Demandeurs d’asile à Cornwall : « un rendez-vous manqué » pour « un processus d’immigration déficient »
CORNWALL – Annoncée au début du mois de juillet, la fermeture du plus grand centre d’hébergement fédéral pour demandeurs d’asile de l’est de l’Ontario a été officialisée ce mercredi 31 juillet. Elle laisse son directeur et plus de 500 demandeurs d’asile dans l’incompréhension totale.
Dans une lettre d’opinion partagée mercredi, Jean-Pierre Poulin, le directeur du Centre Dev, qui hébergeait ces demandeurs d’asile, a fait part de son incompréhension et de sa colère face à ce qu’il qualifie « d’échec du processus d’immigration ».
« Hier, nous avons vu les premiers bus partir, soit pour Niagara ou Windsor, conduisant les demandeurs d’asile vers un avenir incertain. C’était déchirant à voir. Cela ressemble à un rendez-vous manqué pour les secteurs privé et public de collaborer et d’améliorer, voire de révolutionner, le processus d’immigration actuel et déficient, a-t-il écrit. Le Centre Dev était un incubateur d’idées innovantes, et sa fermeture abrupte représente une perte significative pour tous. »
L’annonce de la fermeture du centre au début du mois, suite à un simple appel téléphonique d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) « était une nouvelle particulièrement choquante » souligne Jean-Pierre Poulin dans sa missive vantant les mérites de son organisation. Il déplore aussi que la façon de procéder du fédéral n’ait laissé que moins d’un mois aux réfugiés pour trouver un logement avant la fermeture de l’établissement, en contexte de pénurie de logements dans la région.
« Notre solution intégrée a été saluée par de nombreuses personnalités politiques, des fonctionnaires, des pairs de l’industrie, et la très respectée Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). Tous avaient un point commun : ils se demandaient pourquoi plusieurs centres de ce type n’étaient pas reproduits dans le monde entier », argumente-t-il.
Des services inégalés dans l’est de l’Ontario
Le Centre Dev offrait un loyer gratuit (1 $) ainsi que des services d’éducation, de soins de santé et un programme de formation qui a fait ses preuves, selon Jean-Pierre Poulin . Sur l’ensemble des résidents du centre, 225 personnes, soit 50 %, avaient trouvé un emploi à Cornwall. Cette délocalisation représente un nouveau bouleversement dans la vie de ces réfugiés en quête de stabilité, soutient M. Poulin. Ce dernier critique la méconnaissance des réalités du terrain par les instances dirigeantes, dont le gouvernement fédéral.
« J’ai une question : si le Centre Dev offrait de tels avantages réels, pourquoi le fermer tout en gardant d’autres hôtels offrant un service minimum ouverts? Le Centre Dev est le seul centre de l’Est du Canada capable d’accueillir jusqu’à 1 000 personnes, ce qui pourrait offrir des économies d’échelle se traduisant directement par des coûts inférieurs par personne et une plus grande efficacité », vante M. Poulin.
Le ministère fédéral a expliqué sa décision de fermer le centre en signalant que la solution du Centre Dev à Cornwall était toujours soulignée auprès des demandeurs d’asile comme une solution de « nature temporaire ».
« Ainsi, on attend des demandeurs d’asile qu’ils cherchent un logement permanent pendant qu’ils sont hébergés par IRCC, et on les aide à le faire. Les demandeurs d’asile bénéficient de ressources et d’une assistance pour trouver un logement, un emploi, pour inscrire leurs enfants à l’école et d’autres nécessités, et sont censés devenir autonomes dès que possible », avait indiqué IRCC dans une déclaration à ONFR.
La fermeture du Centre Dev comme place d’accueil pour les demandeurs d’asile entraînera la perte de 70 emplois au sein du centre.
« Bien que nous acceptions et respections la décision du gouvernement, nous percevons un écart entre leurs politiques proposées et les réalités actuelles sur le terrain », reproche de son côté Jean-Pierre Poulin.
« Nous sommes sincèrement préoccupés par l’avenir de l’immigration dans notre pays. L’histoire a montré que lorsque l’immigration n’est pas gérée efficacement, cela peut conduire à une augmentation de l’itinérance, un autre problème pressant qui afflige nos villes », ajoute-t-il.