Décès de Pierrette Madore : « une grande sœur », « une mère », disent les artistes
VERNER – L’émotion est vive dans le milieu musical franco-ontarien au lendemain de l’annonce du décès de Pierrette Madore, originaire de Verner. L’archiviste, très présente sur les festivals depuis plus de 40 ans, s’est éteinte lundi de la semaine dernière.
Ému aux larmes, le chanteur Stef Paquette se souvient des cartables reçus de la part de Mme Madore.
« Elle avait des cartables où elle gardait les photos de nos festivals. C’était une époque où il n’y avait pas les cellulaires et les caméras numériques. Je recevais par la poste une lettre la plus random possible, tu l’ouvrais, et il y avait les photos de tes performances ou bien des articles. »
Festival de La Nuit sur l’étang, à Sudbury, Festival franco-ontarien ou encore Festival du Loup, Pierrette Madore, accompagnée par son mari Guy, était devenue un visage familier des différents événements culturels franco-ontariens.
« Elle connaissait plus sur les artistes que les artistes connaissaient sur eux-mêmes », résume l’artiste sudburois. « Je suis né en 1973. J’avais seulement un an quand, en 1974, elle a commencé à faire ses cartables. »
Et de conclure, les trémolos dans la gorge. « Elle faisait partie de la famille. »
Attachement fraternel et regrets éternels, c’est aussi le sentiment de Jacqueline Gauthier, ce lundi.
« Tous les artistes l’avaient adoptée. Elle était une petite sœur, une grande sœur, une mère… »
L’ancienne directrice générale de La Nuit sur l’étang garde un souvenir précis de son « amie Pierrette ».
« C’était en 2016 au festival, lorsque PAD a joué pour la dernière fois avec Robert Paquette, Marcel Aymar et Paul Demers. À ce moment-là, Paul Demers avait l’air excessivement fragile, il était très vulnérable. Pierrette et moi étions avec Joëlle Roy, mais nous avions compris que les chances pour pouvoir le revoir sur scène étaient alors très minces. »
Les prochains festivals ne seront pas les mêmes pour Mme Gauthier.
« Ça va faire drôle d’aller à la Nuit sur l’étang sans voir Pierrette. »
« Emblématique de cette culture vivace, accueillante et chaleureuse »
Au-delà du Nord de l’Ontario, beaucoup d’artistes ont aussi côtoyé l’archiviste franco-ontarienne. À commencer par l’Ottavien, Mehdi Cayenne.
« Quand je ferme mes yeux et que je pense à l’Ontario français, les images de Pierrette et Guy Madore me reviennent dans les premières. Ils sont emblématiques de cette culture vivace, accueillante et chaleureuse. »
Peu après son arrivée en Ontario, Mehdi Cayenne se souvient surtout de sa rencontre avec le couple, en 2005.
« Ils s’étaient montrés aussi gentils avec moi qu’ils pouvaient l’être avec des artistes établis comme Robert Paquette. Ils ne faisaient pas de différence. Depuis 15 ans, leur présence était constante dans ma carrière. Pierrette et son mari avaient cet amour de la culture, de l’art et de la langue. Il y avait toujours ce côté maternel, et quasi parental. »
Parmi les acteurs du milieu industriel franco-ontarien attristé ce lundi, le président de l’Association des rofessionnels de la chanson et de la musique (APCM), Daniel Sauvé.
« Le principal souvenir que je conserve de Pierrette est relié à mon début de carrière, après ma première Nuit sur l’étang avec mon band. À peine quelques semaines plus tard, je recevais chez moi un set de photos de ma prestation. Comment avait-elle trouvé mon adresse postale? Je ne l’ai jamais su. Elle était si débrouillarde et généreuse. Elle était partout tout le temps. »
Pierrette Madore avait d’ailleurs œuvré pour l’APCM à titre de bénévole.
L’enjeu de l’archivage sans Pierrette Madore
Le défi d’archivage se posera-t-il maintenant dans l’Ontario français?
« On va peut-être être un peu moins complet de ce côté-là, en espérant que son mari Guy soit encore assez en forme », concède M. Sauvé.
« Le fait qu’elle était tellement toujours aux événements, probablement même plus que notre association, était un atout. Souvent, ce n’est pas le premier réflexe pour l’APCM et les artistes d’archiver tous ces documents. »
Jacqueline Gauthier abonde dans le même sens.
« Ça ne sera pas évident. Il fut un temps où il y avait beaucoup d’articles dans les journaux. Maintenant, avec les médias sociaux, il devient beaucoup plus difficile d’archiver. »
Stef Paquette quelque peu inquiet trouverait « incroyable que le travail de toute une vie se perde ». « J’espère qu’un bureau va organiser toutes ces archives. »
La chanteur sudburois fait un parallèle entre cette année 2020 marquée par une actualité sombre et le décès de Pierrette Madore.
« Je trouve cela absurde qu’elle décède l’année où l’industrie musicale est morte. »