Décès de Benoît Pelletier : la perte d’un « grand complice » pour les minorités francophones
L’ancien ministre québécois et professeur de droit à l’Université d’Ottawa Benoît Pelletier est décédé au Mexique, a annoncé ce lundi la famille de l’ancien constitutionnaliste qui était vu comme un grand ami des francophones hors du Québec.
« Au-delà de ses accomplissements professionnels extraordinaires, Benoît Pelletier est surtout un mari attentionné, un père de famille dévoué, drôle, généreux et à l’écoute, et un grand amoureux du Québec et de la langue française », a déclaré la famille Pelletier dans un communiqué, sur l’ex-politicien décédé à l’âge de 64 ans, samedi dernier.
Élu député de Chapleau en 1998, il a occupé plusieurs fonctions ministérielles au sein du Parti libéral du Québec, dont celles de ministre des Affaires intergouvernementales et de la Francophonie canadienne.
C’est dans ce dernier rôle qu’il rapproche le Québec et les minorités francophones du pays. Il signe en 2006 avec l’Ontario une entente de coopération en matière de francophonie canadienne. À la fin de son mandat, il a conclu des accords d’échanges entre le Québec et toutes les provinces canadiennes et les trois territoires, en appui à la francophonie canadienne. C’est sous sa gouverne qu’il adopte, en 2006, une seconde version de la Politique en matière de francophonie canadienne du gouvernement du Québec, introduite préalablement en 1995.
« C’est vraiment un des premiers, dans les 20 dernières années, qui a tendu la main aux communautés francophones et acadienne en milieu minoritaire pour en faire une francophonie canadienne qui comprenait le Québec », affirme la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy.
Cela mènera en 2008 à la création du Centre de la francophonie des Amériques, une organisation ayant pour mandat de promouvoir la francophonie et la langue française sur le continent.
« Il reconnaissait que la défense du fait français passait par une véritable complicité entre la société québécoise et les communautés francophones. Il était un grand complice (…). Il était beaucoup collectif, il a introduit ce nous collectif-là dans la politique du Québec à l’égard des communautés francophones et acadienne », explique Mme Roy.
Il verra aussi à la création du Conseil de la fédération, qui réunit l’ensemble des provinces et territoires canadiens sous un même chapiteau, lui qui avait affirmé croire fortement à l’affirmation d’un Québec fort au sein du Canada.
Il a joint l’Université d’Ottawa comme professeur en 1990, ayant même été le doyen de la Faculté de Droit entre 1996 et 1998. Il revient comme professeur de droit dans l’institution bilingue après son départ de la politique en 2008, et ce jusqu’à sa mort.
« Il avait une mémoire prodigieuse », raconte un de ses collègues à la Faculté de Droit, François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche sur le monde francophone en droits et enjeux linguistiques, et lui aussi constitutionnaliste comme l’ancien ministre
« Il emmagasinait des quantités faramineuses de jurisprudence et il pouvait sortir des arrêts et des références en pleine discussion comme ça. Une mémoire presque livresque », ajoute-t-il.
C’est aussi sous l’impulsion de Benoît Pelletier que les gouvernements du Québec et de l’Ontario se rapprochent dans certains dossiers. Par exemple, en 2006, les deux provinces signent une entente portant sur la mobilité de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction et sur la reconnaissance des compétences. Avant ça, les entrepreneurs québécois n’avaient pas accès à certains chantiers de construction en Ontario.
François Larocque se souvient d’une personne « extrêmement généreuse, un grand collègue sage, généreux de son temps » qu’il côtoyait lors de conférences ou de panels, ou tout simplement lors « de discussions de corridor ».
« Il était de l’époque où il préférait venir cogner à la porte plutôt que d’envoyer un courriel. Il disait : « As-tu cinq minutes? » et il s’assoyait et il me disait, « je travaille sur un article et voici ce que j’ai envie de dire ». On pouvait avoir des débats de fond de manière spontanée sur des questions qui m’intéressaient beaucoup. C’était une façon très collégiale de faire. »
Benoît Pelletier a été décoré comme membre de l’Ordre des francophones d’Amérique (2010) et de l’Ordre du Canada (2017). En 2011, il reçoit le Prix Boréal de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, qui reconnaît la contribution d’un individu à l’avancement, au développement et à l’épanouissement des communautés francophones et acadienne du Canada. Il a aussi reçu la Médaille d’honneur de l’Assemblée nationale, en plus de recevoir le titre de professeur émérite de l’Université d’Ottawa.