Encore difficile de travailler en français dans la fonction publique fédérale
OTTAWA – Le nombre de francophones travaillant dans la fonction publique fédérale est resté stable en 2016, mais leur capacité à travailler dans la langue officielle de leur choix demeure encore un défi, selon un rapport du greffier sur la fonction publique du Canada.
« De nombreux employés, tout particulièrement les francophones, estiment qu’ils ne peuvent écrire ou faire leur travail en français ni utiliser la langue de leur choix lors des réunions. Certains ont mentionné n’avoir que rarement entendu leurs dirigeants, y compris les sous-ministres, parler français. Les cadres supérieurs ont la capacité de donner l’exemple pour l’ensemble d’une organisation. Nous devons faire mieux et nous le pouvons », écrit le greffier du Conseil privé et chef de la fonction publique, Michael Wernick, dans son 24e rapport annuel sur la fonction publique du Canada.
Le document, rendu public le lundi 7 mai, revient sur le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2014 qui révélait déjà que les employés de la fonction publique fédérale ne se sentaient pas tous à l’aise de s’exprimer dans la langue officielle de leur choix.
« Je ne suis absolument pas surprise d’entendre ça », souligne Magali Picard, vice-présidente exécutive régionale à l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) pour la région Québec. « Il ne se passe pas une semaine sans que j’entende un collègue me dire qu’il ne peut pas travailler en français. »
Léger recul des francophones
En mars 2016, on comptait 28,5 % de francophones dans la fonction publique fédérale, contre 28,7 % en 2015.
Pour améliorer la situation, M. Wernick dit avoir mis en place un groupe de travail qui a mené des consultations auprès de centaines de fonctionnaires de partout au pays, de chaque ministère et de tous les niveaux et classifications.
S’il se réjouit que depuis 2003, les organisations fédérales ont renforcé leur capacité à mettre en place des milieux de travail bilingues, notamment en augmentant plus que jamais le nombre de postes bilingues dans la fonction publique, il reconnaît que cela « ne suffit pas pour créer des environnements de travail bilingues ».
« Il faut distinguer la langue dans laquelle on sert les clients, qui est souvent celle de son choix, et celle dans laquelle les fonctionnaires travaillent. C’est un problème qui perdure, notamment parce qu’on exige un niveau de compétence linguistique de plus en plus élevé pour les agents de la fonction publique qui ne sert en définitive qu’à garantir que les francophones travaillent en anglais. »
Selon Mme Picard, il serait temps de procéder à une meilleure analyse des besoins pour véritablement s’assurer de ne désigner bilingues que les postes où cela est réellement nécessaire. Elle préconise également des outils de traduction utilisables à l’interne, tels que l’outil de compréhension linguistique actuellement offert à 40 ministères après moult rebondissements, pour permettre aux fonctionnaires francophones de travailler en français.
Dans son rapport, le chef de la fonction publique cite toutefois quelques organisations qui ont mis en place des mesures efficaces pour améliorer la capacité des fonctionnaires de travailler dans la langue de leur choix, tel qu’il est prévu dans la loi.
Il prend pour exemple le répertoire téléphonique interne de la Commission de la fonction publique qui permet aux employés d’indiquer leur langue de communication préférée, le manuel pour la présidence de réunions bilingues créé par le Conseil des arts du Canada ou encore, l’initiative de l’Agence de la santé publique du Canada qui a mis en place un programme qui permet de « prêter » des employés désirant améliorer leur français à des organisations acadiennes ou francophones.
Deux poids, deux mesures
Mais pour Mme Picard, la récurrence du problème vient du peu d’entrain à réellement le régler.
« Il y a deux poids, deux mesures dans la fonction publique fédérale. On exige des employés un taux de bilinguisme exemplaire, mais on est beaucoup plus flexible avec la haute gestion ce qui rend difficile ensuite la possibilité pour les employés de travailler dans la langue officielle de leur choix quand leur gestionnaire ne la parle pas. »
Dans les postes de direction, la proportion de francophones a d’ailleurs subi un léger recul, passant de 31,1 % en mars 2015 à 30,5 % un an plus tard.
« Il faudrait que les gestionnaires soient évalués par les employés sur leur capacité à leur permettre de travailler dans la langue officielle de leur choix. »
Le porte-parole aux langues officielles pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette, y voit un problème de leadership de la part du gouvernement.
« Ça avait déjà été dénoncé par l’ancien commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser. Souvent les documents de travail, les ébauches, ne sont pas traduits ce qui nuit à la capacité des fonctionnaires de travailler dans la langue officielle de leur choix. C’est une question de leadership. Quand on a un premier ministre qui répond en anglais à une question posée en français en Ontario et l’inverse au Québec, cela ne donne pas l’exemple. Il est urgent de régler le problème. »
Au total, le nombre d’employés de la fonction publique fédérale est passé de 257 034 personnes en mars 2015 à 258 979 personnes un an plus tard.