Étudiants franco-ontariens : pourquoi ils n’iront pas à l’UOF
La plupart des étudiants franco-ontariens ne feront pas leurs études à l’Université de l’Ontario français (UOF), cette année. Ils représentaient pourtant son cœur de cible et sa raison d’être : donner aux élèves de la province la chance de poursuivre leurs études supérieures en français. Moins d’une cinquantaine d’étudiants comptent rejoindre l’institution pour le moment, principalement internationaux. Kylee, Andrew et Benjamin veulent tous étudier en français, mais l’UOF ne les a pas convaincus.
Fasciné par l’étiquette « Ontario français », Andrew Pennant rêvait depuis plusieurs années d’entrer à l’UOF.
« J’en entendais parler depuis que je suis en 9e année, mais quand le temps est venu de faire mon choix, j’ai vu que les programmes n’étaient pas intéressants pour moi », confie cet élève de 12e année, à Pain Court, dans le Sud-Ouest.
Étudier en français dans une grande ville proche de chez lui représentait une opportunité à saisir, mais les programmes lui ont semblé déphasés avec son projet.
Dernière née dans le paysage universitaire, l’UOF propose quatre baccalauréats spécialisés aux intitulés atypiques : Études des cultures numériques, Études de l’économie et des innovations sociales, Études des environnements urbains et Études de la pluralité humaine.
« C’est une chose de porter le nom « Ontario français ». C’en est une autre de faire honneur à ce nom. Les programmes ne reflètent pas du tout ce que l’Ontario français est vraiment », estime celui qui a finalement jeté son dévolu sur l’Université d’Ottawa.
Après des études en histoire et théâtre, il compte passer un bac en éducation pour devenir enseignant.
Élève de 12e année à Chelmsford, près de Sudbury, Kylee Fowler a dû elle aussi faire un choix déchirant. Aspirant à devenir diététicienne ou physiothérapeute, elle confie ne pas se retrouver dans l’offre de programmes de l’UOF. Elle a opté pour un double parcours en éducation physique, à l’Université Laurentienne, et en nutrition, à l’Université d’Ottawa.
Elle regrette de ne pas voir de filière dans les sciences et l’ingénierie dans l’offre de l’université franco-torontoise.
L’UOF mise sur un apprentissage décloisonné des disciplines traditionnelles, en mettant l’accent sur l’acquisition des compétences pour favoriser l’ouverture d’esprit des étudiants. Une qualité recherchée par les employeurs, selon les sondages réalisés par l’institution torontoise.
« J’aime l’idée d’une formation transdisciplinaire, mais je trouve cela confus car, par exemple, on ne sait pas si Pluralité humaine peut toucher la politique ou d’autres domaines comme les ressources humaines », appréhende Kylee.
Des programmes peu engageants
Pas assez d’offre de programmes et des contenus peu engageants, c’est aussi l’avis de Benjamin Dennie, élève en 11e année à Blind River, dans le Nord.
« J’aurais aimé voir plus de programmes et plus spécifiques, dans des domaines porteurs ou en pénurie, comme le médical, l’enseignement… », confie-t-il. « Ce sont des débouchés intéressants, pas seulement en Ontario, mais aussi ailleurs dans le Canada minoritairement francophone. »
Il hésite encore entre étudier les sciences politiques, la communication ou le journalisme. L’Université de Montréal ou celle d’Ottawa seront ses premiers choix, l’année prochaine.
« Les programmes de l’UOF ne répondent pas à mes besoins. Si je me lance dans un domaine, j’ai besoin de cours spécifiques qui répondent à mes intérêts. »
L’UOF, cette inconnue absente des foires universitaires
Les trois élèves expliquent qu’ils ont dû faire leur choix en fonction de l’information dont ils disposaient. La foire des universités et le personnel d’orientation ont joué un grand rôle dans ce processus.
Kylee avait ainsi déjà une bonne idée de son futur académique dès juin dernier, en fin de 11e année. En octobre, la foire l’a confortée dans son choix. Mais l’UOF n’était pas présente pour défendre et expliquer ses atouts, remarque-t-elle.
« J’ai entendu parler des programmes de l’UOF en novembre. J’avais presque fini d’appliquer à ce moment-là. »
« Dans mon école non plus, personne ne nous en a parlé », renchérit Andrew. « La Laurentienne, Ottawa et Glendon étaient à la foire mais pas l’UOF », se souvient-il.
C’est un post Instagram qui l’a alerté. Benjamin dresse le même constat, tandis que d’autres élèves n’ont découvert l’existence de l’UOF qu’au moment de remplir leurs demandes d’admission.
L’UOF a dû attendre l’approbation ministérielle de ses programmes, en octobre, avant de lancer sa campagne d’information, ce qui ne lui a laissé que trois mois pour convaincre ses futurs étudiants. Son manque de communication pèse lourd dans la balance, selon les futurs étudiants, car, partant de zéro, elle a tout à prouver, contrairement aux grandes universités historiques dont les cursus sont identifiés, diversifiés et les débouchés balisés.
« C’est très important de graduer d’une université connue et reconnue pour que j’obtienne une bonne carrière à long terme », juge Benjamin. « Les petites universités ne m’intéressent pas beaucoup. Je préfère une grande université où je peux construire un réseau avec des références solides qui m’aident à rentrer sur le marché du travail. »
Des années de combat pour un résultat « frustrant »
Andrew, Kylee et Benjamin restent tout de même intéressés par les changements que fera l’université au cours des prochaines années. Si le projet de l’UOF de créer un bac en éducation se concrétise, Andrew ne ferme pas la porte à venir étudier au sein de l’institution torontoise après ses premières années universitaires.
« C’est frustrant d’en arriver là », soupire-t-il, « car cette université est le produit de plusieurs années de combat et de réflexion… S’il elle veut être reconnue, elle doit rejoindre et attirer les élèves, car elle n’a pas de passé ni de notoriété à faire valoir. Elle n’a peut-être pas le luxe qu’ont les autres universités de faire de grandes campagnes marketing, mais elle a un luxe que les autres n’ont pas : elle porte le nom, Ontario français. »