Seulement à MonAvenir et Viamonde : 6,7 millions ou 64 postes à couper
TORONTO – Les conseils scolaires francophones du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario font face à un choix déchirant : faire disparaître près de 70 postes d’enseignants dans leurs classes ou couper ailleurs dans leurs activités, a appris ONFR+. Pour la première fois, des conseils scolaires francophones confirment l’étendue des coupes budgétaires menée par le gouvernement Ford dans le milieu de l’éducation.
Les chiffres se faisaient attendre, ils sont maintenant connus et témoignent de l’ampleur des coupes budgétaires dans le secteur éducatif francophone. Le conseil scolaire catholique MonAvenir confirme que 40 postes de professeurs sont en jeu, alors qu’il y en a une trentaine concernés au conseil publique Viamonde.
« Est-ce qu’on coupe des services, dans l’administration ou la formation, pour maintenir assez d’enseignants pour que nos écoles demeurent viables? C’est la grande question. On doit s’assurer de tout faire pour ne pas contribuer aux facteurs d’assimilation », lance André Blais, du conseil scolaire MonAvenir.
Doug Ford force son conseil à trouver 4,2 millions de dollars en économies, seulement cette année. Le montant avoisine les 2,5 millions dans les écoles publiques de Viamonde, selon des documents financiers obtenus par ONFR+. Les autres conseils scolaires de la province font présentement face à la même situation, même si le nombre de postes affectés n’est pas encore connu.
À Viamonde, ce branle-bas de combat force le conseil à couper l’équivalent de 22 postes de professeurs, soit l’équivalent de 3 % de ses effectifs en enseignement. Mais des postes d’éducatrices à la petite enfance, au moins deux, et de directeurs-adjoints d’école vont aussi être éliminés ou transformés, selon une source au sein du conseil. Viamonde a préféré ne pas commenter le dossier pour l’instant.
Les deux conseils scolaires font cependant tout en leur possible pour plutôt dénicher des économies dans leur structure qui permettraient de ne pas toucher aux postes d’enseignants ou à la qualité de l’enseignement en classe. Fait à noter : les deux conseils scolaires sont en expansion ce qui pourrait permettre à certains employés d’être transférés dans ces nouveaux établissements, s’ils perdaient leur emploi.
« C’est impensable qu’on coupe 40 postes d’enseignants! Le quatre millions, on va aller le chercher ailleurs », lance André Blais. « À MonAvenir, on a décidé de ne pas remplacer les départs à la retraite. Aussi, on va retourner en salle de classe des conseillers pédagogiques et des enseignants accompagnateurs », explique-t-il, tout en soulignant que des économies seront aussi faites ailleurs.
Le risque? Que les conseils scolaires francophones doivent sabrer dans l’offre de cours offerts et deviennent donc moins séduisants pour des parents qui hésitent à envoyer leurs enfants dans une école de langue française.
« Nous voulons offrir les mêmes chances aux élèves que s’ils étudiaient en anglais. Donc, on offre des classes optionnelles d’arts et de musique, par exemple. Parfois, on a sept, huit ou dix élèves. Mais c’est en-deçà du nouveau ratio maître/élève de 1 pour 28. Pour notre survie et l’épanouissement de nos élèves, il faut les offrir. Dans nos petites écoles et celles de taille moyenne, les coupes vont faire très mal », explique André Blais.
Aucun poste ne sera perdu, selon le gouvernement Ford
La position du gouvernement Ford détonne avec celle des deux conseils scolaires francophones.
« Nous allons respecter notre engagement. Pas un seul professeur ne perdra son poste en raison des changements à la taille des salles de classe et de l’apprentissage numérique », affirme Kayla Lafelice, porte-parole de la ministre de l’Éducation, Lisa Thompson.
« Les conseils scolaires de langue française vont recevoir 1,79 milliard en 2019-2020, ce qui constitue une augmentation de 16 millions de dollars. Cela reflète la croissance prévue des inscriptions dans les 12 conseils scolaires », dit-elle.
Kayla Lafelice affirme que les conseils scolaires vont engager des professeurs dans les prochaines années, plutôt que d’en couper, comme ils le prévoient.
Contrairement aux conseils scolaires, elle suggère que les coupes dans les effectifs sont une chose normale qui n’a rien à voir avec les récentes décisions du gouvernement Ford.
« Les annonces d’abolition de postes sont un processus tout à fait normal à ce temps de l’année, alors que les conseils préparent leur budget pour la prochaine année », lâche-t-elle.
Mais des acteurs de l’éducation jugent sévèrement cette lecture.
« On nous demande de faire passer les classes d’une vingtaine à une trentaine d’élèves. Et on nous dit qu’il n’y aura pas un enseignant qui va perdre son emploi? Je ne vois pas comment ça peut fonctionner mathématiquement. On aura besoin de moins de monde, c’est sûr », réplique notamment une source du milieu de l’éducation francophone.
Alors que la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, défendait au micro d’ONFR+ les décisions de son gouvernement, plus tôt en journée à Queen’s Park, son opposante, Nathalie Des Rosiers, dénonçait les changements.
« C’est ce dont on avait toujours peur : qu’ils ne comprennent pas bien la francophonie et ses besoins. Que tout le monde doive trouver 4 cents sur le dollar, ça ne reconnaît pas la situation particulière des conseils francophones. Je suis déçue », a fait valoir la députée libérale d’Ottawa-Vanier.