Course à la mairie de Toronto : une centaine de candidats aux trousses d’Olivia Chow
TORONTO – Ce vendredi marque la clôture de la période de candidature à l’élection partielle qui désignera, le 26 juin prochain, le successeur de John Tory aux commandes de la Ville Reine. Ils sont finalement 102 candidats en lice. Un record. En tête des sondages, Olivia Chow devra composer avec de sérieux rivaux qui écument des thèmes similaires mais avec parfois une vision aux antipodes.
Selon le plus récent sondage, avec 33 % des intentions de vote, Olivia Chow mènerait largement la danse devant Marc Saunders et Josh Matlow, tous deux crédités de 14 %. Mais les coups de sonde publiés jusqu’ici restent très fragiles de par leur échantillon (entre 1 000 et 2 000 électeurs interrogés) et le taux d’indécis qui oscille autour des 30 %.
Ancienne conseillère municipale et ex-députée fédérale néo-démocrate, Mme Chow a reçu de nombreux soutiens, dont celui de Gil Penalossa, deuxième de la dernière course à la mairie, face à John Tory. Elle milite pour plus de logement abordable, un meilleur réseau de transport et s’oppose vivement au plan provincial de réaménagement de la Place de l’Ontario.
À l’opposé sur l’échiquier politique, Mark Saunders, ex-chef de la Police de Toronto, tente de capitaliser sur son image sécuritaire, pour rafler les votes conservateurs. Premier chef noir des forces de l’ordre municipales, en poste à des moments cruciaux comme ceux de l’attaque à la fourgonnette et de la fusillade de l’avenue Danforth, son image a toutefois été ternie par ses rapports conflictuels avec la communauté LGBTQ+, l’ayant poussé à la démission en 2020.
Les poursuivants les plus crédibles sont essentiellement des conseillers municipaux, anciens ou actuels : Josh Matlow (Toronto-St. Paul), Brad Bradford (Beaches-East York), Anthony Perruza (Humber River-Black Creek), Ana Bailão (Davenport, 2010-22), Giorgio Mammoliti (York-Ouest, 2000-18) et Rob Davis (York, 1991-97) essayent de refaire leur retard dans une campagne assez inaudible et peu suivie par les Torontois, rappelés aux urnes après la démission surprise de John Tory.
Mais il ne faut pas sous-estimer d’autres profils arrivés plus tard dans la course, à l’image de l’ancienne ministre de l’Éducation et ex-députée de Scarborough-Guildwood, Mitzie Hunter, qui a remis sa démission à Queen’s Park il y a deux jours pour se consacrer à 100 % à ce combat politique. À un mois et demi du scrutin, cette politicienne libérale bénéficie d’un certain soutien local.
Promesses de logement abordable et de meilleurs transports
Autre prétendante libérale, Celina Caesar-Chavannes a siégé quant à elle au Parlement fédéral, représentant la circonscription de Whitby de 2015 à 2019. Arrivées respectivement troisième et cinquième des élections de l’automne dernier, Chloe Brown et l’activiste environnementale Sarah Climenhaga se sont lancées à nouveau dans la lutte.
Au total, 102 candidats sont en lice (le record était de 65 en 2014) avec des profils très éclectiques. On compte entre autres Anthony Furey, un ancien chroniqueur du Toronto Sun, Claudette Beals, la mère de Regis Korchinski-Paquet – cette jeune femme noire décédée au cours d’une intervention policière en 2020 – ainsi que son avocat Knia Singh.
Sont en outre candidats le président du Parti libertarien de l’Ontario, Serge Korovitsyn, et Meir Straus qui, à 18 ans, est le plus jeune candidat à se présenter
Les favoris se déchirent notamment sur le projet clivant de réaménagement de la Place de l’Ontario et font du développement du logement abordable et des transports publics leurs priorités dans une ville en proie à l’inflation et aux embouteillages. Mais les électeurs ne se font guère plus d’illusion sur le coût de la vie et l’efficacité des déplacements urbains dans la première ville du pays.
Le plus gros suffrage devrait revenir à… l’abstention
La campagne ne soulève pas les foules, ceci dit. Élu sur un score-fleuve pour un troisième mandat en octobre dernier, le populaire John Tory avait démissionné à la suite d’une liaison extra-conjugale. Un départ soudain qui a créé depuis un profond vide de notoriété.
Exaspérés de retourner aux urnes en si peu de temps, les Torontois savent en outre que leurs taxes serviront à financer un scrutin dont ils se seraient bien passés. Coût de l’opération : environ 15 millions de dollars, alors que la Ville qui accuse un déficit d’un milliard de dollars. Résorber cet abysse budgétaire sera d’ailleurs le plus difficile à gérer pour le successeur de M. Tory.
« Il n’y a pas beaucoup de noms connus », relève Peter Graefe, politologue à l’Université McMaster. « C’est difficile pour les gens de faire le tri parmi autant de candidats mais, si dans les jours qui viennent, la course se resserre autour de deux, trois ou quatre personnalités, les électeurs vont voir plus clair dans les différences dans les enjeux qu’ils mettent au centre de leur campagne. »
« Le fait que ce soit seulement une élection partielle sans autre vote risque d’atténuer la participation » – Peter Graefe
Le politologue note une fracture idéologique béante entre Mme Chow et M. Saunders, deux favoris, qui pourrait susciter un fort intérêt de la part de la population. « Ce sont deux manières de voir le vivre-ensemble à Toronto assez distinctes qui pourraient mobiliser le jour du scrutin. »
De là à faire déplacer massivement les électeurs le 26 juin? Pas si sûr. « La multiplication des campagnes fait en sorte que certaines vont pousser les gens à sortir voter, mais le fait que ce soit seulement une élection partielle sans autre vote (ni conseillers municipaux ni conseillers scolaires) risque d’atténuer la participation », contrebalance M. Graefe.
En 2022, seuls 30 % des votants avaient fait le déplacement devant les urnes.
Un premier débat mercredi dernier a permis aux Torontois départager la vision des candidats Bradford, Hunter, Perruzza, Furey et Saunders, mais il manquait de sérieux prétendants au fauteuil de maire.
Selon M. Graefe, les prochaines joutes permettront d’y voir plus clair. Il faudra en outre s’attendre à des abandons et des reports de voix durant la campagne. Une manœuvre stratégique habituelle qui influencera certainement l’issue du vote.
Cet article a été modifié pour la dernière fois le vendredi 12 mai à 17h30.