COVID-19 et santé mentale : « Il faut surveiller les idées suicidaires »

Valérie Giroux est psychiatre et chef du département de santé mentale à l’hôpital Montfort. Montage ONFR+

[ENTREVUE EXPRESS]

LE CONTEXTE :

Les Ontariens sont appelés à demeurer chez eux pour les prochaines semaines en raison du coronavirus. Plusieurs établissements et commerces sont fermés, en plus de l’interdiction de se rassembler en grands groupes. L’objectif est de limiter la contamination afin de freiner la propagation du virus.

L’ENJEU :

Être confiné à la maison peut être anxiogène, voir paniquant pour certaines personnes, en plus d’être exposé à un flot continu d’informations concernant la pandémie.

QUI :

Valérie Giroux est psychiatre et chef du département de santé mentale à l’Hôpital Montfort.

« Est-ce que l’isolement en situation de crise, comme celle que nous vivons en ce moment, peut être dommageable pour notre santé mentale?

C’est sûr que c’est vraiment pas facile de s’isoler et ça pose problème. Habituellement, les gens qui ne vont pas très bien, on leur dit de s’entourer, d’avoir un support autour d’eux, mais là on ne peut pas vraiment faire ça. Le contact avec les autres peut vraiment aider, mais là l’isolation est forcée, donc on doit faire avec.

Quels sont les symptômes à surveiller?

Les symptômes les plus importants à surveiller, c’est la dangerosité pour autrui, comme les idées suicidaires. C’est normal d’avoir une certaine anxiété, il faut comprendre que c’est une émotion qui est très utile, mais qui peut devenir envahissante et conséquemment pathologique. Si ça nous empêche de dormir, de mener nos activités quotidiennes, de s’occuper de nous, c’est qu’il y a un problème.

Quand est-ce qu’il est temps de contacter un expert en santé mentale?

Encore une fois, si les gens ont des idées suicidaires, il y a une ligne de crise ouverte en tout temps (1-866-996-0991). Si la ligne ne fonctionne pas ou est occupée, il faut se rendre à l’urgence. Il y a des ressources qui sont disponibles aussi pour les problématiques de santé mentale.

Par exemple, à l’Hôpital Montfort, nous avons recours à des services de télémédecine pour les gens qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas se déplacer. Dans tous les cas, si ça ne va pas, la première chose à faire c’est de parler à quelqu’un, donc soit au téléphone ou via Facetime ou Skype.

Y a-t-il des précautions à prendre pour les gens qui seraient déjà aux prises avec des troubles de santé mentale (trouble d’anxiété généralisé, trouble panique, etc.)?

C’est sûr que pour les personnes qui ont déjà une fragilité, ça risque d’être plus difficile. À ce moment-là, c’est important de leur offrir davantage de support. On peut leur parler, essayer de les divertir, etc. Dans la vie, on est toujours pressé et souvent on n’a pas le temps de faire ça, mais là je pense que c’est important de joindre l’utile à l’agréable et de se concentrer sur le moment présent. L’inconnu est là, on ne peut le nier et on ne sait pas comment ça va évoluer.

Est-ce que ça va empirer? Est-ce que ça va passer vite? Personne ne le sait et c’est difficile de rassurer les autres devant l’inconnu, mais ce qu’on peut faire c’est écouter et se concentrer sur le positif.

Que conseillez-vous aux personnes seules et aux personnes âgées?

On pourrait les appeler un peu plus souvent qu’à l’habitude. Aussi, c’est important qu’ils aient accès à une télévision, de la musique ou bien n’importe quoi pour les distraire. Pour ne pas augmenter leur anxiété, et ça c’est valable pour tout le monde, je suggère de peut-être regarder une source d’information fiable par jour et de s’en tenir à ça.

Si on a juste du négatif autour de nous, c’est difficile de se sentir bien. Donc, avoir une ambiance positive et profiter des bons moments, c’est la clé.

En ce qui a trait aux familles, avez-vous des conseils pour les parents?

C’est sûr qu’on explique le tout différemment selon l’âge de l’enfant. Par contre, c’est important de leur expliquer qu’il y a un virus qui peut rendre les gens malades et que c’est pour ça qu’on doit rester à la maison. On peut insister sur le fait que c’est un peu comme des vacances et que c’est une occasion de passer du bon temps en famille.

Encore une fois, on limite les nouvelles en permanence à la télévision et on évite de parler juste de ça. C’est sûr qu’ils vont se rappeler du moment où ils ont eu congé d’école et qu’ils devaient rester à la maison et on veut éviter qu’ils en gardent un mauvais souvenir.

En même temps, et en ayant de jeunes enfants moi-même, je sais que c’est difficile pour les parents. On est fatigué, stressé et on n’est pas vraiment habitué à être tout le temps ensemble à la maison avec nos enfants. Comme le dit l’expression, il faut essayer de faire de la limonade avec du citron!

Finalement, qu’est-ce qu’on peut faire pour aider quelqu’un en détresse psychologique?

Je pense que c’est important d’être là pour les écouter. Parler avec eux, c’est ce qu’il y a de plus utile. Si on n’a pas de restriction, on peut aller les voir. Il faut vivre au jour le jour et apprécier les petits moment qu’on a avec nos familles.

C’est un peu comme des vacances forcées et il faut mettre l’emphase là-dessus. En bref, profitez du moment présent et évitez de vous faire des scénarios catastrophes. Demain est un autre jour. »