Déroute du Parti vert fédéral : soutiens en Ontario sur fond de divisions internes persistantes

Source: compte Twitter Parti vert du Canada

Une semaine après la déroute du parti lors des élections fédérales, l’annonce ce lundi de la démission de la chef du parti vert, Annamie Paul, sonne comme une évidence selon plusieurs spécialistes. Son départ après plusieurs mois de querelles internes, ne suffira néanmoins pas à redresser le parti qui doit régler ses divisions et proposer une vision qui trouve écho chez les Canadiens.

« Ça suffit, je n’ai plus la force de continuer », a-t-elle lancé hier. « Je n’ai plus la force de continuer à subir les attaques, les attaques dans notre parti, les attaques de nos conseillers, d’anciens chefs de notre parti envers notre conseil », déplore-t-elle lors d’une déclaration publique à la presse canadienne.

Nommé le 3 octobre 2020, Annamie Paul était la première femme noire à diriger un parti politique fédéral. Grâce au soutien de l’ancienne chef Elizabeth May, elle avait réussi à obtenir les 12 090 voix qui lui avaient permis de ravir la chefferie du parti.

Annamie Paul, ex-cheffe du parti vert. Source : Parti vert de l’Ontario

Depuis son élection, elle avait été le sujet de vive critique de la part des membres de son parti politique. Durant son point de presse, Annamie Paul elle a dit avoir mener une « lutte terrible » pour répondre aux attentes du parti.

« Quand j’ai été élue et mise dans ce rôle, je brisais un plafond de verre. Ce que je n’ai pas réalisé à l’époque, c’est qu’il allait tomber sur ma tête, laissant des éclats de verre sur lesquels je devrais ramper pendant mon temps en tant que leader. »

Face à cette annonce, plusieurs membres du parti ont apporté leur soutien à l’ancienne chef du parti.

Qualifiant son leadership d’audacieux, Mike Schreiner, chef du Parti vert en Ontario à salué « son engagement à bâtir une ville de Toronto, un Ontario et un Canada plus verts, équitables et bienveillants ».

« Je ne peux pas parler au nom du parti fédéral, mais je reconnais que le parti que je dirige a plus de travail à faire pour lutter contre le racisme systémique. Je m’engage à faire le travail acharné pour construire un parti qui est diversifié, inclusif et accueillant », a-t-il fait valoir.

Mike Schreiner, chef du Parti vert de l’Ontario. Archives ONFR+

Une opinion partagée par Mike Morrice, un des deux seuls députés verts élus lors du dernier scrutin fédéral. L’élu de Kitchener-Centre a aussi félicité le travail de l’ex-chef du parti pour son travail en dépit des barrières auxquelles elle a été confrontée.

« En tant que première dirigeante juive noire élue pour servir un parti fédéral, sa présence sur la scène nationale a inspiré d’autres à s’impliquer. Elle a mené une puissante campagne qui a réussi à présenter une liste de candidats beaucoup plus diversifiée que lors des élections fédérales de 2019. »

Des divergences idéologiques de plus en plus profondes

Pour Peter Graefe, professeur adjoint au département de sciences politiques de l’université McMaster, la démission d’Annamie Paul était une évidence compte tenu de sa piètre performance aux élections.

« Du point de vue de Mme Paul, cela [sa démission] prouve qu’elle n’a pas l’appui moral du parti pour continuer comme chef. Elle a quand même pu faire réélire les députés qui étaient en poste lors du déclenchement de la campagne électorale, mais en même temps le Parti vert a perdu beaucoup de votes (…). On a vu qu’elle n’était pas capable de faire campagne au-delà de sa propre circonscription », explique-t-il

D’après lui, la nomination de Mme Paul a créé une division idéologique au sein du parti. D’un côté, Elizabeth May et ses partisans voulaient, avec la nomination de cette dernière, créer un parti vert libéral, progressiste, mais tout de même assez centriste qui aurait été à l’image du NPD.

De l’autre côté, on a observé une poussée d’une vision écosocialiste. Celle-ci reposait sur un changement profond du système économique en vue d’assurer la valorisation des intérêts écologiques. Cette vision plus gauchiste a fractionné le parti en deux factions dont les répercussions vont continuer à se faire ressentir après la démission de Mme Paul.

Graefe Peter, professeur adjoint au département de sciences politiques de l’université McMaster. Gracieuseté

« Suite à sa victoire, Mme Paul n’a pas pu rallier son parti à sa position. Elle a essuyé plusieurs critiques internes. Il sera donc difficile pour le prochain chef de trouver un terrain d’entente entre les deux visions », relate M. Graefe.

«  De plus, si elle a raison, il y aurait beaucoup de problèmes d’antisémitisme et de racisme au sein de son parti, ce qui a rendu la chose plus difficile pour elle », ajoute-t-il

La nécessité de se réinventer

« On pourrait commencer à poser la question, est-ce que l’on a besoin d’un Parti vert? On voit quand même que tous les grands partis ont quand même eu des plateformes électorales donnant une place assez importante aux enjeux écologiques. On sait aussi que se sont des questions déterminantes pour bon nombre d’électeurs, mais, a-t-on besoin d’un parti politique pour organiser cet électorat vert? Ne peut-il pas s’organiser lui-même par d’autres voies? », questionne le politologue de Hamilton.

Pour lui, il est nécessaire que le parti définisse clairement sa vision et sa portée à long terme s’il souhaite maintenir l’électorat qu’il possède déjà.

« C’est un parti qui doit décider quelle vision il veut épouser sur le long terme. Pour se relancer, il faudrait connaître l’apport du parti dans la scène politique actuelle. Il serait judicieux de réduire la portée et de perdre certains sympathisants pour se réinventer sur des bases un peu plus solides », analyse-t-il.

Même si la situation est instable, le député Mike Morrice reste quant à lui confiant en l’avenir du Parti vert.  

« Je suis optimiste quant à l’avenir du parti. Tout de même, je reconnais que le parti a du travail à faire pour continuer à identifier et à éliminer le racisme systémique qui existe au sein de notre organisation et dans l’ensemble du pays », conclut-il.