Construction de logements : une loi aux graves conséquences prévient le maire d’Ottawa

Le maire d'Ottawa, Mark Sutcliffe est inquiet de l'impact qu'aura le projet de loi 23 sur les finances de la Capitale. Crédit image: Stéphane Bédard

OTTAWA – Le projet de loi 23, qui vise à construire 1,5 million de logements à travers la province au cours des dix prochaines années, entraînerait – selon une analyse de la Ville d’Ottawa – des conséquences financières dramatiques. Adoptée à Queen’s Park ce lundi, la Loi de 2022 visant à soutenir la croissance et la construction ne fait pas l’unanimité au conseil municipal.

Dans une lettre envoyée vendredi dernier à Steve Clark, ministre des Affaires municipales et du Logement, le maire Mark Sutcliffe a déclaré que le projet de loi 23 pourrait créer un manque à gagner de dizaines de millions de dollars au cours de la prochaine décennie.

L’un des aspects les plus controversés du projet de loi est que la province propose d’annuler, de geler ou de réduire les diverses charges et frais associés à la construction de maisons. Tout cela dans le but d’inciter les gens à construire.

« Si nous voulons vraiment construire des logements abordables dans cette province et si tous les maires et conseillers qui ont déclaré vouloir inciter le plus possible la construction de logements, eh bien, voilà la solution », a déclaré le ministre Clark lundi à l’Assemblée.

Steve Clark, ministre des Affaires municipales et du Logement. Crédit image : Jackson Ho

Le maire d’Ottawa inquiet

Dans la lettre envoyée par le maire au ministre lui-même, M. Sutcliffe croit que « le projet de loi peut être amélioré, concernant la protection de l’environnement, sur l’offre de logements abordables, la protection des bâtiments historiques et aussi la perte de redevances pour les municipalités qui sont nécessaires à la construction de ces infrastructures ».

Le 25 novembre, dans une note de service envoyé par la direction générale de la planification, de l’immobilier et du développement économique de la ville d’Ottawa, le directeur des finances a fait part de ses inquiétudes à la municipalité en indiquant que « les changements proposés auront de profonds retentissements sur les finances municipales, de même que sur les processus et les questions opérationnelles dans différents secteurs d’activité de la Ville. »

D’abord le projet de loi 23 va impacter les redevances d’aménagement. Ce sont les frais ponctuels perçus auprès des promoteurs dans l’immobilier résidentiel et non résidentiel.

Le projet de loi 23 prévoit qu’il faudra augmenter les taux de perception des redevances d’aménagement.

On estime à 26 millions de dollars par an ou à 130 millions sur cinq ans, la perte, « créant un déficit de financement des infrastructures ». D’après la note interne de l’hôtel de Ville, cela représente « 10,19 % des redevances perçues, comme impact financier et manque à gagner pour la Ville ».

Des coupes à prévoir dans certains services

Stéphanie Plante, conseillère municipale pour le quartier Rideau-Vanier à Ottawa, explique au micro d’ONFR+ que « dans une situation d’inflation et compte tenu de la diversité des quartiers, sachant aussi que les déneigeuses doivent rouler, la collecte des poubelles aussi et bien d’autres, je ne veux pas voir des projets menacés parce que nous n’avons pas assez d’argent pour les subventionner ».

« Je me soucis énormément pour l’environnement avec ce projet de loi », renchérit-elle, considérant que « ce projet de loi ne permet pas de trouver des solutions adaptées aux besoins de nos résidents, qu’ils soient aînés ou étudiants ».

« Ottawa n’est pas Toronto », lance la conseillère. « Notre réalité n’est pas celle de Doug Ford ou de Steve Clark ».

Stéphanie Plante, conseillère du quartier Rideau-Vanier à Ottawa. Gracieuseté

Dans la lettre du 25 novembre envoyée au maire et au conseil municipal, la cheffe des finances et le directeur général alertent que « le projet de loi 23 aura des répercussions démesurées sur l’augmentation des recettes à produire ».

Ainsi, le service de planification explique que « les options (que la mairie va avoir) consisteraient à temporiser, à réduire les services ou à rechercher d’autres sources de financement ».

« La seule source facilement identifiable pour compenser cet important déficit de financement est constituée des fonds des contribuables existants, qui seraient obligés de financer les études et les investissements à consacrer aux services, aux commodités et aux infrastructures nécessaires pour assurer la croissance. »

Visiblement, le ministre Clark n’a pas prêté attention aux inquiétudes de M. Sutcliffe, qui pourtant lui disait dans sa lettre : « Compte tenu de ces nouvelles informations, je tiens à vous encourager à nouveau, comme je l’ai fait mardi, à prolonger la période de consultation avant l’adoption de la législation et d’examiner les conséquences financières dramatiques sur la Ville d’Ottawa avant de continuer avec le projet de loi. »

Stéphanie Plante regrette le manque de consultation : « Je n’ai pas de levier là-dessus pour les gens de mon quartier. »

Et de s’inquiéter du même souffle du manque d’intérêt pour « les tours inhabitées ». « Nous avons beaucoup de bâtiment vide à Ottawa, du fédéral, et on n’encourage pas les promoteurs à convertir ces bâtiments. »