Deux Franco-Ontariens gagnants aux Prix littéraires du Gouverneur général
OTTAWA – Le Conseil des arts du Canada a dévoilé ce mercredi les gagnants des Prix littéraires du Gouverneur général. Deux auteurs franco-ontariens sont couronnés. Il s’agit de Marie-Hélène Poitras pour son recueil de nouvelles Galumpf et de Philippe Bernier Arcand pour son essai Faux rebelles : les dérives du politiquement incorrect.
Marie-Hélène Poitras habite Montréal, mais est native d’Ottawa. Galumpf lui vaut le Prix littéraire du Gouverneur général dans la catégorie Romans et nouvelles. Jointe au téléphone, l’autrice se dit particulièrement fière, tout en restant humble.
« C’est un rêve secret pour beaucoup d’écrivains. Mais c’est un jury de pairs, ce sont des écrivains qui attribuent ce prix. Si ça avait été trois autres écrivains (que ceux sur le jury), ça aurait probablement été à une autre personne. Il y a tout un alignement des étoiles et j’en suis consciente. Mais quelle immense fierté, quelle joie! »
Marie-Hélène Poitras témoigne aussi de son bonheur d’avoir gagné ce prix pour un recueil de nouvelles. « C’est un genre parfois un peu boudé par les lecteurs et les éditeurs, mais qui est vraiment dans l’ère du temps. Les nouvelles, ce sont des petits concentrés d’intensité. Ce sont des textes dans lesquels les auteurs peuvent se permettre de prendre des risques. » Elle souligne que c’est aussi un recueil de nouvelles qui a remporté le prix équivalent en anglais. Il s’agit de Chrysalis, de Anuja Varghese, une autrice d’Hamilton.
La nouvelle qui a donné son titre au recueil, Galumpf, raconte le moment où Marie-Hélène Poitras a pu revisiter sa maison d’enfance, à Aylmer, après que ceux qui avaient acheté la propriété soient allés la rencontrer au Salon du livre de l’Outaouais.
« Je me sentais comme une géante dans une maison de poupée. C’est vraiment une expérience de vie très particulière », explique l’écrivaine. Elle qualifie Galumpf de nouvelle fondatrice, puisqu’elle y revisite les premiers moments qui l’ont menée à l’amour de la littérature.
Selon la Franco-Ontarienne, grandir dans une société bilingue a posé la base d’une curiosité pour l’apprentissage des langues et la façon dont on peut jouer avec les mots. C’est aussi à Aylmer qu’elle a découvert son amour des chevaux, qu’on retrouve un peu partout dans son œuvre.
Ses deux passions se succèdent dans sa vie. « Il y a des périodes où j’ai plus accès à l’une qu’à l’autre. En ce moment, il pourrait y avoir plus de chevaux dans ma vie, mais l’écriture est très présente. »
Renverser les codes
Dans la catégorie Essais, c’est le Franco-Ottavien Philippe Bernier Arcand qui remporte le Prix littéraire du Gouverneur général cette année. Au micro d’ONFR, il s’est dit « agréablement surpris » de cette nouvelle.
« Quand on écrit un essai, évidemment, c’est pour partager sa réflexion, qu’on juge importante. Donc, ce que je trouve intéressant de ce prix-là, c’est qu’il risque de donner un second souffle à mon livre. »
Le professeur à temps partiel à l’Université Saint-Paul explique le constat qui a mené à Faux rebelles : les dérives du politiquement incorrect. « J’ai remarqué que des groupes à l’extrême droite reprenaient les codes de la rébellion (contre l’autorité, les puissants, les dominants) qu’on voyait, depuis la Deuxième Guerre mondiale, au sein des groupes de gauche. »
Par exemple, le mouvement hippie des années 1960 s’opposait à des institutions comme la famille, l’Église ou l’école. La rébellion réclamait alors plus de liberté pour les minorités.
« Et aujourd’hui, on voit des gens qui reprennent ces mêmes codes-là, mais qui vont plutôt s’opposer à ces combats-là. (…) Ils s’opposent toujours à une autorité, mais une autorité représentée par ce qu’ils appellent le politiquement correct, la bien-pensance, les donneurs de leçons. »
Et cette nouvelle autorité est plus difficile à saisir, selon Philippe Bernier Arcand. « C’est particulier de s’opposer au politiquement correct parce que personne, absolument personne, ne va se revendiquer du politiquement correct, parce que c’est connoté négativement. Autrement dit, on est en rébellion contre un ennemi imaginaire. On se bat contre des moulins à vent, mais c’est en revanche très efficace pour brouiller les pistes. »
S’il est lui-même Franco-Ontarien, Philippe Bernier Arcand ne souhaite pas apposer d’étiquette sur son ouvrage, qu’il veut universel. Néanmoins, « il est indéniable que j’ai écrit mon livre à Ottawa. Je pense qu’on peut le deviner à travers les pages. » Il appuie entre autres ses propos sur le convoi de la liberté qui a secoué la capitale en 2022. Il donne aussi des exemples de ce qu’il qualifie « d’excès politiquement corrects », dénoncés avec raison, comme l’histoire d’un cours de yoga qui a dû être annulé à l’Université d’Ottawa pour éviter l’appropriation culturelle. « Cela part de bonnes intentions, mais est fait avec excès et dessert la cause. »
Au milieu de ces discours à l’opposé les uns des autres, Faux rebelles veut lancer un appel à la vigilance. Car les revendications paraissent « relativement bien, semblent relever du gros bon sens. Mais quand on gratte un petit peu, on se rend compte que c’est plutôt de l’intolérance. »
Philippe Bernier Arcand assure que son essai s’adresse à tous les types de lecteurs, car il invite à réfléchir sur un phénomène qui touche l’ensemble de la population. « Je ne prétends pas pouvoir expliquer notre société. Je fais simplement une observation et cette observation, en revanche, j’essaie de l’expliquer. »
Les gagnants des Prix littéraires du Gouverneur général empochent 25 000$ chacun. Les maisons d’édition Alto (Galumpf) et Poètes de brousse (Faux rebelles) se voient octroyer un montant de 3000$. En tant que finalistes, plusieurs autres Franco-Ontariens ont remporté 1000$ chacun.