.
« Je constate que, présentement, il y a une charge de travail élevée », a réagi le commissaire.
Il dit que des façons ont été trouvées pour régler cette situation comme la production de rapports plus courts « qui utilisent moins de temps et d’efforts ». Ce dernier dit avoir espoir que la situation sera réglée dans les prochaines semaines et prochains mois, mais ajoute que « ça prendra le temps que ça prendra ».
« Pour l’instant, on se penche sur la situation telle qu’elle existe avec les moyens qu’on a, mais on adresse ce qui a été soulevé par les employés. »
Plaintes en hausse, employés stables
Depuis 2015, le nombre d’employés à temps plein du CLO est passé de 161 à 177 en date de mars 2022. Le chiffre devrait être autour de 166 pour les trois prochaines années (2023 à 2025) selon le Plan ministériel. Les dépenses budgétaires du CLO qui sont autour de 22,2 millions de dollars pour la présente année devraient rester sensiblement les mêmes au cours des trois prochaines années.
Année | Nombre de plaintes recevables |
---|---|
2017-2018 | 894 |
2018-2019 | 1087 |
2019-2020 | 1361 |
2020-2021 | 1 870 |
2021-2022 | 4037 |
Le nombre de plaintes est de son côté en constante hausse depuis quelques années (voir tableau plus haut), 4 037 pour la dernière année. À titre de comparatif, de 2006 à 2013, le Commissariat avait un total de 5 405 plaintes jugées recevables.
Pour Raymond Théberge, ces chiffres élevés signifient que le mode de fonctionnement du Commissariat doit être revu, arguant qu’il faut « prévoir et faire les choses différemment ».
« Est-ce qu’en faisant toutes ces enquêtes une à la fois, on s’attaque aux problèmes systémiques? », se questionne-t-il. « On doit trouver d’autres solutions. On ne s’attaque pas à un problème systémique avec un problème individuel comme ça. »
Dans son projet de loi C-13, à l’étude en comité, le gouvernement compte permettre à Raymond Théberge de sanctionner les entreprises de transport qui offrent et communiquent des services aux voyageurs, comme Air Canada et VIA Rail. Une amende allant jusqu’à 25 000 $ par infraction sera possible.
« Ça va demander quand même une restructuration du Commissariat en fonction des nouveaux pouvoirs et des nouveaux mécanismes de conformité », évoque l’ancien recteur de l’Université Moncton.
Lors du dépôt de son rapport annuel en juin dernier, le haut fonctionnaire de l’appareil fédéral voyait à une augmentation importante des ressources humaines après C-13 pour aller chercher de l’expertise à l’extérieur de son organisation. En juin, le directeur parlementaire du budget signalait que le CLO ignorait le montant supplémentaire qu’Ottawa comptait lui accorder pour ces nouveaux pouvoirs, car le gouvernement Trudeau ne le saurait même pas lui-même.
Le Droit révélait il y a quelques jours qu’un plaignant avait été avisé que des enquêtes du CLO étaient ouvertes, mais sans jamais l’être réellement. Le commissaire n’a toutefois pas souhaité commenter cette information, arguant « ne pas avoir compris cette histoire ».
« On a un processus d’enquête qu’on suit », a-t-il simplement ajouté.