Déclin du français : la ministre Mulroney prise à partie

Caroline Mulroney et Guy Bourgouin. Montage ONFR+

TORONTO – « Qu’allez-vous faire pour arrêter l’hémorragie du déclin du français en Ontario », a interrogé ce jeudi en chambre le député néo-démocrate Guy Bourgouin, à l’adresse de Caroline Mulroney, ministre des Affaires francophones. Quand le déclin de la francophonie fait des remous à Queen’s Park.

Faisant écho aux récentes données de Statistique Canada sur le poids démographique déclinant des francophones au pays, le porte-parole de l’opposition officielle aux Affaires francophones, Guy Bourgoin, a reproché au gouvernement de sous-estimer ce recul et de ne pas réagir assez vigoureusement à cette tendance.

« Nous travaillons sur plusieurs dossiers pour renverser la courbe démographique de l’Ontario », a rétorqué Mme Mulroney, tablant entre autres sur l’immigration. « Nous utilisons tous les leviers à notre disposition. L’Ontario a par exemple toujours dépassé sa cible dans son Programme ontarien des candidats à l’immigration. »

La ministre en a profité pour relancer le gouvernement fédéral dans son soutien à la province, l’appelant à déléguer à l’Ontario plus de contrôle sur son processus d’attraction des immigrants économiques francophones. La province négocie en ce moment avec le ministère de l’Immigration des marges de manœuvre dans la sélection de travailleurs étrangers qualifiés. Le ministre en charge du dossier a récemment assuré à ONFR+ que les immigrants francophones figuraient parmi ses préoccupations, pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre.

Mme Mulroney a en outre incité le gouvernement fédéral à créer un corridor en immigration pour attirer des enseignants et des travailleurs en santé, deux secteurs en grave crise de ressources humaines. Ce n’est pas la première fois que l’idée de corridor en immigration est soulevée par la ministre Mulroney. Dans un rapport – le premier du genre – rendu public en avril dernier, elle mentionnait déjà cette piste qui permettrait selon elle de mieux cibler les candidats en fonction des besoins névralgiques de la province.

« Ce n’est pas le moment de faire de la politique », dit la ministre

Le député du Nord a énuméré en chambre plusieurs reculs depuis l’élimination du commissaire aux services en français : « le manque de communication en français de la santé publique durant la pandémie, le manque de services en français au ministère des Transports concernant les évaluations médicales dans les régions désignées ou encore l’impossibilité de déposer une plainte en français auprès de l’agence Ontario One Call, une alerte sécurité de la police provinciale dans mon comté uniquement en anglais. »

La ministre l’a alors accusé de « faire de la politique avec cette situation ».

« Ce n’est pas le moment de faire de la politique, mais de travailler ensemble pour mettre en œuvre des solutions qui vont aider à renverser ce déclin démographique », a-t-elle indiqué. Elle a défendu une partie de son bilan, soulignant la modernisation de la Loi sur les services en français, ainsi que la création et l’ouverture de l’Université de l’Ontario français, tout en rappelant que les données démontrant le déclin de la langue française ne touchent pas que l’Ontario mais tout le pays.

Les données révélées cet été par Statistique Canada ont jeté un froid à travers le pays. Le document indique que 3,4 % des Ontariens ont le français pour première langue officielle, contre 3,8 % en 2016. Depuis plus de vingt ans, cette proportion est en baisse constante.

Le nombre absolu de Franco-Ontariens est aussi au plus bas depuis 1996. 484 425 Ontariens disent utiliser le français comme première langue officielle parlée et 98 270 déclarent être bilingues.

Le gouvernement fédéral, qui contrôle la plus large part de l’immigration au pays, a refusé d’admettre sa responsabilité dans cette tendance.