Faute de financement, un organisme francophone met la clé sous la porte
OTTAWA – Après 40 ans de service, Le Phénix a dû fermer ses portes. S’assurant de l’intégration sociale des personnes francophones vivant une situation de handicap, l’organisme communautaire était dans une situation financière précaire depuis plus de deux ans. Pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), sa fermeture va causer un manque de services pour les francophones en situation de handicap dans la province.
Le Phénix était confronté à un déficit budgétaire de près de 400 000 $ en un an. De la mauvaise gestion de l’ancien conseil d’administration en passant par les multiples réductions budgétaires, l’organisme devait faire face à de nombreux défis.
Pour remonter la pente, son conseil d’administration avait mis en place un plan sur deux ans dans l’espoir de trouver de nouvelles opportunités économiques, mais cela n’a donné aucun résultat. Il a été contraint de prendre une décision drastique, de peur d’être tenu pour responsable pour le déficit généré.
« L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a été embauchée pour ses services pointus de gestion de projet et de comptabilité. Des experts-conseils ont été payés pour offrir les ateliers respectifs à la pige pour être plus efficaces », explique Christian Howald, ancien président du conseil d’administration du Phénix.
« Le Phénix aurait pu payer ce même consultant pour qu’il rédige des demandes de financement, mais sans garantie de résultat. Dans ces temps incertains, ceci représente donc plus un risque qu’un investissement », déclare-t-il.
Peter Hominuk, directeur général de l’AFO, estime qu’il n’est jamais évident de voir un organisme franco-ontarien disparaître. Cela amène toujours beaucoup de réflexion sur les causes de la situation et les pistes de solutions à concevoir pour que cela ne se reproduise plus.
« La communauté évolue et, parfois, certains organismes ne sont plus pertinents et ils se voient donc éliminés. Mais Le Phénix jouait encore un rôle important. C’est vraiment une perte dont les conséquences se feront sentir à court, moyen et long terme », ajoute-t-il.
Gestion financière « douteuse » et perte de confiance de bailleurs
Au fil des années, les investissements gouvernementaux destinés aux organismes communautaires ont connu beaucoup de fluctuation. Même si l’on n’a pas observé de coupures dans les récents mois au sein des services en français, on se rend compte que les budgets alloués ne sont plus suffisants pour assurer la survie des organismes francophones en milieu minoritaire.
« Le Phénix a notamment reçu plus de 220 000 $ du ministère des Femmes et Égalité des genres du Canada afin de réaliser un projet de 36 mois destiné à améliorer l’accessibilité des services pour les femmes francophones en situation de handicap qui sont victimes de violence en Ontario. À l’issue de ce projet qui a pris fin en 2018, l’organisme « n’a pas demandé de fonds supplémentaires », affirme-t-on au ministère.
Des décisions financières prises par le conseil d’administration précédent auraient, de plus, entraîné des problèmes de gestion, provoquant une perte de confiance de plusieurs bailleurs de fonds.
« Nous, les membres restants du conseil d’administration, avons hérité de nombreuses années de gestion financière plutôt douteuse », affirme Suzanne Belanger. Cette membre du conseil d’administration se dit néanmoins confiante que « les organismes de santé communautaire à travers la province, ainsi que la mise en œuvre de la plus récente loi sur l’accessibilité, pourront accompagner les gens qui, comme moi, vivent en situation de handicap »
La création d’une table de concertation pour assurer la relève
Pour Christian Howald, il existe dorénavant d’autres institutions qui sont plus à même de réaliser la mission du Phénix. Pour lui, la présence de centres de santé communautaires dans toutes les régions, de même que des regroupements sectoriels ou des associations culturelles de défense des droits de la personne sont beaucoup plus efficaces pour offrir des services et de l’éducation sur l’accessibilité en français à toute la province.
« En fermant les portes, le patrimoine financier du Phénix sera préservé et investi dans son fonds à la Fondation franco-ontarienne, afin de pouvoir offrir de l’appui financier aux individus et organismes du secteur pour des années à venir », déclare-t-il.
Dans l’optique de palier au vide laisser par Le Phénix, l’AFO a mis en place une table de concertation réunissant des organismes et association qui dessert des services à une « clientèle ayant des besoins spéciaux ».
« Nous voulons connaître la vision et les besoins du secteur. Avec cette table, nous voulons cibler les préoccupations majeures et déterminer les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs à la table. Vu que nous sommes un organisme fonctionnant de bas en haut, nous estimons que c’est à ces organismes de décider s’ils ont besoin d’un nouvel organisme à l’échelle provinciale », explique M. Hominuk.
L’AFO a par ailleurs décidé de garder le site web du Phénix actif, pour que la population continue d’avoir accès aux ressources qui ont été conçues par l’organisme et afin d’apporter son appui à toute institution qui souhaiterait prendre la relève de l’organisme.