Étiquetage en anglais : « Des enjeux exceptionnels », défend Joly

La ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly. Crédit image: Benjamin Vachet

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Mélanie Joly est ministre du Développement économique et des Langues officielles.

LE CONTEXTE :

Depuis une semaine, le gouvernement fédéral prend de multiples mesures sanitaires et économiques afin de contrer la pandémie de la COVID-19. Le virus touche déjà 923 personnes à travers le Canada et le nombre de cas ne cesse d’augmenter. Son impact économique sur les particuliers et les entreprises est également très important.

L’ENJEU :

Afin de répondre aux besoins urgents de produits pouvant aider à limiter la propagation de la maladie à coronavirus 2019, comme les désinfectants et l’équipement de protection individuelle, Santé Canada autorise désormais la distribution de produits étiquetés seulement en anglais. D’autres reprochent au premier ministre Justin Trudeau de privilégier l’anglais lors de ses annonces quotidiennes. Faut-il y voir le signe que le français est relégué au second plan dans la gestion de la crise?

« Mercredi, Santé Canada annonçait qu’il autorisait la diffusion de produits ne respectant pas l’obligation d’étiquetage bilingue afin d’accélérer la distribution. N’y a-t-il pas un risque pour celles et ceux qui ne comprendraient pas bien l’anglais?

Il est certain que présentement il est important d’être capable de respecter la Loi sur les langues officielles. Nous avons beaucoup de discussions là-dessus à l’interne et je suis là pour la défendre. Mais il faut aussi reconnaître que nous vivons des enjeux exceptionnels et qu’il est essentiel que les gens aient accès aux produits de base. On essaie de gérer le plus possible les exceptions.

Santé Canada est visé par des plaintes au Commissariat aux langues officielles pour sa gestion de la crise et certains remarquent que les discours quotidiens du premier ministre Justin Trudeau sont très majoritairement en anglais, y compris pour des informations importantes. La question des langues officielles passe-t-elle au second plan dans un contexte d’urgence?

Non, absolument pas! Le premier ministre Justin Trudeau prend tous les jours des questions en français et il parle français dans tous ses discours, qui bénéficient également d’une traduction simultanée. Je pense qu’il fait plus que respecter la Loi sur les langues officielles! Nous nous sommes également assuré que le radiodiffuseur public ait les ressources nécessaires pour donner une information en continu et je suis contente de voir la mobilisation des journalistes à travers le pays.

Que répondez-vous à ceux qui critiquent ces manquements?

Le français en temps de crise est clé, car on a besoin que tout le monde ait accès à l’information et suive les consignes de santé publique. Les violations de la Loi sur les langues officielles seront toujours inacceptables pour moi.

En tant que ministre des Langues officielles, comment comptez-vous améliorer la situation?

C’est une responsabilité que j’ai à cœur. Tous les jours, je travaille à protéger la Loi sur les langues officielles. Je siège sur le comité COVID-19, ça aide énormément.  

Il y a encore une semaine, personne n’aurait imaginé la situation actuelle et les mesures prises par le gouvernement. Quelles sont les prochaines étapes?

Je pense qu’il faut être prêt pour faire face à une grosse crise. Nous en sommes au début et il est important que tout le monde respecte les consignes de santé publique. Personne ne sera oublié et c’est la raison pour laquelle nous avons étendu notre filet social, notamment pour les travailleurs autonomes.

N’avez-vous pas peur d’inquiéter la population canadienne avec toutes ces mesures?

Toutes nos décisions sont basées sur l’avis de nos experts en santé publique. On voit ce qui se passe ailleurs dans le monde et on agit pour faire face à ce risque pour la santé publique.

Doit-on s’attendre à des mesures comme celle annoncée hier en Californie, où les gens sont confinés chez eux?

Nous avons toujours dit que toutes les options sont sur la table, car la vie des gens et leur santé sont en jeu. Il est aussi important que toutes les provinces et territoires prennent des mesures d’urgence, car ce sont eux qui gèrent la première ligne en santé.

Avez-vous une idée de la durée de ces mesures?

Il faut être conscient que nous en sommes au début de la crise. Il faut donc s’armer de patience. Nous mettons les ressources à disposition pour gérer ça, mais il est également important de faire preuve de solidarité, notamment intergénérationnelle. Plus nous prendrons ça au sérieux, plus nous pourrons nous en sortir rapidement.

Le gouvernement a annoncé plusieurs mesures économiques pour les particuliers et les entreprises. Certains secteurs sont particulièrement touchés, dont celui des artistes mais aussi des organismes communautaires dont les activités, pour la plupart annulées, sont financées par le fédéral. Qu’avez-vous prévu spécifiquement pour eux?

J’ai demandé à l’Agence de développement économique du Canada et à Patrimoine canadien de geler et de maintenir le niveau de subventions et de regarder toutes les options pour aider le secteur touristique et culturel. C’est important quand les événements sont annulés.

J’invite également tous les organismes en langues officielles qui ont des questions à contacter mon bureau ou Patrimoine canadien. S’il y a des enjeux et que les règles ne sont pas assez flexibles, qu’ils me le laissent savoir et je vais agir.

En terminant, nous sommes le 20 mars, Journée internationale de la francophonie. Avez-vous un message particulier à adresser aux francophones du Canada en ces temps difficiles?

Nous n’avons jamais été sollicités comme ça depuis la Seconde guerre mondiale et cela nous demande à tous, francophones et Canadiens, de faire preuve de solidarité. Je veux également assurer aux francophones que je suis là, à la table, pour les représenter. »