École à distance : parents d’élèves et enseignants « sur les genoux »
Le retour à l’école à distance, cette semaine, se révèle extrêmement pénible pour les parents d’élèves ontariens. Alors que le gouvernement vient de prolonger ce mode d’apprentissage jusqu’au 25 janvier dans le Sud de la province, les travailleurs de première ligne et les parents d’autistes réclament un soutien accru pour concilier leurs tâches professionnelles et l’éducation de leurs enfants.
Du stress, des migraines et des larmes. Emily Guerard décrit ces derniers jours comme très éprouvants. « Je suis maman, enseignante et… technicienne à distance », ironise-t-elle.
Tandis que son conjoint est mobilisé à l’hôpital en première ligne, conjuguer son rôle de parent et d’enseignante, en plus des aléas informatiques, le tout depuis la maison, est une douloureuse expérience pour cette mère de deux filles en maternelle et 3e année, à Amherstburg, dans le Sud-Ouest de l’Ontario.
« On a dû embaucher un gardien pour aider nos enfants, emprunter des tablettes à l’école, surmonter des difficultés de connexion et aménager une salle dans la maison pour travailler dans des conditions correctes », explique-t-elle, se sentant débordée, avant de prendre sa casquette d’enseignante. « J’enseigne à des enfants de 2e année. C’est tout nouveau pour eux. Ils ne sont pas à l’aise avec les fonctionnalités d’un ordinateur. »
Le temps d’écran a explosé chez les enfants
Comme beaucoup de parents, Mme Guerard a été surprise par l’ampleur du travail demandé aux élèves. Cantonnés à une-deux tâches par jour lors de la précédente fermeture des écoles, ils sont maintenant sollicités toute la journée.
Elle plaide pour un apprentissage avec moins d’écran. « Je ne trouve pas que mes élèves me donnent du travail de qualité comme ils en seraient capables. Il faut leur donner plus de temps asynchrone pour leur laisser la chance de bien faire. »
Elle met en avant aussi la perte de vocabulaire et un manque d’expression orale en français qui fait courir le risque à certains élèves de faire reculer leur langue maternelle, lorsqu’elle n’est pas pratiquée à la maison.
« Avec 22 enfants à l’écran, ça laisse très peu de temps à chacun pour jaser, participer. »
Un point de vue partagé par Véronique Nolin-Morin. « Les enfants sont rivés sur l’écran toute la journée, même pour l’éducation physique. Trop d’écran, ce n’est pas bon », estime cette maman de Kemptville, dans l’Est, dont les cinq enfants sont scolarisés à l’élémentaire et au secondaire.
Elle voudrait que ce temps soit réduit à l’élémentaire, en se rapprochant du modèle secondaire qui se concentre sur deux matières par quadrimestre.
« La méthode du printemps était mieux », juge-t-elle. « Les enfants ne travaillaient pas 14 matières à la fois. Il faut que l’éducation sorte du moule, de sa zone de confort, peut-être aussi, par exemple, en réduisant les huit semaines de congé d’été pour en étaler dans le reste de l’année. »
Travailleur essentiel et parent : concilier l’inconciliable
Pour Mme Nolin-Morin, en revanche, impossible de travailler depuis la maison. Son mari et elle font partie du personnel essentiel, à la poste et dans la défense nationale, et ne peuvent travailler qu’en mode présentiel. Elle n’a pas eu d’autre choix que de prendre des vacances pour soutenir ses cinq enfants, cette semaine.
Comme beaucoup de travailleurs essentiels, elle voudrait un appui supplémentaire du gouvernement, pour embaucher une personne capable de superviser le travail des enfants à la maison.
« Ça nous soulagerait. On a reçu de l’aide financière pour chaque enfant, mais on l’a investi dans la connexion internet, car on s’est retrouvés à six ordinateurs pluggés en même temps. »
Mme Nolin-Morin aurait aussi préféré que cette semaine soit un congé scolaire prolongé pour les enseignants. « Ils en auraient eu vraiment besoin. Ils ont l’air épuisés », regrette-t-elle.
Soutien à l’autisme : « C’est pire qu’avant »
Nathalie Vallée est désemparée. Cette résidente de St. Catharines, dans le Niagara, passe d’une chambre à l’autre toutes les cinq minutes pour épauler du mieux qu’elle peut ses deux enfants.
« Les journées sont complètes. Ça ne me laisse pas le temps pour travailler. Mon fils souffre d’un spectre d’autisme. Son éducatrice n’étant pas là, c’est beaucoup de travail. »
Selon elle, le soutien aux enfants ayant des besoins spéciaux ou atteints d’autisme est insuffisant.
« Mon fils ne dispose que de 20 minutes d’accompagnement personnalisé chaque jour avec des enseignantes-ressources. Le reste du temps, c’est à moi de l’accompagner durant l’apprentissage de groupe. C’est pire qu’avant. »
Dans l’état actuel des choses, la seule solution pour son fils serait donc un retour en classe pour retrouver le même niveau d’accompagnement dont il disposait.
Le retour en classe, Nabila Fathi l’attend avec impatience. L’école en présentiel demeure l’environnement de socialisation par excellence, aux yeux de cette résidente d’Ottawa, dont les enfants sont scolarisés en 1ère et 4e année.
« Nous sommes de nouveaux arrivants. On n’a pas encore un grand cercle d’amis. Ça rend les choses difficiles dans une ville anglophone. Les enfants expriment d’une manière directe qu’ils veulent revenir à l’école. À partir du moment où toutes les précautions sont prises, on ne peut pas laisser les enfants à la maison. Il faut privilégier leur bien-être. »
Elle salue les efforts déployés par l’école, mais se dit « sur les genoux » à la fin de la journée. « Vivement le retour en présentiel! »
Il faudra toutefois encore attendre. Alors que le retour en classe sera effectif dès lundi prochain dans le Nord de la province, le gouvernement a pris la décision, ce jeudi, de maintenir les écoles élémentaires et secondaires fermées dans tout le Sud, et de poursuivre l’apprentissage à distance jusqu’au 25 janvier.
80 millions de dollars, issus de fonds fédéraux, seront alloués aux conseils scolaires pour qu’ils s’équipent de 160 000 tablettes supplémentaires, a fait savoir le gouvernement ontarien qui élargit, par ailleurs, le programme de garde d’enfants d’urgence ciblé à un plus grand nombre de travailleurs de première ligne en santé et sécurité.