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6 000 jugements unilingues : la Cour suprême traduira « quelques décisions »

Le juge en chef du Canada, Richard Wagner, lors d'une conférence de presse à l'Amphithéâtre national de la presse, à Ottawa, le mardi 10 juin 2025, pour informer les Canadiens des travaux de la Cour suprême du Canada. LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick

OTTAWA – Le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, a indiqué que la Cour suprême traduirait « quelques décisions » sur près de 6 000 qu’elle a rendues avant 1970 et qui ne sont pas dans les deux langues officielles.

La modernisation de la Loi sur les langues officielles adoptée en 2023 oblige les tribunaux fédéraux à traduire l’ensemble de leurs décisions juridiques. De 1877 jusqu’à l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1970, la Cour suprême n’était pas tenue de traduire ses décisions en anglais et en français.

Depuis l’automne dernier, la plus haute cour au pays a retiré de son site web l’ensemble des décisions antérieures à 1970 qui n’étaient pas bilingues. Elle avait indiqué qu’elle traduirait et publierait certaines de ses 6 000 décisions, majoritairement unilingues anglophones, au courant de l’année 2025.

Richard Wagner a indiqué, ce mardi, qu’un comité indépendant de la cour « avec différents chapeaux » juridiques, composé notamment d’ex-juges de la Cour suprême et de professeurs universitaires, avait été mis en place pour étudier la question.

« Ils ont donc travaillé sur ce dossier pour vérifier quelles étaient les décisions les plus pertinentes et ils sont arrivés avec un rapport déposé la semaine dernière (…). Ils ont identifié quelques décisions qui pourraient être traduites dans le contexte du 150e anniversaire de la cour », a-t-il expliqué lors de sa conférence de presse annuelle, précisant ne pas avoir lu encore en entier le rapport.

Ce dernier a ajouté qu’il ne pouvait préciser combien de décisions exactement seraient traduites, mais que l’information serait connue dans les prochaines semaines.

La Cour suprême devant le tribunal

L’organisme Droits collectifs Québec (DCQ) a intenté une poursuite l’automne dernier contre le plus haut tribunal au pays. DCQ estime qu’il a enfreint la Loi sur les langues officielles, car certaines décisions rendues ne sont toujours pas bilingues. L’organisation base sa démarche sur une décision du commissaire aux langues officielles qui avait conclu, dans un rapport d’enquête, que le plus haut tribunal au pays se devait de traduire ses anciennes décisions. Selon DCQ, c’est la première fois que la Cour suprême fera face à la justice au Canada.

Selon le directeur général de DCQ, Etienne-Alexis Boucher, le juge Wagner n’a toujours pas compris l’enjeu et déplore qu’il « ne semble pas avoir cheminé sur ce dossier-là au cours des derniers mois ».

« Je ne vois pas comment on peut interpréter ces propos-là autrement qu’encore aujourd’hui, le juge en chef de la Cour suprême considère que le commissaire aux langues officielles est dans l’erreur et que le bureau de la registraire n’a pas à traduire les jugements rendus avant 1970 », reproche-t-il.

La Cour suprême du Canada. Crédit image : Archives ONFR

Le dossier qui est devant la Cour fédérale devrait commencer à cheminer au courant de l’automne prochain alors que les partis doivent déposer les documents nécessaires d’ici le mois d’août.

« Ça renforce nos convictions et notre volonté d’aller jusqu’au bout », assure M. Boucher.

Devant les journalistes, Richard Wagner n’a pas souhaité commenter la cause juridique actuellement devant les tribunaux, estimant qu’il serait « inapproprié pour moi de parler de ce dossier-là ». Ce dernier a rappelé que le rapport d’enquête du Commissariat aux langues officielles présentait la Cour suprême comme « une première de classe » au niveau de la traduction de jugements par rapport aux autres cours et instances fédérales.

« La Cour suprême ne ménage aucun effort pour maintenir cette réputation-là », a-t-il assuré.

L’année dernière, le juge en chef Wagner soutenait que la traduction des quelque 6 000 décisions nécessiterait un investissement de 10 à 20 millions de dollars, plus d’une centaine d’interprètes et près de dix ans de travail.