Dossier climat : ciel orageux au-dessus de Doug Ford
Il est vrai que les critiques envers la politique gouvernementale vis-à-vis de la protection de l’environnement dans la province ne datent pas d’aujourd’hui. Toutefois, avec le procès intenté au gouvernement Ford par sept jeunes ontariennes qui se déroule en ce moment, on est passé des mots à l’action en justice, soit une première historique en Ontario. Pourquoi on est-on arrivé là? Le bilan des progressistes-conservateurs en la matière justifie-t-il ce recours, d’autant plus que l’accusation est des plus graves : hypothéquer l’avenir des jeunes ontariens?
À l’heure de l’écriture de ces lignes, les deux parties en conflit, à savoir le groupe Ecojustice représenté par sept jeunes ontariennes et le gouvernement de Doug Ford, attendent le jugement que devrait rendre sous peu la Cour supérieure de l’Ontario.
« Il s’agit d’une affaire très importante qui, espérons-le, obligera le gouvernement à reconnaître qu’il a la responsabilité d’agir sur les changements climatiques afin de protéger l’avenir des jeunes, y compris de ceux qui n’ont pas encore l’âge de voter », juge Keith Stewart, analyste sénior en énergie chez Greenpeace Canada.
Le chef d’accusation? Le déficit en matière d’intégration du changement climatique dans la gestion des affaires de la province, ce qui a pour effet, selon Ecojustice, « d’hypothéquer » l’avenir des sept plaignantes et par la même, celui de toutes les générations ontariennes à venir.
La démonstration que tente d’établir Ecojustice réside dans le lien entre l’avenir incertain de la santé physique et mentale de ses clientes et l’inaction du gouvernement concernant la diminution de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. Ces dernières étant les principales responsables des catastrophes naturelles telles que les inondations, les feux de forêt ou encore la sécheresse dont la fréquence s’est accélérée dans la province durant la dernière décennie.
Accusation non fondée, selon la défense
Contacté au sujet du bien-fondé ou non de cette accusation, le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des parcs s’est abstenu de répondre à cette question.
« L’Ontario a réalisé plus de réductions de gaz à effet de serre que toute autre province ou territoire au pays. Sous la direction du premier ministre Ford, l’Ontario a fait des investissements majeurs dans l’énergie verte propre, le transport en commun et les véhicules électriques. Cela comprend une contribution allant jusqu’à 500 millions de dollars à ArcelorMittal, ce qui entraînera des réductions d’émissions de CO2 équivalant à retirer près d’un million de voitures de la circulation », préfère répondre Phillip Robinson du cabinet du ministre de l’Environnement.
Et d’ajouter : « Nous avons également mis en place des mesures ciblées à l’avant-garde du pays, comme l’augmentation de la quantité du carburant renouvelable dans l’essence ordinaire à 15 %, ce qui équivaut à retirer 300 000 voitures supplémentaires de la circulation chaque année. »
Pour connaître la position du gouvernement sur la question, il faut donc assister aux audiences où la position de ce dernier est on ne peut plus claire : cette requête est tout simplement irrecevable et n’a pas sa place devant un tribunal, puisque celui-ci n’a pas les compétences requises pour statuer sur une affaire qui tombe dans l’escarcelle des politiques publiques. C’est, en tout cas, ce qu’a argué la défense dès la deuxième audience.
« Le gouvernement Ford est le plus anti-environnemental de l’histoire de l’Ontario »
De son côté, l’organisation non gouvernementale Greenpeace n’a pas manqué de fustiger l’équipe au gouvernail de la province.
« Le gouvernement Ford est le gouvernement le plus anti-environnemental de l’histoire de l’Ontario. Lorsqu’il a été élu, le premier point de son programme a été de démanteler le plan d’action climatique de l’Ontario. Il a ensuite contesté l’action climatique fédérale devant la Cour suprême et a perdu », rappelle Keith Stewart.
Et de conclure : « Depuis lors, le gouvernement Ford n’a fait que ce que le gouvernement fédéral a pu le forcer à faire, ou ce que le gouvernement fédéral aidera à payer, comme soutenir la fabrication de véhicules électriques ou l’acier vert. »
Même couleur, même accord de violon du côté du Parti vert de l’Ontario qui dresse la liste des « faux pas » du gouvernement depuis son accession au pouvoir.
« Après son entrée en fonction en 2018, le gouvernement Ford s’est immédiatement mis au travail. Il a supprimé le programme de plafonnement et d’échange de réduction des émissions de l’Ontario, annulé 758 projets d’énergie renouvelable, mis fin aux programmes incitatifs pour les véhicules électriques et à hydrogène, réduit le Fonds pour l’Ontario vert, réduit le financement des infrastructures cyclables, refusé d’adhérer au régime national de taxe sur le carbone et abaissé considérablement les objectifs de réduction des émissions de carbone de la province », recense la communication du parti.
Au-delà des querelles politiciennes, des faits incontestables de par leur caractère scientifique sont là pour témoigner de l’urgence de la situation. Pour ne citer que cette étude, le rapport dit Bush et Lemmen fait état d’un climat au Canada qui se réchauffe à un rythme presque deux fois plus élevé que la moyenne mondiale.
Le même document établit que la température annuelle moyenne de l’Ontario a augmenté de 1,3 °C en seulement 68 ans, période durant laquelle les précipitations annuelles moyennes ont augmenté de 9,7 %. Et cela ne va pas s’arrêter là, car les auteurs du rapport mettent l’accent sur le fait que les risques que représente aujourd’hui le changement climatique au Canada en général et en Ontario en particulier deviendront encore plus importants à court et moyen terme.