COVID-19 : face aux menaces, les foyers pour aînés sur le pied de guerre
Lundi, l’annonce du décès de neuf aînés dans une résidence à Bobcaygeon a fait l’effet d’une bombe. Hier, la médecin hygiéniste en chef ajointe de l’Ontario, Barbara Yaffe, confirmait la présence du coronavirus dans dix résidences de la province. Autant de nouvelles qui poussent les personnels soignants des établissements francophones à une surveillance renforcée.
« Aucun membre du personnel soignant ne peut travailler malade, même avec une petite toux », illustre Joëlle Lacroix, directrice générale du Foyer des Pionniers de Hearst.
L’établissement situé non loin de la rivière Mattawishkwia a fière allure. À l’intérieur, on s’active depuis 15 jours pour éviter toute forme de contamination pour la soixantaine de résidents.
« On fait de la restriction de nos visiteurs, en n’acceptant plus que les visiteurs essentiels, on fait du dépistage des employés au début de leur quart de travail, on impose le lavage des mains avant d’entrer dans les chambres et en sortant des chambres, on continue de pratiquer la distanciation sociale. »
Des mesures qui suivent grosso modo les directives émises par la province.
Lors de l’énoncé économique la semaine dernière, le gouvernement ontarien annonçait 243 millions de dollars pour que les centres augmentent leurs services à la clientèle vulnérable. Des mesures passant par un meilleur entretien, des vêtements de protection pour les travailleurs et des tests de dépistage disponibles pour tous.
Lundi soir, le gouvernement Ford annonçait de nouveau 10 millions de dollars pour aider les organismes communautaires à « coordonner la livraison subventionnée de repas » aux aînés.
« On a ajouté des tables dans la salle à dîner pour espacer. On nous recommandait de faire manger les aînés dans leur chambre, mais nous n’avons pas de système de cabarets », ajoute Mme Lacroix.
Désinfecter et ne plus rien laisser au hasard dans les différents centres, le Foyer Richelieu Welland dans le Niagara s’attelle aussi quotidiennement à cette tâche.
« On désinfecte huit heures de plus par jour, et ce sur tous les endroits high-touch, spécialement les poignées de porte, les rampes », fait part le directeur du centre de soins de longue durée pour les francophones, Sean Keays.
Le responsable laisse entendre aller bien au-delà des mesures gouvernementales.
« On a fermé les portes de la résidence le 14 mars, c’était avant que l’Ontario ordonne que les portes soient barrées. On essaye toujours de faire les choses bien avant. On préfère garder nos résidents en vie et en bonne santé. »
Inquiétude devant la progression de l’épidémie
Ces mesures de sécurité et d’hygiène renforcées vont de pair, forcément, avec l’inquiétude des résidents et de leurs familles. Sur les télévisions qui bourdonnent dans les chambres, difficile d’échapper aux nouvelles sur l’épidémie de COVID-19 qui continue sa course vers un pic inconnu.
Dans le secteur Orléans à Ottawa, deux occupants de la résidence Promenade sont morts du coronavirus. Non loin de là, à la Résidence Saint-Louis d’Orléans, on préfère accueillir la nouvelle avec philosophie.
« On a été au courant d’autres éclosions », soutient la directrice générale Mélissa Donskov. « Évidemment, ça peut créer plus d’incertitude chez les résidents, donc on essaye de vraiment bien communiquer sur les mesures pour les garder en sécurité durant ce confinement. Ça peut être difficile d’entendre ces choses-là dans les médias. »
Si le Nord est pour le moment relativement épargné par l’épidémie, Joëlle Lacroix, à Hearst, refuse de baisser la garde.
« Disons que l’on est rural, donc ça ne prendrait pas beaucoup de choses pour nous déstabiliser. Rendez-vous compte que l’hôpital de Hearst ne comprend que 44 lits et deux respirateurs! On ne peut rien se permettre! »
Briser l’isolement
Dans ces conditions, la distanciation sociale oblige à remodeler les différentes activités. C’est le cas au Foyer Richelieu Welland.
« Les activités sont maintenant réduites à des petits groupes. On fait des exercices, des activités thérapeutiques, des dessins… Depuis le début de la crise, nous n’avons plus de messes, plus d’artistes qui viennent. Lors des activités, les gens doivent être à six ou huit pieds les uns des autres. »
« On a annulé les activités en groupe. Notre équipe de loisirs fait des visites des résidents un à un », souligne Mme Donskov, du côté de la Résidence Saint-Louis.
« Nous organisons aussi des discussions entre les proches et les résidents, avec les nouvelles technologies. C’est très rassurant pour tout le monde. »
Briser l’isolement en raison de l’interdiction des visites, c’est aussi le but du Foyer Richelieu Welland.
« On a acheté des iPad pour que les aînés communiquent avec leurs familles et leurs proches à l’extérieur. Tout cela est cédulé huit heures par jour, de 11h à 19h, avec FaceTime. On recommande toutefois des visites électroniques limitées à une demi-heure. Cette plage horaire de huit heures se remplit très bien. »
Des ressources supplémentaires?
À savoir si toutes ces opérations mobilisent davantage de ressources humaines, les réponses varient d’un centre à l’autre.
« On a ajouté comme cinq jobs à temps plein, on a même embauché des gens », fait part M. Keays, à Welland.
Nantie de 198 lits sur les berges de la rivière des Outaouais, la Résidence Saint-Louis, gérée par l’organisation de soins de santé Bruyère, préfère anticiper d’éventuelles complications.
« Évidemment, ça se pourrait que la situation devienne difficile. On est en train de regarder différentes façons d’embaucher, notamment des étudiants. Mais on fait partie d’une grande organisation de la santé, avec beaucoup de programmes politiques qui pourraient nous aider. »
Les trois centres interrogés sont formels : aucun des résidents n’a pour l’instant demandé à vivre le confinement avec sa famille.
« Ils savent qu’on fait tout pour les protéger », conclut Mme Lacroix, à Hearst.