Entre l’intégration en Ontario et la chaleur de l’Algérie

Graciseuseté Associaiton Algérienne du Grand Toronto

[TÉMOIGNAGES]

Ils sont plusieurs dizaines d’Algériens à s’installer chaque année en Ontario. Loin de leur pays, échanger et se rassembler est souvent tout un défi. Cette semaine de l’Aïd al-Adha, la fête du sacrifice célébrée par les musulmans, est le moment pour le faire. Du côté de la Ville reine, les célébrations battront leur plein ce dimanche au Collège Boréal sous l’impulsion de l’Association Algérienne du Grand Toronto. À cette occasion, #ONfr a rencontré quatre Algériens qui ont fait le choix de quitter leur pays d’origine pour s’installer en Ontario.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Housseyn Belaiouer (Toronto)

Au moment de prendre contact avec lui, Housseyn Belaiouer est en famille à Alger. Il accepte néanmoins l’entrevue avec plaisir. « Au Canada, il y a toujours une nostalgie de l’Algérie. Même si je suis avec mes frères et mes sœurs à Toronto, on ne peut pas reproduire à 100 % l’idée d’être dans mon pays. C’est inexplicable. »

Se retrouver un peu comme chez lui, voilà les raisons qui ont poussé M. Belaiouer à fonder avec d’autres immigrants l’Association algérienne du Grand Toronto dont il est aujourd’hui le président. Officialisé cette année, le groupe a pour mission d’accompagner les Algériens dans leur demande d’immigration, les aider à trouver un emploi une fois sur place ou encore, faire la promotion de la culture du pays. Les célébrations de l’Aïd al-Adha au Collège Boréal ce dimanche vont dans ce sens.

Comme la plupart des immigrants algériens, les premières années de Housseyn Belaiouer au Canada se sont déroulées à Montréal. Mais après huit ans au Québec, il prend la décision de partir pour Toronto. « Tout était compliqué à Montréal, même pour une entrevue! »

En Ontario, un défi tout autre et inattendu se présente. « Lors de mon arrivée l’an passé, j’ai eu un choc, car je ne connaissais pas beaucoup de monde. À Montréal, la communauté maghrébine est beaucoup plus grande et regroupée en quartiers. C’est là que j’ai commencé à vouloir rencontrer des Algériens. »

Dans la Ville reine, il trouve enfin un emploi stable, travaillant aujourd’hui comme agent de communication et d’engagement communautaire pour le groupe Reflet Salvéo. « Je peux utiliser au quotidien mes habiletés en communication et travailler en français! »

Hichem Anabi (Sudbury)

Choisir Sudbury plutôt qu’Ottawa ou Toronto lorsque l’on vient d’un autre continent n’est pas vraiment courant. C’est le choix toutefois d’Hichem Anabi qui a posé ses valises dans la ville du Nord, il y a trois ans jour pour jour, le 25 août 2015.

« C’est en fait Sudbury qui a débarqué en Algérie », rigole encore Hichem Anabi. « Une représentante du Collège Boréal était présente lors d’un Salon d’éducation canadien qui avait lieu à Alger. J’y suis allé. Le projet m’a plu aussitôt. »

Originaire de Constantine dans le Nord-Est de l’Algérie, M. Anabi est diplômé en médecine vétérinaire. Un champ d’activité dans lequel il va se fondre graduellement au Collège Boréal de Sudbury. « J’ai d’abord été superviseur, puis j’ai eu quelques heures d’enseignement. » Depuis janvier, il est même gestionnaire du programme de Techniques de soins vétérinaires.

« Pour beaucoup d’immigrants algériens, ça peut paraître bizarre de choisir l’Ontario plutôt que le Québec, mais je voulais aller dans une province bilingue. Dans ma famille, on est pentalingue. J’ai été ici très bien accueilli, sans me sentir jugé. Ici, les gens sont vierges d’esprit. »

Pour la semaine de l’Aïd al-Adha, Hichem Anabi affirme avoir beaucoup échangé de courriels avec sa famille en Algérie. Mais la présence de son frère à Sudbury, Fateh, avec qu’il partage son appartement, l’aide aussi.

« J’ai l’habitude d’être autonome. Mon frère et moi demeurons très impliqués dans le milieu artistique notamment avec un groupe de jazz-rock. Tout va bien! »

Souhila Benabadji (Sudbury puis Toronto)

Comme Hichem Anabi (lire plus haut), Souhila Benabadji a d’abord choisi le Nord de l’Ontario pour s’établir au Canada. « C’est vrai, j’ai atterri à Montréal, mais j’ai pris l’avion pour Sudbury. » Le temps de se consacrer à un doctorat en sciences humaines à l’Université Laurentienne. Il y a deux ans, elle prend la direction de Toronto où elle devient enseignante pour le conseil Viamonde.

« Quand je suis arrivée à Toronto, je cherchais à rencontrer des Algériens. J’ai mis des messages et de fil en aiguille, on a réussi à se rencontrer, et à fonder par la suite l’Association des Algériens du Grand Toronto. »

Aujourd’hui citoyenne canadienne, Souhila Benabadji mesure le chemin parcouru depuis son départ d’Oran, sa ville natale, en 2007. « Quand je suis venue d’Algérie, je ne connaissais que l’Algérie. Au Canada, j’ai appris des autres cultures, et aujourd’hui, je peux dire que j’aime ce système, la manière comme les gens pensent, où chacun respecte les droits d’autrui. »

Souhila Benabadji arrivée à Sudbury en 2007. Gracieuseté Facebook.

Tout pourrait être idyllique si l’enseignante avait ses parents à ses côtés. « Ma famille n’est pas avec moi au Canada. Elle me manque, que ce soit mes parents, mes frères et sœurs, mes neveux. »

Pour l’Aïd al-Adha, Souhila Benabadji est retournée à Sudbury rendre visite à des amis. Le tout avec un programme plutôt chargé pour les célébrations de mardi. « Le matin généralement, on va à la mosquée pour les prières. Dans l’après-midi, on mange, on fait différentes activités. » Et de conclure : « J’ai toujours aimé vivre à Sudbury. C’est ma ville de cœur. »

Rym Ben Berrah (Ottawa)

La plupart des Franco-Ontariens un tant soit peu engagés connaissent Rym Ben Berrah. La jeune femme de 28 ans cumule les fonctions depuis plusieurs années, que ce soit sur les CA de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), du Centre de la Francophonie des Amériques ou encore, à titre d’ancienne co-présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO). Des responsabilités auxquelles s’ajoutent plusieurs prix de reconnaissance.

Mais la militante franco-ontarienne est aussi fière de ses origines algériennes. « Mon sang est 100 % algérien », affirme t-elle. En 1991, elle n’a que quelques mois lorsque ses parents doivent fuir le pays en proie à d’importants troubles politiques. C’est en Tunisie qu’ils trouvent refuge, pays où Rym Ben Berrah grandit jusqu’à ses 15 ans, avant de s’envoler pour le Canada.

Après un bref passage à Montréal, la famille s’installe à Ottawa. « Ici, je me sens encore plus Algérienne que je ne l’étais en Tunisie. Il faut dire que la communauté algérienne dans la capitale est très soudée et que nous nous entraidons beaucoup. »

Les célébrations de l’Aïd al-Adha étaient même particulières pour elle cette année. « Mon papa est décédé il y a quelques mois, et ma maman est en Algérie en ce moment. Une famille m’a accueilli pour le repas du soir. C’est ça le sens de la communauté qui m’a permis de surmonter une journée qui aurait pu être négative. »

À savoir comment Rym Ben Berrah concilie toutes ses identités, sa réponse est plutôt limpide. « J’ai toujours été dans une position d’immigrante, mais le fait de me dire franco-ontarienne ou franco-canadienne m’a permis de vivre toutes ces facettes, sans avoir à répertorier mes cultures par pays ou par région. »


POUR EN SAVOIR PLUS :

Les Algériens de Toronto s’organisent