Empiétement de la Ceinture de verdure : vers un désastre environnemental?

Parc urbain national de la Rouge. Crédit image: Margaret Cornell Kirk, Parcs Canada.

TORONTO – Dans une lettre cosignée par les partis de l’opposition, Marit Stiles, Mike Schreiner et John Fraser urgent la vérificatrice générale de l’Ontario Bonnie Lysyk, de réaliser une évaluation des impacts financiers et environnementaux qu’implique la décision du gouvernement Ford d’empiéter sur la Ceinture de verdure.

Dans cette lettre, les trois chefs (par intérim pour M. Fraser et en devenir pour Mme Stiles) contestent la décision du gouvernement d’abroger la Loi sur la Réserve agricole de Duffins-Rouge.

En 2018, lors de sa campagne électorale, Doug Ford avait promis de ne jamais toucher à la Ceinture de verdure. Malgré une forte opposition, le gouvernement a promulgué fin novembre son projet de loi 23, suivi d’un règlement officialisant les changements apportés à la Ceinture de verdure. Ce sont 15 parcelles de terrain, totalisant 7 400 acres et comprenant une partie de la réserve agricole de Duffins-Rouge, qui seront retirées de la Ceinture de verdure pour y permettre plus de logements.

C’en est trop pour l’opposition

« Retirer la protection de la réserve agricole de Duffins-Rouge a potentiellement un impact sur l’environnement. Ces terres sont adjacentes au parc urbain national de la Rouge qui est une aire protégée fédérale » et qui protège le lac Ontario, entre autres.

Le projet de loi 23 pour plus de logements en Ontario autorisera la construction de logements sur 7400 acres, initialement appartenant à la Ceinture de verdure. Source : Canva

Dans cette lettre, les trois députés affirment que Canada Parc a soulevé plusieurs inquiétudes, dont l’effet néfaste sur les parcs et l’écosystème local : « Il y a risque probable de dommages irréversibles à la faune, aux écosystèmes naturels et aux paysages agricoles du parc urbain national de la Rouge, réduisant ainsi la viabilité et la fonctionnalité des écosystèmes et des terres agricoles du parc. »

L’alliance des chefs alerte aussi sur le bien-être de la province pouvant être affecté au regard de la Charte des droits environnementaux.

En 1993, le gouvernement de l’Ontario a été légalement mandaté par la Charte des droits environnementaux de consulter le public avant de modifier la politique environnementale ou énergétique de la province. La vérificatrice générale devant ainsi agir comme chien de garde.

Des inquiétudes partagées par plusieurs organismes

Il n’y a pas que les néo-démocrates, les verts et les libéraux qui tentent d’agir dans ce dossier. Depuis le mois de novembre 2022, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) aurait reçu de nombreuses plaintes de la part d’individus et d’organismes, selon le journal Le Droit.

D’abord, ce qui préoccupe les protecteurs de la Ceinture de verdure, c’est que le plan du gouvernement Ford rendrait plus difficile la protection des terres humides en Ontario. C’est important parce qu’il reste très peu de milieux humides en Ontario et parce que les tourbières et les marécages aident à séquestrer le carbone et à atténuer les inondations. Sans cette barrière, nous pourrions observer une dégradation de la qualité de l’eau et le déclin d’espèces menacées.

« La Ceinture de verdure protège les terres agricoles, les collectivités, les forêts, les terres humides et les bassins versants. Elle préserve également le patrimoine culturel et soutient le tourisme et les loisirs dans région élargie du Golden Horseshoe », indique sur son site le ministère des Affaires municipales et du Logement.

Plusieurs institutions et défenseurs de l’environnement ont porté des plaintes auprès de la Police provinciale de l’Ontario, afin de sauver la Ceinture de verdure. Source : Canva

Ensuite, deux semaines après que le gouvernement a annoncé son empiétement, une enquête menée par The Narwhal et le Toronto Star a révélé que neuf promoteurs qui bénéficieraient de ce projet avaient fait don de sommes importantes aux progressistes-conservateurs de Ford. À ce titre, Démocratie en surveillance met en cause un abus de confiance.

Depuis sa réélection en juin 2022, le gouvernement Ford s’est montré à contre-courant en matière de politique énergétique. Si Doug Ford dit croire au changement climatique, ses projets d’infrastructures pourraient inspirer l’inverse, selon plusieurs observateurs.

Le contournement de Bradford pourrait contaminer les eaux souterraines et le bassin du lac Simcoe à cause du sel sur les routes, estiment des défenseurs de l’environnement. Certaines nouvelles routes vont rediriger la circulation et avec elle la pollution de l’air. Enfin, c’est sans compter la disparition ou l’endommagement de sites archéologiques autochtones le long de ces routes.