Élections scolaires francophones : un tel incident « ne doit pas se reproduire »
TORONTO – Plus de six mois après les élections ontariennes, une partie des électeurs franco-torontois sont rappelés aux urnes ce lundi afin de voter pour leur conseiller scolaire dans les écoles laïques du quartier 3-Centre et les écoles catholiques du quartier 4-Est. Le greffier de la Ville avait annulé ces deux scrutins en juin dernier alors que plusieurs candidats retenus ne parlaient pas français.
C’est donc jour de vote à Toronto pour une partie des électeurs de la Ville reine, tandis que les premiers votants ont pu s’exprimer par anticipation tout au long du week-end.
Sept candidats se présentent dans le quartier 3-Centre du Conseil scolaire Viamonde : Mary Wood, Adrian Mansard, Anna-Karyna Ruszkowski, Serge Paul, Alexandre Nanoff, Richard Kempler et Pierre Lermusieaux. Trois autres sont en lice dans le quartier 4-Est du Conseil scolaire MonAvenir : Rhea Dechaine, Régis Joseph et Valérie Rousseau.
À l’issue de ces partielles, qui auront coûté 125 000 $ aux contribuables, deux conseillers supplémentaires seront élus, cette fois maitrisant le français, mettant un terme au couac qui avait poussé le greffier à invalider ces scrutins en juin dernier.
La polémique avait éclaté alors que des parents d’élèves s’étaient rendu compte, en tentant de joindre des candidats à l’élection de Viamonde, qu’ils étaient anglophones unilingues. Quelques jours après, c’était au tour de MonAvenir d’être sur le radar du greffier pour les mêmes raisons.
Les candidats inéligibles avaient été radiés et les deux élections annulées, synonymes de retour aux urnes à la faveur d’une élection partielle. Après ce fiasco électoral, la plupart des nouveaux candidats, cette fois bien plus nombreux à se présenter, veulent que la leçon soit retenue dans le futur.
Plus de garde-fous et de communication
« Ce serait bien de revoir les procédures, mettre de meilleurs contrôles en place pour éviter que ces choses se reproduisent à l’avenir », estime Regis Joseph, candidat dans le quartier 4-Est.
« La Ville devrait se doter d’un personnel capable d’avoir une conversation en français avec les candidats pour vérifier s’ils maitrisent la langue, propose Rhea Dechaine », en lice dans le même quartier, « car pour être ayant droit, il suffit d’être parent d’un enfant scolaire dans une école francophone. Ce n’est pas suffisant ».
« Les conseils scolaires ont aussi un rôle à communiquer beaucoup plus en amont », signale Richard Kempler. Ce candidat du quartier 3-Centre prône une meilleure coordination entre la ville, les conseils scolaires et les conseillers sur le terrain pour impliquer les ayants droit.
Adrian Mansard le rejoint. Il pense que les conseils scolaires ont une grande part de responsabilité, y compris dans la faible participation des électeurs. « Les impôts des francophones soutiennent par défaut le Toronto District School Board, et le conseil Viamonde ne fait aucun effort pour leur faciliter la tâche afin de faire en sorte qu’ils s’inscrivent sur la liste francophone », dit-il.
« Quel que soit le résultat qui sortira des urnes lundi soir, il y aurait de la valeur à continuer à mettre de la pression pour que les règles des prochaines élections soient mises en évidence plus concrètement », affirme Alexandre Nanoff.
Elections Toronto fait avec les critères d’éligibilité existants
Jointe par ONFR+, la Ville de Toronto n’a pas été explicite sur de possibles mesures ou ajustements éventuels pour empêcher que ce type de situation ne se reproduise à l’avenir.
Le service des relations média a toutefois certifié que « l’acte de candidature que tous les candidats devaient déposer (pour ces élections partielles) contenait une section de reconnaissance des qualifications qui comprenait une reconnaissance explicite des droits linguistiques en français et du soutien scolaire en vertu de la Loi sur l’éducation ».
Le personnel d’Élections à Toronto a également vérifié tous les candidats par rapport aux rôles d’évaluation de la Société d’évaluation foncière des municipalités (MPAC), ce que plusieurs ont confirmé.
Dans les jours qui ont suivi l’annonce du nouveau scrutin, sous la pression de quelques candidats, Élections Toronto a en outre ajouté un septième bureau de vote, à Regent Park, afin de desservir géographiquement plus d’électeurs. Mais là aussi, plusieurs candidats regrettent le peu de lieux mis à disposition, certains plaidant pour en mettre dans les écoles, aux Centres d’accueil Héritage ou encore dans le secteur des Beaches.
Une modernisation de la Loi comme ultime solution
La plupart d’entre eux s’accordent à dire que l’échec du premier scrutin aura au moins eu le mérite de mobiliser la communauté, inciter des prétendants à se porter candidats et des parents à s’inscrire sur les listes électorales et voter.
« Ça a fait brusquement comprendre aux gens l’importance de faire plus attention, d’aller voter ou de se présenter », convient la candidate Mary Wood qui a appris auprès de la ville que de nouveaux électeurs s’étaient inscrits en nombre avant les partielles.
« Après ce qui est arrivé, les gens ont été choqués et je pense que plus de personnes vont voter » est persuadée Anna-Karyna Ruszkowski. À l’avenir, « les conseils d’école devraient même gérer l’administration des bureaux de vote », dit-elle, regrettant de ne pas avoir eu plus d’explications d’Élection Toronto sur les dispositions qui seront prises dans le futur.
Pierre Lermusieaux se satisfait également de « voir la communauté galvanisée ». « Les gens se sont réveillés de leur torpeur. Ça a été un mal pour un bien. »
Il croit qu’il faut aller bien au-delà qu’un simple ajustement des règles existantes. Ce candidat prône un rapatriement du processus électoral au sein des conseils scolaires afin qu’ils puissent gérer leurs propres élections et mettre en œuvre un mécanisme de vérification d’éligibilité plus robuste, par et pour la communauté.
« Évidemment, les conseils francophones doivent rester neutres vis-à-vis des candidats, convient-il, « mais ça fait partie du pouvoir de gestion et de contrôle que leur confère l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés ».
Pour se réaliser, un tel projet devrait alors passer par la case Queen’s Park et par une réforme de la Loi sur les élections municipales.