COVID-19 : attention, virage dangereux pour les autobus scolaires
Pour des milliers d’enfants et jeunes Ontariens, retrouver le chemin de l’école, signifie prendre l’autobus scolaire. Quelles sont les directives provinciales? Quelles garanties offrent les compagnies de transports contre la COVID-19? Pourquoi des chauffeurs et des parents sont-ils réticents?
Plus de 55 % des parents ont l’intention de mettre leurs enfants dans un autobus scolaire, dès la rentrée, en direction d’une école du conseil scolaire Viamonde. Ils sont 70 % au conseil scolaire MonAvenir. Cette proportion grimpe au-delà dans le Nord et l’Est de la province.
Même si les familles sont fortement incitées à privilégier un mode alternatif comme la marche ou le vélo, l’autobus scolaire sera incontournable dans quelques jours pour de nombreuses familles franco-ontariennes, qui résident souvent à plusieurs kilomètres de leur école.
Sur le papier, la question du transport scolaire est tout sauf claire. Dans son plan de retour en classe, le gouvernement ontarien est avare de directives. Les parents doivent s’en remettre aux exploitants et aux conseils scolaires.
Ceux-ci se retrouvent sur plusieurs mesures clés destinées à limiter le risque d’éclosion de COVID-19 :
- chaque élève aura une place assignée
- le masque sera obligatoire de la 4e à la 12e année, recommandé en-dessous
- frères et sœurs seront assis ensemble dans la mesure du possible
- les conducteurs porteront un masque et une protection oculaire
- Les autobus seront désinfectés au moins deux fois par jour
- Les fenêtres seront ouvertes autant que possible
- Un registre de répartition sera tenu à jour par les écoles
La plupart des transporteurs franco-ontariens s’alignent sur ces règles de conduite. C’est le cas de Francobus qui dessert les écoles des conseils scolaires Viamonde, Monavenir et Providence, mais aussi du Consortium de transport scolaire d’Ottawa (CECCE et CEPEO) et du Consortium de services aux élèves du Sudbury (CSPGNO et Nouvelon) qui travaillent à la numérotation des places assises pour faciliter la circulation des élèves.
Dans leurs protocoles respectifs, ces compagnies insistent sur plusieurs mesures préventives. On demande, entre autres, aux élèves d’utiliser fréquemment du désinfectant pour les mains, de rester assis durant tout le trajet et d’observer deux mètres de distance à l’arrêt d’autobus, tout comme à la montée et à la descente du véhicule.
Des parents sceptiques sur la distanciation dans un autobus plein
En dépit de ces mesures, une partie des parents a décidé de ne pas confier ses enfants aux compagnies de transports scolaires. Plusieurs centaines d’élèves se contenteront de l’enseignement à distance, au moins dans un premier temps.
Les parents pourront réévaluer la situation plus tard et changer d’avis au cours de l’année scolaire, comme les y autorisent les conseils scolaires.
D’autres, restant attachés à une présence en classe, opteront pour un mode alternatif à l’autobus. C’est le cas de Marie-Josée Beaudry Tremblay. Cette résidente de Verner, dans le Nord de l’Ontario, accompagnera elle-même son enfant de six ans à l’école.
« Je ne crois pas que les méthodes sanitaires peuvent être pratiquées dans l’autobus, car il est plein », tranche-t-elle. « Tous les sièges sont occupés et, comme il n’a pas de frère ou sœur dans l’autobus, mon enfant devrait s’asseoir à côté de quelqu’un qui n’est pas de sa bulle sociale. » Hors de question.
Mme Beaudry Tremblay pense que la réussite de la rentrée reposera en grande partie sur l’effort communautaire. « Retirer mon enfant de l’autobus, c’est une façon pour moi d’aider à la situation, car c’est un élève de moins », dit-elle, consciente que tout le monde ne peut pas en faire de même, suivant ses contraintes professionnelles.
La majorité des parents ont cependant décidé de prendre le risque de mettre leurs enfants dans l’autobus. Un risque somme toute mesuré, pense Sylvain Meyrous. Ce papa franco-torontois scolarise ses deux enfants, Samuel et Joël en 9e et 4e année.
« Ils vont prendre le transport scolaire, car ils sont sur le dernier arrêt du trajet avant l’école et il y a un traçage dans le transport scolaire qui n’est pas possible dans les transports publics de la ville. »
M. Meyrous compte, dans les jours à venir, sensibiliser ses enfants à porter le masque. « Vu leur âge, ils ne vont probablement pas le porter tout le temps, mais on essayera de faire en sorte qu’ils suivent les consignes. »
Ce retour en classe ne l’effraie pas car, « statistiquement, les gens qui sont malades sont au-dessus de 60 ans. On n’est pas dedans. Ça peut arriver, mais ça ne m’inquiète pas particulièrement », confie-t-il, soulagé de tirer un trait sur l’apprentissage à la maison et de réintégrer ses enfants dans un contexte social.
Désinfecter : pas une tâche pour les chauffeurs, prévient Unifor
En plus des 40 millions de dollars alloués à la désinfection des autobus scolaires et à l’achat d’équipements de protection individuelle pour les chauffeurs, le ministère de l’Éducation a promis une rallonge de 4 millions de dollars en 2020-2021 pour soutenir l’amélioration des protocoles de nettoyage dans les écoles et dans les autobus.
Le ministre Stephen Lecce a reconnu, en conférence de presse, un « défi de longue date en matière de recrutement et de rétention des chauffeurs. Il s’agit de travailleurs vieillissants. Nous avons donné des lignes directrices aux conseils scolaires pour veiller à ce que tout l’équipement nécessaire soit là ».
Insuffisant, selon Unifor. Le syndicat qui représente 2 500 chauffeurs d’autobus scolaires en Ontario, a demandé au gouvernement de revoir sérieusement sa copie et aux employeurs de se montrer transparents dans l’usage des fonds provinciaux.
« Nous devons nous assurer que cet argent est utilisé à cette fin et qu’il n’est pas simplement acheminé dans les mains des services de transport privé, sans mécanismes de transparence et de reddition des comptes », alerte l’organisation porte-parole des chauffeurs ontariens.
Unifor réclame notamment que le nombre d’élèves par trajet soit limité pour assurer une bonne distanciation sociale.
« Les autobus scolaires ne peuvent pas contenir 74 élèves, comme l’a révélé le carnet de route d’un chauffeur pour septembre 2020. C’est à la fois risqué et inacceptable. »
Le syndicat ontarien exige par ailleurs un financement provincial supplémentaire pour recruter plus de chauffeurs afin d’augmenter le nombre d’autobus et de trajets. Cette aide permettrait aussi de recruter des moniteurs pour aider les chauffeurs qui transportent des élèves ayant des besoins particuliers.
L’enveloppe permettrait aussi de recruter des agents d’entretien chargés de désinfecter les véhicules après chaque trajet. « Cette opération doit être effectuée par des nettoyeurs professionnels. Les chauffeurs ne doivent pas être chargés de cette tâche, ni l’inclure dans leurs fonctions normales », lance Unifor.