Doug Ford se débarrasse de Boileau et du Commissariat aux services en français

Le commissaire aux services en français de l'Ontario, François Boileau. Crédit image: Patrick Imbeau

TORONTO – Le gouvernement de Doug Ford éliminera le Commissariat aux services aux français et le poste occupé par François Boileau d’ici mai 2019. Les fonctions du « chien de garde » des Franco-Ontariens atterriront entre les mains de l’Ombusdman. Quant à ses employés, leur avenir demeure incertain.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Le ministre des Finances a décidé de se débarrasser du poste de commissaire aux services en français, tout comme de ceux de commissaires à l’environnement et à l’enfance. L’information a été confirmée par des sources gouvernementales, même si les mots utilisés dans l’énoncé économique du ministre des Finances, Victor Fedeli, ne mentionnaient par les postes coupés.

« [Le gouvernement] propose d’apporter des modifications à certaines lois régissant les fonctionnaires de l’Assemblée législative afin de réduire les coûts inutiles tout en s’assurant du maintien de fonctions importantes. On réduira notamment de neuf à six le nombre de fonctionnaires de l’Assemblée législative d’ici le 1er mai 2019 », peut-on lire dans le premier budget du ministre des Finances, Victor Fedeli.

Le gouvernement Ford affirme que d’autres pourront assumer ces fonctions. « Le gouvernement propose de prendre des mesures pour étendre le champ de compétence et le mandat de la vérificatrice générale et de l’ombudsman de l’Ontario », affirme-t-il. L’énoncé économique ne dit pas où atterriront les employés du Commissariat aux services en français.

Le Commissariat aux services en français de l’Ontario avait été créé en 2007, sous le gouvernement libéral de Dalton McGuinty. En 2013, le commissaire était devenu un officier indépendant.

« Inacceptable »

Au micro d’#ONfr, le commissaire François Boileau s’est finalement s’exprimé, expliquant avoir été averti de la nouvelle seulement 30 minutes avant son annonce.

« Je suis vraiment très déçu pour la communauté francophone. On a développé une expertise incroyable (…), on a été actif dans plusieurs dossiers. On peut dire avec fierté qu’il y a eu des changements positifs au cours des dix dernières années grâce à la présence d’un commissaire indépendant. Donc, de le perdre, c’est un choc! D’avoir un œil spécifique pour l’Ontario français permettait d’avoir un focus sur le développement de la communauté franco-ontarienne et donc, de meilleurs services pour elle. »

Pour le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand, cette décision est inacceptable.

« C’était une ligne à ne pas franchir! On parle d’un agent indépendant, d’une avancée institutionnelle significative pour les Franco-Ontariens! C’est la pire décision que pouvait prendre le gouvernement, car ça ôte toute visibilité à la communauté au sein de l’appareil gouvernemental. »

Dans son discours en chambre, le ministre Fedeli a justifié sa décision par une volonté de « remettre plus d’argent dans les poches de la population de l’Ontario ».

Le politologue de l’Université McMaster, Peter Graefe, explique qu’il s’agit d’une preuve du manque d’ouverture du gouvernement Ford aux questions franco-ontariennes.

« On sentait une ouverture avec Patrick Brown, mais on observe désormais un retour à l’idée que les Franco-Ontariens sont une minorité parmi d’autres. On compte sur la ministre [déléguée aux Affaires francophones] Caroline Mulroney, mais même elle n’a pas de lien profond avec la communauté. »


« Les groupes franco-ontariens ne peuvent pas se permettre de laisser passer ça. C’est trop gros! » – Martin Normand, politologue


Un avis que partage M. Normand qui parle d’une décision purement idéologique qui aura un impact très lourd pour les Franco-Ontariens.

« Le Commissariat légitimait la présence francophone dans l’appareil gouvernemental. Le commissaire pouvait faire des rappels à l’ordre aux ministères et aux institutions, surveiller ce que faisait le gouvernement… »

Budget stable pour l’OAF

Le sabre n’est, en revanche, pas tombé sur les ministères, malgré les craintes de coupures généralisées. En matière d’éducation, de santé ou de services sociaux, par exemple, les budgets restent stables.

L’Office des Affaires francophones verra notamment son budget passer de 6 millions en 2017-2018, à 6,1 millions de dollars en 2018-2019. C’est toutefois moins que les chiffres présentés par les libéraux par le passé. L’enveloppe évoquée pour 2017-2018 était de 6,5 millions de dollars et ils affirmaient, à l’automne, qu’ils l’augmenteraient, cette année, à 7,8 millions de dollars.

« Chaque dollar compte »

Le ministre des Finances a répété que pour son gouvernement « chaque dollar compte ». Selon son énoncé économique, les revenus de la province atteignent 148,2 milliards de dollars et les dépenses 161,8 milliards de dollars, ce qui place le déficit à 14 milliards de dollars pour 2018-2019.

Les progressistes-conservateurs se félicitent toutefois d’avoir déjà réussi à faire des économies de 3,2 milliards depuis leur entrée au pouvoir, notamment grâce au gel des dépenses discrétionnaires dans le secteur public. Ils s’engagent à rétablir l’équilibre budgétaire en suivant un échéancier ‘’modeste’’.

Parmi les autres mesures annoncées dans l’énoncé économique, le gouvernement maintient son gel du salaire minimum à 14$ de l’heure, mais propose un crédit d’impôt aux Ontariens à faible revenu. Le gouvernement gèle également les droits des permis de conduire et promet des tarifs d’assurance plus équitables.

Les troupes progressistes-conservatrices promettent également de bloquer les hausses de taxes de l’ancienne administration, telle la taxe de 3 cents sur la bière. Ils misent également sur un meilleur accès au vin et à la bière, en permettant au Beer Store et à la LCBO de rester ouverts 7 jours sur 7, de 9h à 23h, et en élargissant la vente à de nouveaux commerces, comme les dépanneurs.

Du côté du logement, le gouvernement rétablit l’exemption du contrôle des loyers pour les nouveaux logements, une mesure qui selon lui, devrait encourager le développement de nouveaux projets. Enfin, en matière de santé, il annonce un investissement de 1,9 milliard en santé mentale et lutte contre la dépendance, comme prévu dans sa plateforme électorale.

Pour M. Graefe, cet énoncé économique du gouvernement manque de cohérence.

« Il est clair que le gouvernement veut rassurer sa base, mais il propose un plan incohérent. Il dit que la situation économique est difficile, parle de retour à l’équilibre budgétaire, mais dans le même temps il prend des décisions qui vont coûter très cher, comme le crédit d’impôt pour les bas salaires ou la fin de la taxe sur le carbone. Raison sans doute pour laquelle il fait des annonces plus populistes, comme celles sur l’alcool. Les progressistes-conservateurs essaient de changer le débat… »

Article écrit en collaboration avec Andréanne Baribeau.

Cet article a été mis à jour le jeudi 15 novembre, à 18h15.