Le chef progressiste-conservateur Patrick Brown. Archives

[ANALYSE]

Maintenant que la première ministre Kathleen Wynne a remanié son équipage et retapé le navire libéral pour la deuxième moitié de son mandat à l’Assemblée législative de l’Ontario, c’est au tour de l’opposition de faire force de rames.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Le chef progressiste-conservateur Patrick Brown a beau voir du grand mât de son vaisseau une victoire possible à l’horizon, il doit encore naviguer deux ans dans une mer agitée et pleine de récifs avant d’arriver à bon port.

Plusieurs défis l’attendent sur sa route.

Le chef de l’opposition à Queen’s Park demeure un illustre inconnu pour la majorité des Ontariens.​ Il doit donc sillonner d’est en ouest et du nord au sud cette grande province à la rencontre de ses militants qui le connaissent peu et des millions d’autres électeurs qui ne le connaissent pas encore.

Patrick Brown a hérité d’un parti divisé. La formation résolument centriste de Bill Davis s’est mise à gîter sur tribord au milieu des années 1980 et les efforts pour la ramener vers le centre – notamment ceux de John Tory – ont toujours été vains. Le nouveau chef était considéré comme un homme de droite alors qu’il était député à Ottawa. Mais il a vite donné un coup de barre au centre à son arrivée à Queen’s Park et ses prises de position sur le changement climatique, entre autres, ne font pas l’unanimité dans son parti.

Le défi pour M. Brown est de positionner sa formation le plus près possible du centre où se trouve la majorité des électeurs ontariens sans pour autant s’aliéner sa base à droite.

Aussi, le Parti PC est essentiellement un parti rural. La formation n’a aucun siège à Toronto. Deux seulement dans la grande région métropolitaine. Idem pour Ottawa. Et rien au-delà de North Bay. C’est un sérieux handicap. Pour gagner les prochaines élections, M. Brown doit percer la muraille des grandes villes et du Nord ontarien. Il pourra tenter sa chance une première fois lors d’une élection partielle cet été dans la circonscription torontoise de Scarborough–Rouge-River où son candidat, Raymond Cho, est un élu municipal connu et apprécié par ses électeurs.

L’« ami » des francophones

Patrick Brown se présente comme l’« ami » des francophones. Il parle français à l’Assemblée législative. Il a promis une université franco-ontarienne bien avant que le gouvernement libéral ne s’y engage à son tour. Mais bien souvent, il donne l’impression qu’il prêche dans le désert.

Si le chef PC s’évertue à se rapprocher de la minorité francophone, on ne peut pas en dire autant de l’ensemble de sa députation. Le plus bel exemple de cette indifférence est sans doute le double discours de Lorne Coe sur la désignation d’Oshawa en vertu de la Loi sur les services en français que le député appuie publiquement alors que derrière des portes closes, tout indique qu’il continue à travailler contre le projet.

Par ailleurs, le Parti PC est de loin le parti à Queen’s Park dans lequel les femmes et les minorités ethniques sont le moins représentées. La formation ne compte que 6 femmes sur 28 élus. Et aucune minorité. Alors que Kathleen Wynne vient d’atteindre une proportion de 40% de femmes dans son conseil des ministres, la pression se fait de plus en plus forte sur les progressistes-conservateurs pour qu’ils donnent un look plus diversifié à leur parti.

Dans les sondages, Patrick Brown a pour l’instant le vent en poupe. Mais en politique, une petite tempête suffit parfois pour couler un navire. C’est arrivé deux fois à Tim Hudak, après tout.

Quant à la chef néo-démocrate Andrea Horwath, qui a évité de justesse la mutinerie après les dernières élections, et dont quelques collègues lorgnent toujours du côté d’Ottawa, difficile d’imaginer qu’elle puisse radouber sa frégate à temps pour le prochain combat.

Mais qui sait d’où viendra le vent dans deux ans?

Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 18 juin.