Entente avec l’Université d’Ottawa : des cours offerts à l’Université de Sudbury dès 2025
SUDBURY – Moins d’un an après avoir essuyé un refus du gouvernement Ford, la situation évolue dans le dossier de l’Université de Sudbury. L’établissement a annoncé qu’il signera un protocole d’entente avec l’Université d’Ottawa, qui lui permettra d’offrir une programmation à Sudbury dès septembre 2025.
« Il y a presque trois ans jour pour jour, le conseil de gouvernance de l’Université de Sudbury a pris l’audacieuse décision de retourner à ses sources pour redevenir un établissement de langue française du par et pour », a lancé Serge Miville, recteur et vice-chancelier de l’Université de Sudbury en début de conférence.
Et d’annoncer « un partenariat en ce sens avec l’Université d’Ottawa dont l’objectif est d’augmenter l’accès à l’enseignement universitaire de langue française dans la région du Grand Sudbury », sous les applaudissements de la salle. Selon le recteur Serge Miville, son homologue de l’Université d’Ottawa aurait été « l’un des premiers leaders universitaires à discuter avec l’Université de Sudbury pour trouver une solution ».
« Parmi les nombreux programmes qui seront annoncés prochainement figureront des parcours qui permettront à l’Université de Sudbury de rétablir sa conformité en vertu de sa désignation sous la Loi sur les services en français », a-t-il continué. Si les détails sur l’offre de cours ne sont pas encore disponibles, celui-ci assure qu’il s’agit de « programmation qui n’est pas disponible dans la région et pour répondre aux besoins du marché du travail du Nord-Est de l’Ontario ».
Optimisation des ressources, économies d’échelle, approche novatrice… autant de termes employés par l’ex-historien pour qualifier ce partenariat qu’il considère « jeter les bases d’un nouveau modèle de coopération ». Ce partenariat fera en sorte que les étudiants pourront obtenir des crédits des deux établissements sans besoin d’équivalence.
Le recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa (U d’O), Jacques Frémont, a ensuite pris la parole en expliquant qu’il s’agit d’un modèle « gagnant-gagnant » pour les deux établissements et a rappelé que son université a déjà collaboré avec l’établissement sudburois entre 1916-1927 : « Un siècle plus tard, nous nous remettons à travailler ensemble pour faire une différence. »
Il a alors évoqué le rapport Harrison, commandé par le gouvernement de Doug Ford et publié en novembre 2023, lequel émettait une recommandation allant dans le sens de ce partenariat, et citait déjà l’idée d’un consortium chapeauté par l’établissement de la capitale.
Un long chemin
Le recteur Miville a confié à ONFR qu’il travaille sur cette négociation depuis près d’un an, soit avant même la décision de refus du gouvernement provincial : « Ça a toujours été dans notre plan d’établir des partenariats stratégiques avec des établissements de langue française, des établissements bilingues ou même de langue anglaise. »
Selon lui, cette solution de passer par un partenariat n’est en rien contradictoire avec l’autonomie complète de l’université. « On n’est pas en train de se fédérer, on n’est pas en train de s’affilier, on est en train d’offrir des programmes, des crédits et des cours enseignés par les professeurs de l’Université de Sudbury, donc ça maintient pleinement le par et pour », clame-t-il.
Interrogé sur les craintes éventuelles quant à la santé financière de son établissement après la missive envoyée à la communauté et qui révélait « un sous-financement chronique de 50 millions de dollars » pour le volet francophone, le recteur Frémont se veut rassurant.
« Il y a un défi de financement et de viabilité mais j’ai espoir que notre partenaire, l’Université de Sudbury, sera capable de convaincre les gouvernements de la soutenir », a-t-il indiqué. Et de continuer : « Il n’est pas question qu’on perde de l’argent ni en faire. On est là pour véritablement étendre la mission francophone. »
Le recteur Serge Miville a fait savoir qu’il reste du travail à faire, mais se dit optimiste quant à une réponse favorable du gouvernement pour une demande de financement avec cette nouvelle proposition, car il existe, selon lui, un précédent avec les institutions autochtones. La présence, dans la salle, du sous-ministre adjoint Pomerleau a été soulignée durant la conférence comme étant un signal positif d’un engagement futur du gouvernement conservateur.
Des précisions sur la configuration de ce partenariat seront divulguées dans les prochains mois après finalisation des discussions, notamment, entre les deux Sénats des universités.
Des réactions mitigées
La Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française (CNOUF), n’a pas caché son amertume devant la nouvelle : « Ce n’est pas ce que la communauté exigeait. Ce n’est pas ce que la communauté mérite. On va dire que c’est un gain mais on échange une institution bilingue, l’Université Laurentienne, pour une autre institution bilingue, l’Université d’Ottawa. »
« C’est loin d’être une université de langue française par pour et avec les francophones du Nord de l’Ontario. Mais encore une fois, le gouvernement ne nous a pas donné ce qu’on méritait. Alors la communauté est obligée de s’organiser autrement », déplore Denis Constantineau, porte-parole de la CNOUF.
Même son de cloche chez Geneviève Tellier, professeure à l’Université d’Ottawa, qui a réagi sur X (ex-Twitter) : « Ceci est un recul important du principe « par et pour » les francophones en Ontario. Comment se fait-il que l’AFO cautionne ceci? »
Peter Hominuk, directeur de l’AFO, se dit, au contraire, ravi de cette annonce et ne pas avoir d’inquiétude quant à l’autonomie réelle de l’Université de Sudbury laquelle sera assurée par le Sénat.
L’organisme francophone s’était pourtant montré très critique lors des révélations du rapport Harrison. « Il n’y a pas de revirement », répond-il en disant que l’AFO était favorable à un partenariat tant qu’il unirait deux universités autonomes. Il est confiant que cette entente participera à régler les problèmes de pénurie de main-d’œuvre dans le Nord.
La députée de Nickel Belt, France Gélinas, anticipe des craintes de la part des habitants de sa circonscription qui risqueraient, selon elle, de ne pas voir une distinction entre ce partenariat avec une université bilingue et la fédération avec l’Université Laurentienne qui avait fini par faire faillite en 2021.
« Est-ce qu’on est à notre but final? Non, le but final c’est que le gouvernement provincial prenne ses responsabilités et finance l’Université de Sudbury, point à la ligne, juge-t-elle. Pour l’instant, on a gardé l’Université de Sudbury en vie. » Mme Gélinas ajoute qu’elle interpellera la ministre des Collèges et Universités, Jill Dunlop, dès son retour à Queen’s Park lundi pour du financement pour cette entente.
Avec les informations de Pascal Vachon.
Une première version publiée jeudi 14 mars, laissait penser que les cours en question auraient été donnés directement par l’Université d’Ottawa, et non par l’Université de Sudbury. Or, cette dernière offrira les cours, les ressources, et procédera à l’embauche des professeurs. Nous nous excusons pour cette confusion.