COVID-19 : le « chaos total » pour les agences de voyage
Les mesures exceptionnelles annoncées à travers le monde pour les voyageurs, dues à la COVID-19, représentent un immense défi pour les agences de voyage qui tentent de rapatrier les Canadiens qui sont à l’étranger.
« C’est le chaos total! On ne dort pas, on travaille tous extrêmement fort… Notre priorité, c’est de rapatrier tous nos clients! », explique Manon Lacelle-Lacroix, propriétaire de Club Voyages Marlin Travel, à Hawkesbury.
Son agence compte encore une vingtaine d’entre eux disséminés à travers le monde et une centaine dans les « destinations soleil ».
« Les gens nous appellent, ils sont inquiets. On essaie de les rassurer. »
Plusieurs agences contactées par ONFR+ ont décliné nos demandes d’entrevue, tant elles se disent débordées.
L’agence de Mme Lacelle-Lacroix a fermé au public lundi, afin de ne pas propager le virus. Mais toute l’équipe reste sur le pied de guerre pour aider ses clients partis avant l’emballement des mesures de lutte contre la COVID-19.
Diminution des vols à travers le monde
Lundi, le premier ministre Justin Trudeau avait encouragé ces Canadiens à revenir au plus vite. Jeudi, il a tenté de les rassurer.
« Pour ceux qui ont de la difficulté à revenir, on travaille fort pour régler ça », a-t-il dit, expliquant avoir parlé avec Air Canada et WestJet.
Ces derniers jours, les compagnies aériennes ont annoncé une forte diminution de leurs vols. Air Canada, notamment, suspendra la majorité de ses vols transfrontaliers et internationaux d’ici au 31 mars jusqu’au moins au 30 avril.
« Nous examinons avec le gouvernement du Canada les possibilités de maintenir les activités essentielles afin de permettre au plus grand nombre possible de voyageurs de revenir au Canada », a toutefois précisé son président et chef de la direction, Calin Rovinescu.
La situation est similaire pour les autres compagnies et même si les vols internes sont encore autorisés, la compagnie Porter a emboîté le pas, interrompant ses activités jusqu’au 1er juin.
Optimisme mesuré pour les rapatriements
De quoi inquiéter Lance Campeau, de Voyage Anne Travel, à Clarence-Rockland, qui a encore une centaine de clients hors du pays.
« Nous avons beaucoup de clients inquiets qui nous appellent. On essaie de leur trouver le premier avion possible pour revenir. Nous allons tout faire pour les aider. Mais que va-t-il se passer quand les avions ne voleront plus? Certains risquent de rester coincés. »
Partis le 2 mars dernier, Silvio Rigucci et Martine Carrier sont revenus à Ottawa cette nuit d’un voyage en Australie qu’ils ont dû écourter. Ils n’ont pas hésité à payer plus de 260 $ pour prendre le premier avion possible.
« Nous avons été chanceux! Le plus stressant, c’est que quand le capitaine nous a avisé que la croisière était interrompue et que nous retournions directement à Sydney, tel qu’exigé par les autorités australiennes, on ne savait même pas si et quand on pourrait débarquer », explique M. Rigucci, qui précise avoir obtenu différentes options de compensations pour sa croisière inachevée autour de la Nouvelle-Zélande sur le Ruby Princess.
En voyage en Allemagne depuis début mars avec sa femme et son jeune fils, le Franco-Ontarien, Mathieu Otis, garde la tête froide. Après plusieurs démêlés avec Air France et l’ambassade du Canada, il a finalement obtenu l’aide d’un employé de la compagnie aérienne française pour un retour au Canada samedi.
« Plus le temps avance, plus que j’ai confiance que ça va fonctionner, mais les choses changent rapidement. »
Mme Lacelle-Lacroix se montre optimiste.
« C’est compliqué, car il y a plein de pays où les frontières ferment, notamment en Europe, et beaucoup de vols qui sont annulés. Nous avons un couple qui devait rentrer ce vendredi et dont le vol a été reporté au 22 mars… Mais je suis confiante qu’on va réussir à tous les rapatrier. »
Des conseils pour les voyageurs
Malgré les difficultés, cette situation plaide en faveur des agences de voyage, pense la propriétaire de Club Voyages Marlin Travel.
« On communique régulièrement avec nos clients pour les rassurer. C’est aussi pour ça que les gens passent par une agence, pour ce lien de confiance. Certains ne réalisent pas toujours l’intérêt de passer par une agence, ils pensent que ça coûte plus cher… C’est sûr qu’il y a des frais de service, mais dans des situations comme celles-là, on voit combien c’est utile. Nous avons des gens qui viennent nous voir, car ils ont des proches qui ne sont pas passés par notre agence mais qui sont coincés. On va les aider. »
Le plus dur à venir pour les agences de voyage
Pour ceux dont le voyage a été annulé, plusieurs compagnies aériennes, dont Air Canada et Air Transat, ont annoncé la remise d’un crédit de 24 mois.
« Ça protège nos revenus, à l’inverse d’un remboursement », se satisfait Mme Lacelle-Lacroix.
Car une fois les rapatriements et annulations terminés, les temps s’annoncent durs pour les agences de voyage.
« Je songe à fermer temporairement, mais peut-être que je vais devoir fermer de façon définitive. On n’a plus aucune entrée d’argent! Tout le monde annule. Comment pourrions-nous faire autrement? », dit M. Campeau, dont l’agence compte trois conseillers de voyage. « J’espère que quand ça va s’arranger, ça va repartir très fort », poursuit-il un peu plus optimiste.
En activité depuis 23 ans et disposant d’une équipe de trois autres conseillers et d’un agent technique, Mme Lacelle-Lacroix reste confiante.
« J’ai vécu le 11 septembre dont les effets étaient à peu près semblables. Les gens ont confiance en nous et nous avons une bonne réputation. On a déjà des clients qui nous parlent de réserver pour octobre! », dit-elle. « Mais pour l’instant, on se concentre sur les rapatriements et les annulations pour les départs imminents. Après, on prendra le temps de se reposer un peu… »