Éric Lapointe au Festival franco-ontarien : une présence controversée
OTTAWA – Indignation chez les organismes de défense des femmes, explosion des ventes de billets, communauté divisée sur les réseaux sociaux… Entre les demandes de déprogrammation et la défense de la liberté artistique, la venue d’Éric Lapointe au Festival franco-ontarien (FFO) fait polémique.
Prévu pour le vendredi 23 septembre à 20h30, l’interprète du célèbre morceau N’importe quoi clôture la première journée du festival.
Dévoilée la semaine dernière, la programmation du FFO a causé de nombreux remous dans la communauté francophone d’Ottawa et d’ailleurs en Ontario. Alors que plusieurs se sont montrés enthousiastes à sa venue, d’autres ont pointé du doigt son passé trouble au niveau de ses comportements violents avec la gent féminine.
Une chose est sûre, Éric Lapointe ne laisse personne indifférent. En étau entre les détracteurs et les admirateurs, l’organisateur du FFO, Daniel Simoncic, est surpris de l’importante escarmouche entourant son invitation du rockeur Québécois.
« Ce n’est pas une décision qui devrait être si controversée que ça, mais ça semble l’être », estime-t-il en entrevue avec ONFR+.
#CanceLapointe?
Aux barricades contre la venue du chanteur de Mon ange, on retrouve notamment des organismes de défense des droits des femmes victimes de violence et d’agression sexuelle.
« C’est une insulte à toutes les femmes survivantes » – Danielle Pecore-Ugorji
« C’est une insulte à toutes les femmes survivantes », dénonce Danielle Pecore-Ugorji, directrice générale du Réseau du patrimoine franco-ontarien (RPFO) et ancienne gestionnaire des CALACS francophones d’Ottawa.
« On fait comme si ses actes n’avaient pas d’importance », renchérit la directrice du Centre des femmes Oasis de Toronto, Dada Gasirabo.
L’organisation du FFO répond à ces critiques en affirmant faire une distinction entre la prestation musicale et la personne.
« On appuie l’artiste et pas les comportements passés », affirme Daniel Simoncic.
Cette explication ne convainc pas du côté des organismes qui y voient une culture de l’impunité dans l’industrie musicale et une discrimination envers les femmes victimes de violence.
« Ne croit-on pas que sa victime a le droit de participer au festival? Si j’étais à sa place, je n’irais pas », argue Dada Gasirabo.
« Va-t-on crucifier quelqu’un? » – Daniel Simoncic
Confronté à cet argument, M. Simoncic assure que le FFO est sécuritaire pour tout le monde et fait valoir qu’Éric Lapointe est également en droit de pouvoir gagner sa vie.
« L’histoire a passé en cour. Je ne suis pas le juge. C’est au public de juger et pour le moment c’est le plus grand vendeur de billets. Va-t-on crucifier quelqu’un? Non », répond-il.
Aucune excuse n’est valable aux yeux de Danielle Pecore-Ugorji. Jugeant la situation « complètement inacceptable », elle souhaite que le FFO retire le chanteur de sa programmation pour laisser la place à un artiste franco-ontarien qui n’est pas aux prises avec une controverse.
La communauté divisée
Les internautes de la communauté franco-ontarienne ont été nombreux a réagir à la présence du chanteur québécois.
Plusieurs d’entre eux se sont estimés choqués de la présence d’Éric Lapointe et ont également soulevé le fait que l’artiste n’est pas issu de l’Ontario français.
Sur cette question, Daniel Simoncic rappelle que 80 % des artistes de la programmation du FFO sont issus de la communauté franco-ontarienne.
Il ajoute que le but de l’événement est aussi de propulser la carrière de musiciens de l’Ontario français en les associant avec des auteurs-compositeurs-interprètes qui disposent d’une plus grande notoriété.
« Pour attirer des foules, on va prendre des artistes qui ont une popularité et c’est comme ça que l’on fait découvrir des artistes franco-ontariens. Personne ne connaissait Véronic DiCaire dans ses débuts, mais vu qu’on l’a associé avec d’autres artistes, les gens ont pu découvrir qui elle était. C’est la même chose avec Damien Robitaille. Ce n’est pas le FFO qui dicte qui sont les artistes qui chantent en français les plus populaires », explique-t-il à ONFR+.
L’organisateur du FFO peut compter sur de nombreux appuis d’internautes dans sa démarche programmatique. Alors qu’ils s’opposent à la « censure » d’Éric Lapointe, ils estiment que le marché est mieux à même de dicter quel artiste peut jouer à l’événement ou non.
Pour le moment, le Festival franco-ontarien n’a pas l’intention de déprogrammer Éric Lapointe bien que les organismes espèrent que la pression les fera changer d’avis d’ici la tenue de l’événement.