Le campus de l'Université d'Ottawa.
Le campus de l'Université d'Ottawa. Archives ONFR+

OTTAWA – Le nombre d’étudiants francophones à l’Université d’Ottawa a bondi en nombre et en proportion cette année alors qu’ils sont désormais de retour au-dessus de la barre du 31 %, et ce dans la plus importante institution universitaire bilingue canadienne. Cette hausse est fortement attribuable à la clientèle internationale qui a augmenté d’un peu moins que 400 % en une décennie.

Avec 31,45 % d’étudiants francophones en septembre 2023, l’Université d’Ottawa (U d’O) surpasse de peu sa plus haute proportion de francophones depuis 2014.

Ce regain de l’effectif francophone n’est toutefois pas attribuable à la clientèle canadienne. En 2014, il y avait 890 étudiants internationaux francophones alors qu’ ils sont aujourd’hui 4374, ce qui représente une hausse de 391 %. Le nombre de Canadiens francophones est, de son côté, en pente descendante. Alors qu’ils étaient autour de 12 000 en 2014, ils sont en moyenne autour de 10 600 ces dernières années.

En comptant les études supérieures et de premier cycle, l’effectif total de l’U d’O grimpe en 2024 à 48 259 alors qu’il était de 42 672 en 2014, une croissance de 14 %. Cette augmentation est principalement due à l’arrivée, en une décennie, de près de 6000 étudiants internationaux (+150 %), dont plus de la moitié sont francophones.

« Dans les programmes en français, il y avait un peu de places, donc on s’est permis de faire un meilleur recrutement », explique Yves Pelletier, le vice-recteur associé à la Francophonie au sein de l’établissement bilingue.

Ce dernier relate qu’au cours des dernières années, l’U d’O a signé des ententes avec des pays africains, en plus de recruter des étudiants du Cameroun, du Bénin, du Rwanda et du Congo notamment, ce qui explique ainsi l’afflux de nouveaux francophones.

« Ce n’est pas qu’on est plus présent dans certains pays maintenant. L’Université d’Ottawa s’est dotée d'une stratégie, autour de 2018, qui la positionne à l’international et par conséquent, on peut aller chercher plus d’étudiants francophones », affirme-t-il en entrevue.

Quel avenir pour les programmes en français?

En vertu d’une désignation partielle de la Loi sur les services en français, depuis 2016, l’Université d’Ottawa est dans l’obligation d’offrir des programmes de premier cycle en français dans l’ensemble de ses facultés, sauf celles de génie et des sciences.

Il plane toutefois un nuage noir sur la mission francophone de l’institution bilingue, alors que son recteur Jacques Frémont mentionnait en janvier dernier dans une missive envoyée à la communauté, « un sous-financement chronique de 50 millions de dollars » pour le volet francophone. Dans un mémoire destiné à un groupe d’experts du postsecondaire provincial, l’établissement demandait à l’Ontario de revoir sa subvention à la hausse avec « une formule de financement qui reflète le coût réel des formations en français ».

« Le financement de la province pour la francophonie n’a pas augmenté au cours des 20 dernières années, renchérit M. Pelletier. Avec un manque de financement pour l’Université d’Ottawa et pour son volet francophone, les budgets de l’université deviennent de plus en plus serrés. »

La clientèle internationale à la baisse?

À cela s’ajoute l’annonce du fédéral, d’il y a quelques semaines, qui décrétait un plafond à 360 000 du nombre de nouveaux étudiants étrangers admis au Canada en 2024, une réduction de près de 50 % pour l’Ontario.

« C’est encore trop tôt pour savoir quelle va être l’image à l’Université d’Ottawa pour les étudiants internationaux. La masse critique ne va pas diminuer au cours de l’année, mais c’est au cours des quatre prochaines années, où il y aura quatre cycles d’admissions où l’on pourra voir un plus faible taux d’étudiants internationaux », indique Yves Pelletier.

Yves Pelletier, vice-recteur associé au cabinet de la Francophonie de l'Université d'Ottawa. Gracieuseté

C’est le gouvernement Ford qui devra désormais départager le nombre de permis d’études entre collèges et universités, en fonction du nombre de places qui sera alloué par le fédéral à chaque province.

Le nouveau mécanisme rendra plus compliqué le recrutement, estime le vice-recteur, car une institution ne pourra pas transférer une lettre d’acceptation auprès d’un étudiant étranger, tant et aussi longtemps que celui-ci n’aura pas obtenu une réponse concernant sa demande de permis d’étude.

« Certaines provinces ont répondu au fédéral avec leur stratégie, mais on attend toujours que la ministre Jill Dunlop confirme les modalités pour les étudiants internationaux (…). On a fait valoir, auprès des gouvernements fédéral et ontarien, l’importance des étudiants internationaux francophones et leur importance vis-à-vis de la stratégie de hausser l’immigration francophone en contexte minoritaire », a-t-il expliqué.