Des solutions pour les circonscriptions acadiennes néo-écossaises

Crédit image: Élections Canada

HALIFAX – La Nouvelle-Écosse réfléchit aux différentes solutions pour assurer la représentativité de la communauté acadienne à l’assemblée législative. Plusieurs pistes s’offrent à la Commission de délimitation des frontières électorales, qui devra tenir compte de la décision de la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse de janvier 2017.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Le retour des circonscriptions acadiennes « protégées » est la solution privilégiée par la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) qui souhaite le rétablissement des circonscriptions de Clare, Argyle et Richmond.

« C’est le modèle le plus simple à mettre en place et à comprendre pour les électeurs qui le connaissent déjà. Il est accepté par la majorité et a fait ses preuves pour les Acadiens. Sa faiblesse réside toutefois dans le fait qu’il ne les représente pas tous, notamment ceux de Chéticamp ou de Halifax-Dartmouth », analyse le politologue de l’Université Simon Fraser de Vancouver, Rémi Léger, qui a cosigné un mémoire auprès de la commission néo-écossaise sur la représentativité effective avec Linda Cardinal et Martin Normand, de l’Université d’Ottawa.

La FANE a prévu le coup pour Chéticamp puisqu’elle milite pour la création d’une quatrième circonscription acadienne protégée. Mais pour M. Léger, un autre problème demeure.

« Il faut arrêter de parler de « circonscriptions acadiennes protégées », car avec ce système, tous les citoyens votent dans ces circonscriptions, ce qui veut dire que rien ne garantit qu’on y aura toujours un député acadien. »

Autre problème, le déplacement de population vers les villes qui vide ces circonscriptions et pourrait menacer à long terme leur pertinence. C’est d’ailleurs cette logique mathématique, afin de rendre les circonscriptions néo-écossaises plus harmonieuses, qui avait motivé l’abolition des circonscriptions acadiennes « protégées » par le gouvernement néo-démocrate de Darrell Dexter en 2012.

 

Circonscriptions non contiguës

Bien que la FANE a refusé la demande d’entrevue d’#ONfr, l’organisme s’est déjà prononcé contre cette option qui consisterait à créer des circonscriptions non pas selon des critères géographiques, mais en regroupant dans un certain nombre de circonscriptions les régions où se trouve une majorité d’Acadiens.

« Dans ce cas-ci, on pourrait vraiment parler de circonscriptions protégées puisqu’elles regrouperaient majoritairement des électeurs acadiens », remarque M. Léger. « De plus, ce système permettrait de tous les représenter. »

Mais tout n’est pas forcément parfait avec ce système.

« Ce qu’on peut reprocher, c’est que les circonscriptions ainsi créées regroupent des régions éloignées. Elles sont donc plus grandes, ce qui peut être un défi pour un élu. De plus, la réalité peut être différente d’une région à l’autre. »

Une telle option ne garantit pas non plus aux Acadiens d’avoir au moins trois circonscriptions, comme précédemment.

 

Cartes électorales superposées

La Nouvelle-Écosse pourrait autrement s’inspirer de ce qui se fait en Nouvelle-Zélande où deux cartes électorales coexistent : une pour la population générale et une pour le peuple maori.

« Les électeurs maoris ont le choix de s’inscrire sur la liste électorale générale ou sur la liste maorie. Ils votent ensuite sur la carte électorale de leur choix. C’est un système qui peut être intéressant en Nouvelle-Écosse si tous les Acadiens s’identifient comme tels, mais si ce n’est pas le cas, cela peut conduire à avoir moins de circonscriptions. Le risque, c’est que les électeurs préfèrent voter pour un député local, plutôt que sur une  des grandes circonscriptions de la carte électorale acadienne. »

Pour M. Léger, il s’agit toutefois du modèle le plus ambitieux qui garantirait une représentation acadienne à long terme, peu importe les mouvements de population.


« On pourrait imaginer une carte électorale acadienne qui se diviserait en quatre grandes circonscriptions : Cap-Breton, la grande région d’Halifax et deux autres à déterminer. » – Rémi Léger, politologue


L’idée semble en tout cas séduire certains Acadiens, dont la directrice générale du Conseil des arts de Chéticamp, Joeleen Larade.

« Cela nous garantirait un certain nombre de sièges acadiens et garantirait à tous les Acadiens le droit de voter pour un de leurs représentants », explique-t-elle à #ONfr. « Pour nous, à Chéticamp, dès qu’on veut parler au gouvernement ou à notre député, c’est forcément en anglais. Là, on pourrait parler à quelqu’un qui nous comprend, sans avoir à tout lui réexpliquer après chaque élection. »

Mme Larade milite également pour que ces élus acadiens soient non affiliés à un parti politique.

« Cela permettrait qu’ils choisissent, selon les enjeux, ce qui est le mieux pour les Acadiens. »

 

Les Acadiens, pas le seul enjeu

Difficile de savoir l’option que choisira la Commission de délimitations des frontières électorales. Mais le politologue de l’Université Simon Fraser rappelle que la représentation acadienne n’est pas le seul enjeu qui se joue actuellement.

« La province cherche aussi à assurer la représentativité de la communauté afro-néo-écossaise, qui avait elle aussi une circonscription « protégée », et des Mi’kmaq. Il va donc falloir trouver une solution qui fonctionne pour les trois communautés et ce ne sera pas forcément idéal pour les Acadiens, car ces deux communautés sont très dispersées. »

 

 


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