L'École secondaire Michelle-O'Bonsawin dans l'Est de Toronto lors de sa construction. Archives ONFR
L'École secondaire Michelle-O'Bonsawin dans l'Est de Toronto lors de sa construction. Archives ONFR

Alors que le nombre d’élèves en Ontario ne cesse de grandir depuis dix ans, la construction d’écoles ne suit pas le rythme, si bien que le nombre d’élèves qui arrivent augmente à un rythme plus élevé que les nouvelles écoles. Pour combler ce différentiel, les classes portatives se multiplient.

En se basant sur les données du gouvernement ontarien, ONFR a compilé le nombre d’élèves et d’écoles dans le système scolaire francophone au cours de la dernière décennie, année par année. S’il est difficile de quantifier le bon ratio du nombre d’élèves par école, les chiffres indiquent qu’il y a plus d’élèves dans chaque école francophone de la province aujourd’hui comparativement à il y a dix ans.

En 2014, il y avait 449 écoles francophones dans la province pour un total de 101 823 élèves, soit un ratio de 226 élèves par école. Selon les plus récentes données disponibles, soit de 2023, on compte 484 écoles francophones en Ontario pour un total de 112 032 élèves, soit un ratio de 231 élèves par école, soit une augmentation moyenne de cinq élèves par école en dix ans. 

Ce nombre pourrait toutefois être encore plus élevé si le nombre d’élèves en Ontario n’avait pas stagné dans les dernières années. Il faut aussi noter que cela ne prend pas en compte l’agrandissement d’écoles déjà existantes.

« Tu ouvres une nouvelle école et, deux ans après, elle est pleine et tu es obligé de mettre des portatives. Maintenant, quand ils réalisent la planification, les conseils scolaires sont habitués à prévoir des portatives dès l'ouverture », note Yves Lévesque, directeur général de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholique.

Ce dernier estime que les projections du ministère de l’Éducation sont toujours « très conservatrices ». De plus, les conseils scolaires francophones se retrouvent en compétition avec les anglophones pour obtenir de nouvelles écoles, ce qui signifie que la force du nombre l’emporte la plupart du temps, explique-t-il.

« Ça nous place dans une situation telle qu'en 2018, on avait besoin (d’une école) de 500 élèves, mais eux ont calculé 350. Quand on arrive en 2023, tu ouvres ton école et elle est pleine. Chaque fois qu’on a construit une nouvelle école, on a eu ce problème-là », lâche M. Lévesque.

« L'École secondaire publique Pierre-de-Blois, qui est l'une sinon la plus récente qui a ouvert ses portes chez nous, est à pleine capacité, affirme la présidente du Conseil des écoles publiques de l'Est de l'Ontario Samia Ouled Ali. Il y a 700 élèves alors que c’est un projet pour lequel ils nous ont donné l’approbation il y a quelques années pour 450 places. Au bout d’une année, on avait déjà dépassé le plafond », raconte-t-elle.

Tous les hauts dirigeants des conseils scolaires nous répondent par l’affirmative lorsqu’on leur demande s’il manque d’écoles dans leur conseil scolaire. Chaque conseil possède une liste avec des projets qualifiés de prioritaires soumis au gouvernement. Chaque année, près de 40 projets dans l’ensemble de la province pour les conseils anglophones et francophones sont acceptés par le ministère de l’Éducation.

Dans le Grand Toronto, notamment au centre-ville, le manque d’espace rajoute une couche de difficulté supplémentaire, note le Conseil scolaire Viamonde, qui est passée de 8 983 élèves à 13 211 en 11 ans.

« Il y a le quartier Yonge–Eglinton à Toronto où il y a eu beaucoup de constructions. On sait que si on arrivait à ouvrir une école, elle serait remplie du jour au lendemain, mais il y a très peu de terrains. Même si on avait de l’argent, on ne pourrait rien acheter, car il n’y a rien à vendre », raconte sa présidente Geneviève Oger.

Des dizaines d’écoles avec des classes portatives

Pour combler ce manque, les classes portatives sont devenues monnaie courante dans les écoles de l’Ontario dans les dernières années, alors qu'elles existaient en beaucoup plus petit nombre dans le passé.

Selon Le Droit, on comptait 8771 classes portatives durant l’année scolaire 2022-2023. Photo : Patrick Woodbury/Le Droit

On peut notamment penser au CECCE qui comptait 20 000 étudiants il y a près de 15 ans alors qu’on estime qu’ils seront près de 28 000 à fouler les corridors de leurs 60 écoles en 2023-2024. Le surintendant de l’Éducation au CECCE, Jason Dupuis, rappelle que les conseils scolaires n’ont pas le loisir de refuser des élèves qui répondent aux critères.

Les conseils étaient-ils prêts à une hausse de 40 % d’élèves en 15 ans? « On suit le rythme dans le sens qu’on ajoute des classes mobiles », soutient Jason Dupuis.

Ce sont 135 classes portatives qui sont utilisées par les établissements du CECCE contre 101 au sein du second plus grand conseil de la province, le CÉPEO. À elles seules, les classes portatives de chacun des deux conseils pourraient contenir l’effectif de plusieurs écoles.

« Il faut démontrer au ministère qu’on a des besoins. Si elles (les écoles) ne sont pas pleines, le ministère ne va pas nous accorder des fonds, car il va nous dire ’vous avez de la place chez vous’ », présente le dirigeant du CECCE.

« Bien sûr qu’ils nous en manquent, ne cache pas Samia Ouled Ali au CÉPEO. Il y a des zones où l’on a besoin de beaucoup plus d’écoles. Par exemple, l’École secondaire Maurice-Lapointe (à Kanata) est victime de son succès. On a dépassé les 20 portatives ce qui est assez énorme », désigne la présidente du CÉPEO.

Une vue aérienne de salles de classe mobiles et de bâtiments scolaires modulaires à au Collège catholique Mer Bleue, à Ottawa. Photo : Patrick Woodbury/Archives Le Droit

Cette hausse d’élèves et l'engorgement des écoles, mais aussi des classes ne sont pas passés inaperçus auprès des professeurs.

« Je l’ai vu, quand je suis arrivée dans mon école, on était autour de 350 élèves et quand j’ai quitté, on était autour de 430 élèves. On approchait les 100 élèves de plus », avance un professeur du CECCE depuis le début des années 2010.

Une de ses collègues au CECCE, qui est là depuis 11 ans, répond oui lorsqu’on lui demande si elle a observé au cours de sa carrière une augmentation d’élèves.

« À un moment donné, on avait une quinzaine de classes portatives si ce n’est pas plus. À une rentrée, notre terrain était plein de classes portatives », témoigne cette professeure du CECCE au secondaire.

Carolle Rose, une professeure d’immersion en français à Rockland depuis le milieu des années 1990, affirme qu’au cours des années le nombre d’élèves s’est accumulé au sein de son école.

Trois toilettes pour 660 élèves et enseignants, la bibliothèque désormais sur la scène du gymnase, des locaux destinés aux professeurs et la salle de photocopie transformée en salle de classe pour accueillir le nombre grandissant d’élèves sont des exemples qu’elle énumère avoir observés au courant de ses années d’enseignement.

« On est déjà à quatre portatives. C’est bien, car ça donne un espace physique pour ajouter des classes, mais aussitôt qu’il s'en ajoute, ça l’enlève de l’espace pour les récréations dehors. Il y a le bon et le mauvais côté », affirme-t-elle.