Éducation : le personnel de soutien francophone solidaire et déterminé
TORONTO – Deuxième jour de blocage dans les écoles de l’Ontario. Le personnel affilié à la Fédération des enseignants des écoles secondaires (FEÉSO) a tenu des piquets de grève un peu partout à travers la province. Alors que les négociations sur le renouvellement de leurs contrats piétinent, les agents de soutien francophones ont eux aussi débrayé pour défendre leurs emplois et leurs élèves.
Toronto. 10h30. Devant l’École secondaire catholique Monseigneur-de-Charbonnel, l’écran du cellulaire affiche une température ressentie de -15°C avant de s’éteindre. Le long de l’avenue Drewry, le vent glacial a eu raison de la technologie mais pas des manifestants.
Campée devant ce qui est aussi le siège social du conseil scolaire MonAvenir, une trentaine d’aide-enseignants francophones sont venus faire la démonstration de leur solidarité avec un mouvement qui en est à son deuxième jour, après celui du 4 décembre.
« On ne fait pas une marche dans le parc. On est en train de sauver nos jobs », lance Angèle Lacroix, syndicaliste pur jus.
La présidente de l’Unité 64 de la FEÉSO dit se battre « pour nos emplois et pour nos élèves ».
« Ce ne sont pas juste les enseignants ou le personnel de soutien qui sont délaissés, mais c’est tout le système d’éducation qui est en crise ».
Au passage des automobilistes, les grévistes, emmitouflés dans leur veste d’hiver, agitent leurs drapeaux rouge et noir, recueillant en retour un concert de klaxons d’encouragements.
« Mon loyer augmente, mais pas mon salaire »
Au sein du petit groupe, Kara Baxter serre entre ses mains un café chaud.
« On voit beaucoup d’enfants qui ont besoin d’aide à l’école et qu’est-ce qu’on fait? On coupe, on coupe, on coupe! » déplore cette aide-enseignante de l’École élémentaire George-Étienne-Cartier, dans l’Est torontois. « On est de moins en moins nombreux et, physiquement, ça nous fatigue », confie-t-elle.
Et de poursuivre : « On se fait beaucoup de soucis pour les élèves parce qu’on n’est pas assez pour les accompagner. Certains d’entre eux ne trouvent pas la même attention que d’autres, faute d’effectifs suffisants. »
« On aimerait autant ne pas être ici, mais on n’a pas le choix », ajoute Marcel, un autre aide-enseignant qui tient toutefois à garder l’anonymat.
« Les enfants se retrouvent à la charge des parents aujourd’hui, ce qui ne devrait pas être le cas. Un élève, c’est fait pour être à l’école! Y’a des services payés par les contribuables pour ça. C’est le plein droit des enfants d’être à l’école et le nôtre d’être dans la rue en train de manifester pour de meilleures conditions de travail », dit-il.
L’homme lève le voile sur une réalité quotidienne peu connue et un métier qui évolue souvent dans l’ombre de celui d’enseignant, mais tout aussi capital, à ses yeux, dans le développement de l’enfant.
« On essaie de réguler plusieurs enfants à la fois qui n’ont pas tous le même problème », explique-t-il. « On se retrouve à aider en même temps des enfants qui ont des difficultés de comportement et d’autres des handicaps psycho-moteurs, en grand besoin. »
« Avec ces coupes, on n’est plus en position de s’occuper d’eux efficacement », affirme-t-il. « La réalité du terrain, c’est ça. Si nous n’avons pas de bonnes conditions, on met en péril leur intégration dans le système scolaire. »
Une guerre d’usure par médias interposés
Harvey Bischof fait irruption dans le petit groupe. Le président de la FEÉSO – qui défend les intérêts de 60 000 travailleurs en éducation – fait le tour des piquets de grève. Il est venu gonfler le moral de ses troupes.
« On veut attirer l’attention de l’opinion publique sur les coupures que le gouvernement impose déjà dans l’éducation cette année », indique-t-il au micro d’ONFR+.
Il est déterminé à mener une bataille de longue haleine si les conditions l’exigent.
« On est préparé à se défendre aussi longtemps qu’il le faudra. On veut que le gouvernement revienne à la table de négociation et s’engage à soutenir une éducation de qualité et le travail que nos membres réalisent tous les jours. Si le gouvernement fait ça, on trouvera un accord bon pour nos élèves. »
Pour l’heure, aucun terrain d’entente n’a été trouvé à la table des négociations entre le syndicat et le gouvernement dont le rapport de force s’exerce surtout en dehors du protocole, devant la presse et sur les réseaux sociaux.
Salaires et taille des classes : un dialogue de sourds
La hausse des salaires, l’amélioration des conditions de travail, la taille des classes et les cours en ligne figurent parmi les points de désaccord.
Le gouvernement est tout de même parvenu à un accord avec l’Alliance des travailleurs en éducation de l’Ontario (ATÉO). C’est la deuxième entente conclue, si l’on comptabilise celle nouée avec le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).
Le ministre de l’Éducation s’est d’ailleurs appuyé sur cette entente pour démontrer la bonne foi du gouvernement dans les négociations.
« Voilà encore un exemple de la volonté de notre gouvernement de se montrer raisonnable et de mettre les élèves au premier plan lors des négociations », a déclaré Stephen Lecce, par voie de communiqué. « Comme le montre le résultat des négociations avec l’ATÉO, notre gouvernement demeure une force constructive à la table de négociation. »
Un peu plus tôt dans la matinée, la FEÉSO a vigoureusement contesté le coût annoncé par le ministère concernant l’augmentation de salaires revendiquée par le syndicat.
« Nous estimons que notre proposition d’augmentation annuelle du coût de la vie, liée à l’inflation, coûterait environ 200 millions de dollars et non 1,5 milliard de dollars comme le ministre continue de l’affirmer. »
Alors qu’aucun début d’entente ne semble se dessiner avant les fêtes de fin d’année, les enseignants francophones pourraient, à leur tour, venir peser dans le rapport de force.
L’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) tiendra, dans une semaine, un vote de grève déterminant pour la suite des événements.